Le Maroc aurait prochainement sa propre barrière anti-immigration. Chakib Khyari, président de l’Association Rif des droits de l’Homme (ARDH), a indiqué à ce propos que des travaux sont en cours à proximité de Mellilia pour dresser une barrière grillagée haute de 6 mètres et dotée de petites lames tranchantes. La même source a précisé que les travaux de construction ont commencé il y a 20 jours. «Nous avons constaté le creusement d’une tranchée sur place et l’existence de barbelés avec des lames tranchantes», nous a-t-il affirmé en ajoutant que les informations concernant ce projet dont dispose son association demeurent insuffisantes. «Aucune information technique ou financière ne circule à ce sujet. C’est pourquoi nous avons contacté plusieurs groupes parlementaires pour engager un débat sur ce dossier», nous a-t-il précisé.
Pourtant, Adil Akid, responsable local de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Nador, a nié en bloc la construction d’un tel mur. D’après lui, il serait question de la construction d’une tranchée du côté marocain. «Il s’agit plutôt de travaux de renforcement de la barrière frontalière. Ce sujet n’a rien de nouveau puisqu’il y a plus d’un an qu’on parle de ces travaux», nous a-t-il précisé. En effet, le Maroc a procédé au lancement de ces travaux, il y a quelque mois, en installant des bornes en fer et des tubes métalliques. A certains endroits, la barrière a déjà pris forme et atteint une hauteur d’environ deux mètres.
Qui dit vrai, qui dit faux ? Difficile de trancher d’autant que les autorités marocaines refusent tout commentaire sur le sujet et préfèrent garder le silence. Pourtant, la construction d’une telle barrière risquerait d’attiser les tensions et de créer des problèmes pour le Maroc. C’est l’avis de Hicham Rachdi, secrétaire général du Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants (GADEM). D’après lui, l’installation de fils de fer barbelés renforcés par des lames constitue une violation des droits de l’Homme qui interdisent aux Etats de porter atteinte à l’intégrité physique des migrants.
«Ces lames risquent de blesser voire de couper ou mutiler ces migrants et cela va à l’encontre de la nouvelle politique de migration défendue dernièrement par le Maroc», nous a-t-il expliqué avant d’ajouter : «Pire, il y a le risque d’exploitation des cas de blessures par nos ennemis en faisant circuler des photos remettant en cause la volonté du Maroc de défendre les droits humains».
De son côté, Chakib Khyari s’est interrogé sur la pertinence d’une telle décision de la part des autorités marocaines alors que le débat sur l’usage des barbelés dotés de petites lames tranchantes fait rage en Espagne. Certains groupes politiques et organisations sociales et religieuses se sont élevés contre leur réinstallation et demandent le retrait de ces barbelés qualifiés de «honteux et terribles», d’«inhumains» et de «cruels». Le procureur général de l’Etat espagnol s’est même engagé à ouvrir une enquête sur la légalité de ces barbelés.
Le coût financer de l’installation de ce grillage pose également problème. Beaucoup de militants associatifs se demandent comment le Maroc compte financer ce projet étant entendu qu’une telle initiative nécessite un budget non négligeable. «Selon nos informations, la barrière anti-immigration espagnole a coûté près de trois millions d’euros et a été financée en grande partie par l’UE. On se demande où le Maroc ira chercher pareils moyens financiers», s’est interrogé Hicham Rachdi. Même point de vue du président d’ARDH qui nous a précisé avoir «demandé aux parlementaires d’enquêter sur le sujet pour lever le voile sur cette opération», nous a-t-il confié.