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“Le PJD gouverne en regardant la rue” : Le gouvernement Benkirane “fête” sa première année blanche


Narjis Rerhaye
Vendredi 4 Janvier 2013

“Le PJD gouverne  en regardant la rue” : Le gouvernement Benkirane “fête” sa première année blanche
Inquiétude. C’est le sentiment qui s’est emparé, depuis plusieurs mois déjà, des états-majors des formations politiques de  l’opposition.  Ils sont  loin, très loin les 100 jours du gouvernement Benkirane. Oublié aussi le traditionnel  délai de grâce pour un Exécutif qui a très vite déçu. Une année, jour pour jour, après sa nomination par le Souverain, le gouvernement Benkirane ne fait plus rêver. L’espoir s’estompe, la colère gronde.  Les Marocains sont dans la rue, un peu partout à travers le pays, pour manifester leur ras-le-bol et  exprimer leurs doléances. « Benkirane, où sont tes promesses ? » scandent les manifestants, de Rabat à Taza, de Marrakech à Figuig.
A coup de vraies fausses annonces gouvernementales,  l’inquiétude s’est installée à tous les étages des partis de l’opposition. Et jusque dans les rangs de la majorité, les cris et chuchotements sur l’incapacité du chef du gouvernement et de ses troupes à conduire des réformes et à relancer la machine économique se font  chaque jour de plus en plus  audibles.  Avec  à sa tête Hamid Chabat, le trublion du syndicalisme,  l’Istiqlal  sort désormais  les griffes,  critique vertement la lenteur de l’action d’un gouvernement dont il est partie prenante et réclame un remaniement. « Il est urgent de donner un nouveau souffle à l’équipe. Les réformes ont trop tardé », soutiennent les Istiqlaliens devenus  meilleurs ennemis, ou presque, des islamistes du PJD. Et comme pour mieux enfoncer le clou, l’Istiqlal  s’apprête à remettre dans les prochaines heures un mémorandum «politique» au chef du gouvernement.
«Un mémorandum d’une vingtaine de pages qui procède à une évaluation sans concession de l’action gouvernementale tout en appelant à une réorganisation de l’équipe ministérielle», confie un conseiller du parti de la Balance.
«Depuis son arrivée au pouvoir, il faut bien l’admettre, toutes les mesures annoncées tambour battant par cet Exécutif se sont réduites à des effets d’annonce. Rien de plus. En 12 mois de gouvernement,  il n’y a pas eu jusque-là de mesures concertées  et encore moins d’études approfondies à la base. Le mode de gouvernance du gouvernement Benkirane a la fâcheuse tendance à se résumer à des sorties médiatiques aussi intempestives qu’incendiaires ! », s’exclame ce ténor de l’Union socialiste des forces populaires. « Il y a bien eu cette décision de procéder à la hausse des prix des carburants. Mais attention, le gouvernement n’avait pas d’autre choix. Et il s’agit là d’une mesure isolée et de circonstance. Quant à la réforme de la Caisse de compensation, il n’y a pour l’heure que la promesse faite à la télévision par le chef du gouvernement et selon laquelle les familles nécessiteuses recevront des chèques à la fin de chaque mois», ironise cet ancien ministre usfpéiste.
Le gouvernement navigue-t-il à vue? La question se fait insistante tant l’équipe ministérielle au pouvoir donne l’impression, selon cette figure de l’opposition, de «ne maîtriser aucun dossier» et de «gouverner à vau-l’eau».

«Le pilote Benkirane
est-il dans l’avion? »

Certains députés de l’opposition vont jusqu’à s’interroger si le pilote Abdelilah  Benkirane est bien dans l’avion.
Dans les rangs de l’opposition, on raille les couacs et autres cafouillages  gouvernementaux qui se sont très vite transformés en dérapages. Dans un devoir d’inventaire, cet Usfpéiste dresse la liste des ratés d’un Exécutif aux commandes du pouvoir depuis un an. «Il y a eu l’épisode des cahiers des charges  de Mostafa El Khalfi et la tentative de coup d’Etat dans les médias publics, l’affaire Amina Filali et Bassima Haqqaoui justifiant le mariage d’une mineure avec son violeur au nom de l’honneur. Il y a eu aussi les déclarations annonçant la fin de la gratuité de l’enseignement supérieur faites par Lahcen Daoudi, celles du ministre Ramid fustigeant les touristes étrangers venant accomplir leurs méfaits au Maroc ou encore les affirmations du ministre délégué au Budget sur l’absence de crise dans notre pays. Sans oublier le chef du gouvernement himself qui, dernièrement devant les députés, remettait en doute les chiffres officiels des violences faites aux femmes en terre marocaine.  Et enfin, le dernier dérapage en date avec cette violence policière qui n’épargne personne, pas même les députés. Tout cela n’est pas très rassurant », soupire cet élu de gauche.
Nommé le 3 janvier 2012 et investi 23 jours plus tard après le vote de confiance du Parlement, l’Exécutif ou plus exactement une partie de l’Exécutif s’est très vite employée à marquer sa différence. Cela a commencé par des déclarations à l’emporte-pièce mais annonciatrices de la suite du programme. De l’art propre en passant par l’opprobre jeté sur le Festival Mawazine, les ministres appartenant à la famille politique d’Abdelilah Benkirane ont alimenté la polémique, mettant jour après jour le chef du gouvernement dans l’embarras, l’obligeant à chaque fois à corriger les déclarations impétueuses de ses islamistes de ministres.

«Un Exécutif incapable
de donner des réponses chiffrées»

Ce faisant, le gouvernement Benkirane tente, jour après jour, d’imprimer sa marque dans le mode de gouvernance et la manière de gérer les affaires. Il y a bien une méthode «PJD» et, plus qu’en filigrane, une volonté clairement affichée d’imposer un modèle de société.
«En fait, le PJD fait du PJD : il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Ce sont les ministres islamistes du PJD qui ont très vite donné  le «la». Ce sont eux qui ont tenté de mener la danse. Et la marque de fabrique made in PJD est très vite apparue, laissant loin derrière, voire sur le bord du quai les autres partis membres de la coalition gouvernementale», explique un politologue de la place.
«Les ministres estampillés parti de la Lampe sont toujours en campagne électorale. En fait, on a le sentiment qu’ils agissent dans le cadre de la consommation électorale et non en tant que commis de l’Etat. Il ne faut pas oublier que des élections communales sont prévues dans quelques mois. Eux, en tout cas, s’y préparent et ne veulent pas perdre leur électorat à qui ils sont en train de signifier dans un populisme gras qu’ils ont gardé leur âme intacte même s’ils sont au pouvoir. Et au Parlement, à l’occasion  par exemple du débat en commission sur le projet de loi de Finances, cette ambivalence, ce double discours du parti majoritaire ont été patents », soupire ce député de l’Union socialiste des forces populaires avant d’ajouter que  «le PJD n’a pas encore assimilé les règles du passage au pouvoir. Les islamistes veulent absolument dire à la rue qu’ils ne sont pas prêts à perdre leur âme dans leur exercice de la ministrabilité. Il ne faut pas non plus oublier qu’ils veulent à tout prix incarner le changement. Et pour eux, le changement se traduit d’abord par des déclarations et des comportements que nous risquons tous de payer cher ».
Sur le front économique, les inquiétudes  sont palpables. Le patronat redoute la crise et dit son insatisfaction quant aux mesures de confiance insuffisantes à ses yeux.  L’opposition, elle, fustige l’absence de relance économique et redoute l’installation d’une crise  profonde. «Il n’ y a pas de dynamique économique, la situation  se dégrade. Les indicateurs sont au rouge. Cela fait près de 8 mois que ce gouvernement est en place. La crise ne lui est pas tombée soudainement sur la tête ! Quelles mesures a-t-il prises pour atténuer les effets de la crise, relancer l’économie, redonner confiance aux investisseurs et aux opérateurs économiques? Au-delà des emprunts sur les marchés internationaux, quelle est sa stratégie en matière de financement économique? Malheureusement, cet Exécutif est incapable de nous donner des réponses claires, chiffrées et convaincantes», conclut ce député du Rassemblement national des indépendants.


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