Le Mondial autrement


Par Fathallah Oualalou
Vendredi 16 Juillet 2010

Football et mondialisation

Le Mondial autrement
1. Maintenant que le championnat du monde de football vient de prendre fin, y aurait-il encore quelqu’un pour douter de l’impact de la mondialisation qui a envahi tous les aspects de la vie des humains dont le sport et le football en particulier ?
Que chaque match parvienne à réunir quelque deux milliards de téléspectateurs, durant un mois que pour le spectacle, le nombre de ceux-ci atteigne des dizaines de milliards appartenant à tous les continents, tous les pays, toutes les cultures et toutes les langues et que, de surcroît, les discussions autour de ce championnat dominent de par le monde, c’est là la preuve que le football, et le sport en général, appartiennent désormais au phénomène de la mondialisation à travers ses parcours, son évolution, ses contradictions et les dérapages qu’elle peut engendrer.
Le sport mondialisé est perçu au niveau de la consommation. Celle des spectateurs de manière directe ou via les outils de communication. La consommation du jeu lui-même et de manière inconsciente celle du produit de la publicité accompagnant le spectacle. Elle se manifeste également au niveau de la production de joueurs et de champions qui sont à assimiler à la machine, appelant investissement et engendrant des bénéfices qui vont augmentant, de même qu’au niveau des structures gérant les activités sportives et celles environnantes, qu’il s’agisse des clubs, des sociétés de publicité ou d’institutions encadrant le système sportif avec, en tête, les comités olympiques et, dans le cas en espèce, la FIFA
Aujourd’hui, la mondialisation concorde avec l’étape à laquelle est parvenue la vie économique du point de vue de la production, de la consommation et du financement et ce, depuis l'avènement de l’économie du marché (le capitalisme), au niveau des pays au tout début avec comme pôle principal, l’Angleterre avant qu’il n'augure de larges opérations d’internationalisation des comportements économiques à travers le rôle dominant rempli par les multinationales après la seconde guerre mondiale. Le progrès dans le domaine de la communication s’est chargé, par la suite, d’intégrer les comportements de production, de commerce et de consommation dans un processus typique.
Cela a permis de dépasser la dualité classique Nord/Sud, quand les grands pays émergents, Chine, Inde et Brésil en particulier avaient commencé à jouer le rôle de nouvelles locomotives de la dynamique économique, un rôle qui s’est affirmé après que la crise avait traversé le monde depuis 2008 engendrant la confirmation de la stagnation relative de l’économie européenne et son incapacité à préserver son rayonnement dans la réalisation des taux élevés de développement, laissant par là même cette initiative à l’Amérique du Nord ou beaucoup plus, aux grands pays émergents, la Chine en tête. Il y aurait lieu de relever tout de même que l’Afrique aujourd’hui, et malgré son retard et la faiblesse de ses infrastructures, et après s’être trouvée au centre d’une grande compétition entre les pôles déterminants.
3. L’histoire du football et celle des sports en général, est passée de phases parallèles reflétant le développement des comportements économiques. Le football à l’instar de bien d’autres sports, a vu le jour en Angleterre, berceau de l’économie du marché la plus développée, qui s’est étendue de là aux autres pays européens. Avec la naissance du phénomène de la colonisation, et de manière générale, l’impérialisme, ce sport et la popularité qui va avec, s’est déplacé vers les colonies et vers le Sud en général (l’Amérique latine). Cependant, et durant de longues années, dans les pays de « la périphérie » (l’Afrique), les structures concernant ce sport ont continué à refléter cette inégalité qui caractérise la relation avec les pays du centre et à accompagner l’apparition du phénomène de l’émigration vers l’Europe. C’est ainsi, par exemple, que de grands joueurs marocains tels Larbi Benbarek, Belmehjoub, Akesbi…durant les années quarante et cinquante sont partis du Maroc vers la France ou l’Espagne en vue de renforcer des clubs européens qui attiraient également des joueurs de l’Europe de l’Est. Cette période d’internationalisation de la vie économique à la fin des années 60 et tout au long des années 70 a reflété l’élan pris par les structures du football en Amérique latine (cas Pelé) rivalisant ainsi le football européen.
Depuis ce temps, les pays européens et notamment l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et la France d’un côté et les pays d’Amérique, le Brésil en premier et l’Argentine, par la suite (cas Maradona), de l’autre, se relaient pour occuper le devant de la scène footballistique et surtout au niveau de la Coupe du monde.
4. C’est ainsi que l’internationalisation de la structure du football dans le cadre du décollage au niveau du développement économique a permis aux grands clubs européens (Réal Marid, F.C Barcelone, Manchester United, AC Milan,…etc) de procéder au recrutement de joueurs de renommée de pays d’Amérique du Sud ou d’Afrique. Ces dernières décennies. Et depuis l’obtention par ces joueurs de nationalités européennes, les équipes nationales concernées se sont transformées en un creuset au sein duquel fusionne une élite de joueurs d’origines diverses. L’équipe de France champion du monde en 98 (celle de Zidane) en a servi la parfaite illustration.
Idem pour celle de l’Allemagne, tout récemment en Afrique du Sud. Une équipe d’Allemagne constituée d’un vrai brassage de joueurs aux origines africains, nord-africaines (Tunisie), Turques ou européennes de l’Est.
Cela s’applique également à la sélection néerlandaise qui compte deux joueurs d’origine marocaine. C’est là un phénomène considéré comme une preuve de l’aboutissement d’une intégration réussie allant dans le sens du développement de la conception de l’émigratio
Toutefois, certaines équipes nationales à l’instar de celles représentant les pays du sud de l’Europe, tels l’Espagne et le Portugal et, à un degré moindre, l’Italie, continuent à compter sur les joueurs d’origine « de souche ». Ce qui refléterait en quelque sorte le niveau du progrès économique de ces pays par rapport à ceux du centre et du nord du Vieux Continent.
5- La confirmation du passage de la phase de l’internationalisation à celle de la mondialisation au début des années 90 pour le football a fait suite à l’impact de la communication télévisuelle qui a gratifié le spectacle d’une dimension universelle avec tout ce que cela suppose comme émergence d’activités économiques au niveau commercial, communicationnel et publicitaire.
Aussi, la FIFA a-t-elle pris l’initiative de faire en sorte que le football conquière des pays qui n’avaient pas de traditions dans ce sens. C’est ainsi que les USA se sont vus confier l’organisation du Mondial. Par la suite, l’évolution des équipes des Etats-Unis, du Japon, de la Corée et de l’Australie, entre autres, s’en est positivement ressentie. En parallèle le nombre des pays africains participants aux phases finales du mondial est passée à six (dernier mondial sud-africain).
Tout en rappelant que la plupart des joueurs des sélections africaines évoluent au sein de clubs européens. Quant à la prochaine phase dans l’histoire du football, elle devra concorder avec son développement en Chine appelée à conquérir des positions avancées à ce niveau l’image de son économie qui a conquis les quatre coins de ce monde.
Dans ce sillage, la FIFA a procédé pour la première fois à l’organisation de la Coupe du monde en Afrique et plus précisément en Afrique du Sud. Et ce, malgré l’avis de plusieurs observateurs qui considéraient que le Maroc, vu son passé footballistique et sa proximité de l’Europe, avait le droit d’organiser cette grande manifestation du ballon rond. Mais la logique qui prime dans la gestion de la FIFA, a fait que cette instance a usé de tous ses pouvoirs, tout en exploitant la position charismatique du leader Nelson Mandela afin que l’Afrique du Sud puisse organiser ce Mondial. L’on doit donc féliciter l’Afrique du Sud et tous les Africains quant à ce succès reconnu par tout le monde, sachant que ce rendez-vous sud-africain devra être exploité en vue de concrétiser et d’élargir l’aspect de la mondialisation du football pour qu’il intègre l’Asie, les Etats-Unis et, bien entendu, l’Afrique. Autrement dit, les continents qui connaîtront dans l’avenir des taux de croissance plus élevés.
6-La mondialisation du football se manifeste au niveau des championnats à caractères national, continental et international et ce, à travers le rôle central dont jouit la FIFA. C’est dans cet ordre que cette dernière a pu s’imposer comme une instance unifiée et de référence, tout en étant un pouvoir capable de dicter ses décisions et ses règles sur les joueurs, les encadreurs, voire les nations. De sorte que son pouvoir dépasse celui des Nations unies ou encore celui des institutions économiques et financières internationales, du fait que les décisions de la FIFA sont acceptées par tous. La Fédération internationale de football est parvenue à imposer sa référence dans les relations entre entités offrant des contrastes politiques ; le cas de la Corée du Nord et la Corée du Sud, la Chine et le Taïwan, avec la mention que la FIFA est allée jusqu’à faire jouer Israël dans les éliminatoires zone Europe pour l’éloigner de son environnement du Moyen-Orient.
De surcroît, la FIFA est devenue une terrible machine dans son organisation, pouvant être comparée à une multinationale. Son objectif est d’engranger le maximum de recettes et de gains via l’organisation de compétitions internationales et continentales. Un flux d’argent qui repose essentiellement sur les recettes publicitaires et les droits de retransmission, particulièrement la télévision. Bien entendu, ceci a trait à la mondialisation de la vie économique dans ses aspects de production, de financement et de consommation.
Si les grands clubs, surtout ceux d’Europe, font de gros investissements, renforçant leurs positions via les transferts des joueurs, tout en accordant à ces derniers et aux entraîneurs des rémunérations mirobolantes, la FIFA a pu monopoliser l’opération d’organisation de championnats. Exploitant sa position de force, elle vise à élargir l’espace de la pratique du football mondial de façon à ce qu’il va de pair avec les flux commerciaux, financiers et productifs. Il y a donc une liaison notoire entre le mouvement de l’économie mondiale et la politique de la FIFA. Dans l’avenir, c’est l’Asie qui suscitera l’intérêt, puisque ce continent compte une population chiffrée en milliards, d’une part, et qu’il sera la locomotive de la dynamique économique dans le monde, d’autre part. L’Afrique ne sera pas en reste, malgré le fait qu’elle reste la partie sous-développée de l’économie mondiale. Sauf qu’elle sera qualifiée dans les prochaines décennies à être un grand pôle footballistique, au vu de la croissance démographique et économique, sans omettre les matières premières et les ressources énergétiques dont dispose le continent qui attire de plus en plus les grands pays d’Asie.
7- Il ressort, au gré du suivi de l’horizon du développement économique, le rétrécissement notoire de la position de l’Europe du fait de la modestie du rythme de sa croissance. Mais lors du Mondial 2010, la finale a été cent pour cent européenne entre les Pays-Bas et l’Espagne et le sacre est revenu à l’équipe ibérique. Et c’est d’ailleurs pour la première fois qu’un tel scénario prend forme en dehors de l’Europe, en Afrique, continent proche de l’Europe et lié à celui-ci par un passé colonial.
L’on peut relever que la déception des Néerlandais n’est pas due seulement à leur troisième défaite en finale de Coupe du monde, mais au fait que la sélection batave a joué en Afrique du Sud, pays qui compte un grand nombre de citoyens d’origine hollandaise.
La présence de trois équipes nationales du Vieux continent (Espagne, Pays-Bas et Allemagne) au stade des demi-finales du Mondial prouve la forte résistance des sélections européennes, décidées à sauvegarder leur suprématie sur la discipline. Et c’est ce que les Européens tiennent à faire aux niveaux économique et financier. Mais consolider leur leadership est conditionné par le fait que les Européens doivent accepter la réalité mondiale du football au sein de leurs pays, dans le sens où les clubs font appel aux services de joueurs étrangers (Afrique et Amérique latine). Situation similaire au développement économique du continent européen qui a besoin d’apports extérieurs sur les plans humain et matériel.
La mondialisation de la vie sportive a entraîné, de manière contradictoire, à ce que le sport devient un facteur essentiel pour que les individus s’attachent à leur identité nationale. De sorte que les Espagnols, qui souffrent des répercussions de la crise économique, vont saisir leur victoire au Mondial pour s’attacher à leur identité, tout en exploitant cet acquis afin de faire face aux difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Ce qui veut dire que la mondialisation ne nie pas l’identité nationale, mais elle permet à celle-ci de prendre de nouvelles formes d’expression quant à l’attachement des peuples à leurs identités et patriotismes. La Coupe du monde a démontré que tant que les peuples sont soumis à la logique de la mondialisation, tant ils sont attachés à l’identité et à l’environnement régional auquel ils appartiennent, autrement dit la proximité. Comme si la proximité préserve l’identité dans sa confrontation avec la mondialisation.
Dans cet ordre, l’on a pu voir la solidarité entre Européens ou entre Latino-américains lors des matches de leurs sélections respectives. Chez nous, on a remarqué la sympathie des citoyens marocains à l’égard des équipes des pays proches : l’Algérie en premier lieu, le Ghana en quart de finale et l’Espagne, le voisin du Nord. Ce qui est sûr, c’est que ce qui s’applique au football doit être de vigueur dans le domaine des relations politiques et économiques dans le monde. Soit l’attachement à la proximité et à l’identité pour s’adapter au mieux à la mondialisation.
Traduit de l’arabe par la rédaction.


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