Encore une fois, le Maroc abrite le dialogue entre les parties libyennes en vue de parvenir à une solution à la crise qui secoue ce pays maghrébin depuis des années. En effet, les délégations du Haut conseil d'Etat libyen et du Parlement de Tobrouk se sont réunies depuis dimanche dernier à Bouznika. «Le fait que les Libyens s’asseyent à la table de négociations pour débattre de l’avenir de leur pays est une bonne chose en soi », a tenu à expliquer Driss Lagrini, professeur des relations internationales à la FSJES-Marrakech, tout en rappelant que « la conférence de Berlin (tenue en janvier dernier) était, en fait, une conférence de dialogue entre puissances internationales et régionales en conflit, plutôt qu'une rencontre où les Libyens négociaient pour décider de leur sort ». Pour ce chercheur universitaire, les réunions de Bouznika sont le fruit des efforts consentis récemment par la diplomatie marocaine et de la position constructive et judicieuse du Maroc face à la crise libyenne. « Le Maroc a toujours gardé la même distance vis-à-vis des parties en conflit, car sa plus grande préoccupation est la garantie de l'unité de la Libye, le consensus entre tous les Libyens et la reconstruction des institutions politiques », a-t-il expliqué dans une déclaration à Libé. Et Driss Lagrini d’ajouter : «Ces réunions montrent la confiance de toutes les parties libyennes dans le rôle que le Maroc peut jouer dans la résolution de la crise libyenne. Le Royaume, comme l’a déclaré le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, n’a aucun agenda en Libye et n’a aucune proposition spécifique, mais il cherche plutôt à instaurer un climat de confiance entre les parties libyennes en vue de parvenir à un accord mettant fin à la crise actuelle ». Les déclarations des deux délégations libyennes présentes à Bouznika mettent l’accent sur cet aspect-là et mettent aussi en avant la volonté sincère du Maroc et son souci de trouver une solution à la crise libyenne. Dans une déclaration à la presse à l'issue de la première journée du dialogue politique libyen et relayée par la MAP, les deux délégations ont remercié «amplement le Royaume du Maroc, Roi, peuple et gouvernement pour l’accueil chaleureux et la bonne hospitalité » qui leur ont été réservés, tout en saluant « la volonté sincère et le souci du Royaume de créer un climat fraternel approprié aidant à trouver une solution à la crise libyenne, afin d’aboutir à un consensus de nature à réaliser la stabilité politique et économique de la Libye et atténuer les souffrances du peuple libyen et lui permettre de s’acheminer vers l’édification d’un état fort et stable ». Intervenant lors de la séance d’ouverture de ce dialogue, Nasser Bourita a précisé qu'une solution à la crise libyenne repose sur trois principes fondamentaux, à savoir le patriotisme libyen, la conviction que la solution ne peut être que politique et la confiance à l’égard des capacités du Haut conseil d'Etat libyen et de la Chambre des représentants libyenne, en tant qu’institutions légitimes fortes de femmes et d’hommes capables de surmonter les épreuves et d'engager un dialogue pour la Libye et dans l'intérêt du pays, avec toute la responsabilité et l’aptitude afin de surmonter les difficultés circonstancielles. Le ministre a aussi affirmé que le Maroc a toujours travaillé avec l'Organisation des Nations unies et sous son égide sur le dossier libyen et qu’il poursuivra cette approche dans l'avenir, comme cela a été mis en avant lors de la visite à Rabat de la représentante spéciale et chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) par intérim, représentante spéciale adjointe du Secrétaire général, Stéphanie Williams. L’approche du Royaume, telle que définie par S.M le Roi Mohammed VI, veut que le dossier libyen ne soit pas une question diplomatique ou qu’il fasse l'objet de dissensions politiques, mais plutôt un dossier relevant du destin d’un pays maghrébin frère, « avec lequel nous entretenons une fraternité sincère et dont sa stabilité et sa sécurité concernent les nôtres », a souligné Nasser Bourita. Dans ce sillage, « le Maroc ne dispose ni d'agenda, ni d’initiative ou de voie et il n'a jamais accepté de choisir entre les Libyens. Au contraire, il considère toujours que les Libyens sont des frères et qu'ils assument la responsabilité et placent les intérêts libyens en priorité», a-t-il précisé, soulignant que "le Royaume n'a pas changé sa position en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain ». En effet, a-t-il ajouté, le Maroc n'a d'agenda que celui de la Libye, ni d'intérêt que pour la Libye, ni de proposition hors de ce qui a été consenti par les Libyens, réitérant que le Royaume n'est animé que par les seuls désir et ambition impartiale de servir la Libye et de se tenir aux côtés du peuple libyen et le soutenir. Selon le ministre, le Maroc a toujours été et continuera d'être prêt à créer l'espace où les Libyens puissent discuter dans un esprit constructif et positif afin d'avancer selon l’ordre du jour qu'ils choisissent euxmêmes, et de favoriser un dialogue interlibyen sans ingérence dans les délégations, ni dans l'ordre du jour ou dans les résultats, ajoutant que le Royaume applaudira tout accord entre les Libyens. Il convient de rappeler que le dialogue inter-libyen intervient quelques semaines après la visite au Maroc du président du Haut conseil d'Etat libyen, Khaled Al Mechri, et du président du Parlement libyen, Aguila Saleh, à l'invitation du président de la Chambre des représentants, Habib El Malki. Il fait également suite à la visite au Maroc de la représentante spéciale et chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) par intérim, représentante spéciale adjointe du Secrétaire général, Stéphanie Williams, dans le cadre des consultations qu'elle mène avec les parties libyennes, ainsi qu'avec les partenaires régionaux et internationaux afin de trouver une solution à la crise libyenne. Il y a également lieu de souligner que le Maroc avait déjà abrité les négociations de Skhirat entre les parties libyennes et qui ont abouti en 2016 à la signature de l’accord de Skhirat. « C'est le seul accord politique qui a obtenu un consensus international et est considéré par toutes les parties libyennes comme le meilleur accord conclu entre les Libyens depuis le déclenchement de la crise libyenne », a mis en avant Driss Lagrini, tout en espérant que les réunions de Bouznika déboucheraient sur un accord qui mettrait fin au conflit libyen.