Le Liban peut ouvrir une voie nouvelle


Libé
Vendredi 25 Septembre 2020

L’explosion qui a secoué Beyrouth le 4 août a ébranlé le monde entier. Elle a fait des centaines de morts et des milliers de blessés, pulvérisé le centre de la capitale et causé de graves dégâts dans toute la ville. Le bilan humain et matériel est très lourd, et l’explosion, de par son emplacement, a paralysé le port et de nombreuses entreprises. L’activité économique a été quasiment interrompue — non seulement à Beyrouth, mais dans l’ensemble du pays. La tragédie qui a secoué le Liban nécessite une réponse mondiale urgente, et le fait qu’elle se prépare déjà est signe d’espoir. Pour guider ces efforts, le groupe de la Banque mondiale a réalisé une évaluation rapide des dégâts et des besoins en collaboration avec l’Union européenne et l’Organisation des Nations unies, en partenariat étroit avec le gouvernement libanais, les institutions publiques et les organisations de la société civile.

Se reconstruire en mieux

Selon notre évaluation, l’explosion a causé entre 3,8 et 4,6 milliards de dégâts et des pertes financières de l’ordre de 2,9 à 3,5 milliards de dollars. Les retombées sont particulièrement graves dans les secteurs essentiels à la croissance, notamment la finance, le logement, le tourisme et le commerce. Le coût total du redressement et de la reconstruction devrait se situer entre 1,8 et 2,2 milliards de dollars à la fin de 2021. Outre la réduction de l’activité économique, le Liban devra probablement faire face à une baisse des recettes fiscales, une hausse de l’inflation et une aggravation de la pauvreté. Le pays risque également de connaître des perturbations commerciales, ce qui augmenterait les coûts de transaction et ralentirait encore la croissance.

Notre évaluation, grâce à son approche globale, propose des mesures concrètes pour favoriser une reprise rapide et vigoureuse. Nous nous engageons à mobiliser le peuple libanais, les pays donateurs et nos partenaires internationaux pour assurer une reconstruction transparente, durable et sans exclus. Mon organisation — qui a été créée pour aider l’Europe à se reconstruire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale — tirera parti de son expérience mondiale en matière d’aide aux pays sinistrés. Il ne s’agit pas seulement de mobiliser un large éventail de compétences analytiques et une vaste expérience pratique, mais aussi de mettre en place un dispositif qui accorde la priorité aux besoins des Libanais.

Cette catastrophe n’est que la plus visible et la plus dramatique d’une série de maux qui ont frappé le pays au cours de la dernière décennie et se sont multipliés ces derniers mois — notamment les retombées du conflit en Syrie, puisque le Liban compte plus de réfugiés par habitant que tout autre pays. La situation économique et financière s’est fortement dégradée : juste avant l’explosion, l’activité économique devait se contracter de plus de 18 % en 2020, alors que les taux d’inflation atteignaient déjà des niveaux à trois chiffres à la fin du premier semestre. Et pour les Libanais, la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement qui l’accompagnent ont contribué à une hausse sensible de la pauvreté, du chômage et du climat d’insécurité. L’explosion n’a fait qu’exacerber une situation déjà désastreuse pour le Liban. Mais les défis auxquels le pays est confronté ne sont pas purement économiques : ses institutions publiques ont perdu toute fiabilité en termes de transparence et de redevabilité, ce qui a paralysé le soutien international alors même que l’économie était en chute libre depuis plusieurs mois. Le pays doit non seulement se reconstruire, mais il doit aussi se reconstruire en mieux. Le changement doit être guidé par trois principes directeurs : transparence, inclusion et bonne gouvernance. Le Liban doit commencer par fonctionner mieux et de façon à profiter à tous.

Changer de cap

Cette crise est donc aussi un coup de semonce – le moment est venu pour le pays de transformer en profondeur ses politiques institutionnelle, économique et sociale en respectant les priorités du peuple libanais. L’évaluation a pris en compte les vues de représentants et acteurs de toutes les sphères de la société libanaise, et leurs observations ont aidé à formuler les conclusions, analyses et recommandations du rapport. Le peuple libanais a démontré à maintes reprises par le passé qu’il pouvait se relever des conflits et de la destruction. Il peut également mettre à profit les ressources d’une diaspora très engagée. Je suis donc convaincu que nous pouvons compter une fois encore sur la détermination et l’ingéniosité des Libanais. Mais cette fois-ci, il ne s’agit pas seulement de survivre et se relever. Il s’agit aussi de savoir si le pays saisira cette occasion de prendre les mesures décisives pour changer de cap et ouvrir une voie nouvelle.

Par Axel Van Trotsenburg
Directeur général des opérations de la Banque mondiale


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