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Le Maroc à l’heure de la Journée internationale du migrant

La migration vue sous différents angles par trois chercheurs pionniers


Hassan Bentaleb
Mardi 18 Décembre 2018

Le Maroc célèbre aujourd’hui la Journée
internationale du migrant proclamée en l’an 2000 par l’ONU en commémoration de l'adoption
de la Convention internationale sur la protection des droits de tous  les travailleurs migrants
et des membres de leur famille.
Un anniversaire d’autant plus important
qu’il intervient à la veille de la ratification
du Pacte mondial sur les migrations par
l’Assemblée générale des Nations unies.
Pour la communauté internationale, cette journée est donc une occasion pour dissiper les préjugés et sensibiliser l’opinion publique à la contribution économique, culturelle et sociale de ces derniers
au développement de leur pays d’origine
et de destination. 
Après avoir braqué l’année dernière les
projecteurs sur certains défenseurs des droits des migrants, Libération a fait le choix  cette année de mettre sous les feux de la rampe trois chercheurs marocains.
Il s’agit de pionniers de la recherche scientifique sur la migration qui travaillent seuls ou en groupes, souvent dans la discrétion la plus totale. Ils ont tous en commun la même conviction
chevillée au corps ; en l’occurrence celle
de la nécessité des savoirs et de la science dans
la lutte pour la défense des droits de l’Homme.

Mohamed Charef : Le globe-trotter

C’est l’expert par excellence en matière de migration et de mobilité humaine.  Il est toujours en mouvement entre le Maroc et l’étranger. Il est probablement le chercheur qui a réalisé le plus grand nombre de miles, ce qui lui permet aujourd’hui d’être accueilli comme il faut par plusieurs compagnies aériennes.  « Le fait de bouger permet d’élargir les réseaux et de développer de nouvelles perspectives. Ceci d’autant plus qu’on ne peut pas travailler sur la migration en restant dans son coin. La mobilité est quelque chose de primordial et quand on bouge, on relativise les choses et on développe un  sentiment d’empathie envers autrui», nous a fait savoir.  
En fait, Mohamed Charef est membre associé de plusieurs équipes de recherche, de nombre de réseaux et sociétés géographiques et de moult conseils scientifiques, dont le conseil scientifique du Groupement d'intérêt scientifique (GIS), "Histoire des migrations", Cité nationale de l’histoire de l’immigration (Paris), etc. Il est également professeur invité dans plusieurs universités étrangères dont celles d’Aix-en-Provence, de Metz, de Saint Joseph à Beyrouth, de Poitiers, de San Antonio au Texas, et  l’Université Libre de Bruxelles, entres autre. Il est, également, consultant et expert des questions migratoires auprès du Fonds des Nations unies pour la population, du Conseil de l’Europe, de la Division de la population des Nations unies, du Conseil consultatif des Marocains résidant à l’Etranger…
Mohamed Charef est né à Guercif. Après des études à Rabat, il part en France où il a soutenu une thèse de 3ème cycle à Poitier avant de soutenir une thèse d’Etat à Bruxelles. « A la base, je suis urbaniste, mais faute d’encadrant pour ma thèse sur la production de logements par les travailleurs marocains, j’ai été obligé de suivre des études de géographie », se souvient-il. Et la migration ? « Elle a été un pur fruit du hasard. Un jour, un ami m’a invité à participer à une marche pour dénoncer les conditions des migrants détenus au centre de rétention d'Arenc (Marseille)  et c’est là que j’ai découvert l’importance de la thématique de la migration. Par la suite,  le même ami m’a demandé de dispenser  bénévolement des cours de soutien aux enfants des migrants résidant dans les quartiers Nord de Marseille. Et c’est à partir de ce moment là que j’ai  commencé à défendre les droits des migrants, et même après, et en tant qu’urbaniste,  je me suis trouvé confronté  au sujet de la migration via la question du  logement dans la ville de Beausoleil où  j’ai contribué à la construction d’un foyer pour les immigrés et où l’on a organisé nombre d’activités de lutte contre le racisme. Le même engagement pour la migration m’a suivi à Paris et après en tant que chercheur ». Et c’est dans la ville d’Agadir que cet engagement allait continuer à égrener ses jours. Une ville qui a tellement plu à Mohamed Charef qu’il n’a jamais voulu la quitter. « J’ai visité cette ville en tant que touriste et elle m’a beaucoup plu et, très vite,  j’en suis tombé amoureux», s’est-il confié avant de poursuivre : « J’ai décidé d’y résider malgré le fait que je gagnais dix fois plus en France qu’au Maroc.  Je me rappelle que j’ai travaillé au service civil avec un salaire de 2.000 DH alors que mon salaire en France se situait avoisinait les 17.500 francs. Mais, sincèrement, j’étais heureux dans cette ville et je n’ai jamais voulu aller ailleurs malgré les offres alléchantes qui m’ont été faites ».
Mohamed Charef a intégré la Fac des lettres et des sciences humaines d’Agadir  en 1989 et c’est à partir de cette date qu’il a mis en place un premier groupe de recherche avant de créer  l’Observatoire régional des migrations : Espaces et sociétés (ORMES) . «Le moment fondateur est un colloque organisé en novembre 1997 intitulé « Les immigrés femmes et les retraites : les oubliés de la migration internationale ». Il y a eu trop d’axes, beaucoup de participants, de chercheurs, de  personnalités marquantes, de militants associatifs. Ce fut donc le grand départ pour la mise en place d’un Master en migration, l’école doctorale et ainsi de suite… », nous a-t-il affirmé.
Hicham Rachadi du Gadem (Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants), pense que le parcours de vie de Mohamed Charef explique ses positionnements politiques. « Il a beaucoup vécu à l’étranger et beaucoup souffert de la discrimination.  Il a choisi le Maroc inutile, ce qui lui a permis d’avoir plus de  recul et de développer un autre regard sur les gens, les politiques, les trajectoires. Son statut en tant que président de la Commission régionale des droits de l’Homme d’Agadir a beaucoup joué dans son implication dans  les questions migratoires», a-t-il  avancé.
A l’Université Ibnou Zohr d’Agadir, Mohamed Charef a réussi à mettre en place des équipes de recherche constituées de jeunes chercheurs et d’étudiants en Master. Pour lui, la recherche scientifique est une expérience collective. « Travailler seul ressemble à un travail de « missionnaire », a-t-il ironisé. Il faut former des jeunes pour assurer la relève ». Une mission qu’il estime avoir bien menée. « La relève est déjà là et je ne veux pas citer de noms. Mais, il y a des jeunes de l’ORMES qui ont déjà fait leurs preuves et qui sont dynamiques au niveau national ou au niveau du monde arabe ».   Abdellatif Mâroufi, chercheur en immigration et spécialiste du vieillissement des Marocains du monde, estime que  Charef est l’un des rares enseignants à mettre en avant ses étudiants. « Il a formé une génération de chercheurs et assume bien son rôle de chercheur qui transcende le cercle de la production scientifique pour rayonner aussi sur l’encadrement des étudiants», a-t-il souligné. «L’une des spécificités de Charef est sa capacité à mobiliser ses étudiants (Master ou doctorat) et à les faire travailler. Il t’invite à une activité et tu trouves que ce sont ses propres étudiants qui font tout et lui il se contente de les encadrer de loin », note El Kiber Atouf, socio-historien et enseignant-chercheur à l'Université Ibn Zohr-Agadir.
Roméo Gbaguidi, chercheur à l’université de Nebrija en Espagne et ancien étudiant de Charef, se souvient d’un professeur brillant, au grand cœur, modeste et d’un abord facile. « Ce qui m’a frappé chez Charef, c’est son humilité et sa capacité à mettre les gens à l’aise », nous a-t-il confié.    
Mohamed Charef pense que la recherche scientifique sur la migration ronronne au Maroc. Il estime qu’il  y a des profils qui se répètent et qu’il y a un déficit patent en matière de travail en réseau de la part des chercheurs marocains. « Il y a eu des tentatives de coordination dans ce sens à Agadir, à Rabat et ailleurs, mais elles n’ont pas abouti.  Aujourd’hui, il y a une plateforme de chercheurs qui couvre l’ensemble du Maroc, mais il faut aborder des thématiques récentes qui collent à la réalité migratoire qui bouge beaucoup et qui est très dynamique. Et cela demande des discussions, des rencontres, des séminaires, notamment avec des chercheurs venus d’ailleurs », constate Charef. Et de poursuivre : « Quand j’ai commencé,  il n’y avait pratiquement pas de chercheurs marocains. Quand j’étais jeune, j’avais présenté mon sujet de recherche sur la migration internationale à un professeur de l’université de Rabat et il m’avait répondu sèchement : est-ce que cela constitue un sujet de recherche !  Aujourd’hui, il y a de plus en plus de chercheurs marocains qui sont soit installés au Maroc ou qui travaillent depuis l’étranger comme Chadia Arab ou Hassan Boussta».
Pour Hicham Rachidi, Charef est plus qu’un chercheur. Il est un fin observateur de la condition humaine au-delà de la problématique de la mobilité transnationale.  «C’est un curieux à la page. Il suit les dossiers et il a toujours l’information qu’il faut. Et ce n’est pas par hasard qu’il est devenu la tête pensante d’El Yazami sur les questions migratoires».

Mohamed Khachani : Le sage

Il fait autorité dans son domaine. Ses conférences sont bien suivies par les étudiants, les chercheurs et même les enseignants. Et pas seulement au Maroc, mais également à l’étranger. Il est souvent sollicité pour donner des conférences, participer à des colloques ou intervenir dans un séminaire ou sur les médias. Son avis compte pour plusieurs organismes nationaux et internationaux et ses nombreux  écrits et publications sur la question migratoire au Maroc, au Maghreb, dans le monde arabe et dans l’espace euro-méditerranéen sont fort attendus par les initiés.
Mohamed  Khachani est né en 1951 à Ksar El Kébir.  Après une licence en sciences économiques  en 1972 et un Diplôme d'études approfondies en 1977, il a soutenu une thèse de doctorat de 3ème cycle en 1980 sur les « Aspects des blocages de  l'industrialisation au Maroc: le cas du projet  sidérurgique de Nador » à  l’Université des sciences sociales de Grenoble et une thèse de doctorat d'Etat en économie sur  " L'industrialisation au Maroc : Genèse et formes d'évolution. 1850 à nos jours. "  à l’Université des sciences sociales de Lyon II en 1992. Aujourd’hui, il occupe le poste de professeur de l’enseignement supérieur à l’Université Mohammed V- Agdal de Rabat.
Ahmed Zakri, trésorier de l’Association marocaine d’études et de recherches sur les migrations (AMERM) dont Mohamed  Khachani est le secrétaire général, se souvient d’un professeur sérieux et aimable. « J’ai connu Khachani en 1980  à l’université de Moulay Abdelah  de Fès en tant qu’enseignant. Il était gentil et  serviable. Il s’est fait connaître auprès des étudiants comme un homme droit et intègre, soucieux de l’image de l’université et qui est toujours prêt à donner un coup de main à ses étudiants. Les mêmes qualités qu’il a su préserver des années après en tant que secrétaire général de  l’AMERM», nous a-t-il affirmé.
Mustapha Azaitraoui, enseignant-chercheur en géographie humaine, se rappelle d’une personne touchante, paternelle et modeste. « Lors d’un voyage de Rabat vers Khouribga avec lui, j’ai eu l’occasion de découvrir un aspect paternel et chaleureux chez cet homme. La manière avec laquelle il avait pris des nouvelles de sa femme et de sa fille et la façon avec laquelle il avait appris le décès de l’un de ses proches démontrent bien qu’il s’agit bel et bien d’un père attentif et tendre», a-t-il précisé.  
Hicham Rachidi, du Groupe antiraciste de défense et d'accompagnement des étrangers brosse un autre portrait de Khachani. Pour lui, il s’agit d’un homme des réseaux et d’un pragmatique. « Il est intelligent et il a l’art de savoir se positionner. Il est également un fin politicien et  il a ses entrées auprès du ministère des Affaires étrangères ou de celui de l’Intérieur. On peut même parler d’un véritable influenceur », nous a-t-il  confié tout en précisant que Khachani demeure fortement engagé lorsqu’il croit en quelque chose. « Un jour, il a été invité par notre association en tant que formateur pour encadrer certains militants subsahariens sur la question de l’asile et du droit marocain y afférent. A la fin de la formation, il a refusé de toucher les 4.000 DH d’appointements… et il a demandé que cette somme soit allouée à la couverture des frais de transport de ces migrants », se souvient-il.  
En tant que chercheur, les avis sont unanimes : Mohamed Khachani est incontournable dans son domaine.  Elkbir Atouf, socio-historien et enseignant-chercheur à l'Université Ibn Zohr-Agadir évoque un chercheur bosseur, pertinent et méthodique. «Il a beaucoup enrichi la recherche scientifique sur le phénomène migratoire en adoptant des approches très pertinentes mêlant la démographie, l’économie, l’imaginaire et autres. Dans ses interventions, il a toujours recours aux cartes, aux statistiques et aux figures pour mieux faire passer ses idées à son audience. Mieux, ses données sont toujours d’actualité», nous a–t-il précisé. Même son de cloche de la part d’Abdellatif Mâroufi, auteur du livre : «Histoire des Marocains aux Pays-Bas», qui voit en Khachani un chercheur sérieux qui a mis en place l’AMERM et qui est arrivé, à travers la mobilisation des chercheurs et l’organisation de colloques et de rencontres ainsi que l’édition de plusieurs études et rapports, à développer et à élargir le champs d’investigation sur les migrations ….
Ahmed Zakri estime que l’empreinte de Khachani sur le champ scientifique national de la  recherche sur la migration est incontestable. Selon lui, le secrétaire général de l’AMERM fait partie des premiers chercheurs qui ont mis la lumière sur la thématique de la migration notamment celle des travailleurs marocains et sur l’aspect féminin de cette migration sans parler du fait qu’il a été l’un des premiers à s’être attaqué à la migration des femmes vers l’Orient et notamment vers les pays du Golfe».

Abdelkrim Belguendouz : Le rebelle

Il est le chercheur le plus apprécié par la société civile, le plus détesté par les officiels et le plus critiqué par ses collègues universitaires. Il est clair qu’il ne fait pas l’unanimité partout. Si certains apprécient sa franchise et son dire vrai, d’autres détestent son ton critique et son engagement politique.
Abdelkrim Belguendouz est né à Oujda en 1942, d’une famille composée de six enfants. Sa scolarité, y compris au Msid, il l’a faite dans la capitale de l’Oriental ; du primaire au lycée français d’où il a été exclu de la 5ème avant de la poursuivre au  collège Abdelmoumen jusqu’en terminale et de bifurquer, par la suite, vers le Lycée Descartes de Rabat. En 1967, il a obtenu  la licence en droit avant d’obtenir un DES en sciences économiques à  Grenoble en 1969, puis un doctorat d’Etat en sciences économiques fin 1976.
Le passage vers la recherche académique sur la migration, il l’a justement franchi par le biais des sciences économiques. « Mon mémoire de recherches pour le DES portait, en effet, sur les migrations internationales et l’échange inégal et ma thèse d’Etat en sciences économiques avait pour titre : «Genèse et fonctions économiques des migrations internationales des travailleurs : Le cas de l’immigration marocaine dans les pays d’Europe occidentale», nous a-t-il précisé. Et de poursuivre : « Durant mon séjour à Grenoble , outre le fait d’avoir été chargé des travaux dirigés à l’Institut d’études politiques de l’Université des sciences sociales de Grenoble (1970-1976) , j’ai été collaborateur de recherches au sein de l’équipe « immigrés » de l’Institut de recherches économiques et de planification (IREP) de Grenoble (1969-1976)  et membre (aux côtés du regretté Abdelmalek Sayed) du groupe de consultation sur l’émigration maghrébine auprès du Centre de développement de l’OCDE sis à Paris (1973-1976). Durant cette période de ma vie en France, j’ai vécu Mai 68 entre Paris et Grenoble, un des mots d’ordre à l’époque était : « Français, immigrés : même combat ! ». Le suivi des luttes des immigrés pour l’amélioration de leurs conditions de séjour, de vie et de travail, faisait partie de mon agenda, en liaison avec les syndicats, les collectifs d’immigrés, en particulier maghrébins. Les campagnes d’alphabétisation se faisaient également dans le cadre de l’AEMNA (Association des étudiants musulmans nord africains). Des analyses et études sur l’immigration marocaine en France étaient envoyées pour publication à « Al Bayane ». J’ai été  encouragé en cela par le regretté Aziz Belal  qui fut mon maître lors des études de licence à Rabat», a-t-il rappelé.
Alpha Camara, secrétaire général  de la Plateforme des associations et communautés subsahariennes au Maroc (ASCOMS), voit dans Belguendouz,  l’un des rares chercheurs qui vont au-delà du champ scientifique. Pour lui, il s’agit d’abord d’un militant  aguerri qui aborde la thématique de la migration de manière franche et directe. « Dans ses interventions,  on est toujours face à un interlocuteur qui ne tourne pas autour du pot et qui va directement au vif du sujet, qui touche là où ça fait mal. Un homme passionné, qui exerce son métier avec amour et qui soutient énormément la migration subsaharienne au Maroc. C’est vraiment l’un de nos alliés dans le monde universitaire et dont les travaux de recherche ne cessent de nous interpeller», nous a-t-il précisé.
Un chercheur en migration nous a confié sous le sceau de l’anonymat que Belguendouz demeure précurseur sur pas mal de questions relatives à la politique migratoire. «Il est toujours présent au Parlement et sur le terrain. C’est un chercheur qui garde un lien avec son sujet. Il sonde les différentes opinions, il se documente et il fait le travail de terrain notamment au niveau parlementaire. S’il y a un terme pour le qualifier, ce sera celui de l’intégrité », nous a-t-il indiqué.
On reproche souvent à Belguendouz de mêler recherche, militantisme et politique.  Abdellatif Maâroufi estime que dans ses travaux  sur la migration, il y a parfois prééminence du politique sur le scientifique. Même évaluation de la part d’El Kiber Atouf qui pense qu’il y a trop  de politique dans ses critiques et qu’il manque parfois de neutralité à cause de sa  fibre militante.  En réponse à ces critiques, Belguendouz soutient que les sciences sociales sont là pour aider à  comprendre la réalité et la transformer et qu’elles  ne sont pas neutres. « Lorsqu’une analyse  va dans le sens du statu quo, elle est bien reçue par ceux qui ne veulent pas procéder au changement. Par contre, lorsqu’une étude aboutit à des conclusions ou recommandations qui prônent des changements, alors les partisans de l’immobilisme crient au caractère «idéologique» de l’analyse, son aspect non objectif et non scientifique et son caractère «militant», a-t-il noté. Pour lui, la recherche migratoire au Maroc ne doit pas donner lieu à une démission intellectuelle, à de la compromission pour des raisons pécuniaires ou de carrière. Elle ne doit pas être instrumentalisée, elle doit être libre et indépendante et ne pas proférer de mensonges, ni procéder à des déformations, des occultations ou  observer des silences. «La vérité a un coût. Tant que Dieu me prête vie, je continuerai à assumer cette attitude, même si elle m’a valu, jusqu’à présent, l’ostracisme et le sectarisme de certains gestionnaires du dossier migratoire», a-t-il lancé.
Pour notre chercheur qui a sollicité l’anonymat, le parcours de Belguendouz n’a jamais été un long fleuve tranquille. Il se fait taper sur les doigts tant par les institutionnels que par les chercheurs. Il a été la bête noire de beaucoup de monde et s’approcher de lui pourrait nuire à la carrière de ceux qui le  fréquentent. Ses analyses dérangent certains même si elles sont, au final, très  bien argumentées. «Pourtant, il a réussi à garder une ligne claire par rapport à son positionnement sans être influencé par qui que ce soit. Il  a toujours cherché à alimenter la recherche et à nourrir le travail des associations avec de la recherche. Un travail d’engagement et de militantisme dans le bon sens du  terme», nous a-t-il affirmé. Des propos que partage Hicham Rachidi qui décrit  un homme sans ambitions politiques, sincère et fidèle à sa vision, à ses principes et à ses convictions. « Il a toujours été fidèle à lui-même et dit ce qu’il pense et ça lui cause énormément de problèmes. Il est détesté mais ses détracteurs sont obligés de reconnaître qu’il est très compétent. C’est le chercheur le plus prolifique avec un nombre incalculable  de recherches, de travaux et d’écrits ».
Abdelkrim Belguendouz ne semble rien regretter aujourd’hui. S’agissant des aspects en liaison avec des valeurs auxquelles il croit, il estime qu’il n’y a pas eu d’échec ou de ratages, mais des abandons ou des renoncements. « Or sur ce plan, il ne faut pas perdre patience ou confiance, baisser les bras, abandonner le terrain, capituler ou se soumettre à la résignation. Ce qui importe à notre sens, c’est la conviction, l’engagement lucide, sincère, la franchise et le parler vrai, la rigueur et l’honnêteté intellectuelle. Sans être naïf ou se nourrir d’illusions, la persévérance et la constance sont de mise jusqu’au dernier souffle », a-t-il conclu.


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