Le Covid-19 serait-il vraiment mort et enterré ?


M.O
Jeudi 3 Mars 2022

Les différentes hypothèses de la plus rassurante à la plus inquiétante

I l est temps de rêver, sinon à des jours heureux, au moins à ces petites vies normales d’il y a deux ans. Après l’annonce de la fin de la vague Omicron par le ministère de la Santé et de la Protection sociale et deux ans après le début officiel de la pandémie de Covid 19, le monde s'approche-t-il enfin d'un retour à la normale ? Difficile de répondre, tant les incertitudes sont nombreuses.

Vers une maladie saisonnière
Plusieurs spécialistes estiment que de multiples hypothèses pour les mois et années à venir sont sur la table mais le scénario le plus plausible est qu’on va avoir à nouveau des épidémies de Covid mais que ça sera un peu comme un petit rhume saisonnier. Pour Rania.O, médecin biologiste au CHU Ibn Rochd de Casablanca, l’immunité collective pourrait permettre de réguler la circulation du virus : «A chaque vague successive, la population accumule collectivement de l’immunité du fait des infections, à laquelle vient se rajouter l’immunité vaccinale». Elle estime qu’avec des épidémies devenues annuelles et gérables grâce à la vaccination et à la surveillance des variants, «le Covid-19 pourrait devenir une maladie saisonnière». Dans cette hypothèse, le virus continue de circuler mais l’immunité conférée par la vaccination et la contamination permet d’éviter les formes graves. «Comme pour la grippe, la covid-19 connaîtrait une augmentation du nombre de cas, l’hiver.Le reste de l’année, le virus circulerait à bas bruit», explique la spécialiste. Ce scénario a été envisagé, pour la première fois, par l’Agence européenne des médicaments (EMA). « Avec l’augmentation de l’immunité au sein de la population, nous avancerons rapidement vers un scénario qui sera plus proche de l’endémicité», avait concédé Marco Cavaleri, chef de la stratégie vaccinale de l’EMA qui a néanmoins mis en garde que pour le moment,«nous ne devons pas oublier que nous sommes toujours dans une pandémie».Ce passage de l’état de pandémie à l’état d’endémie était estimé, il y a encore peu, à trois ou cinq ans dans un article du Lancet. Mais il pourrait être bien plus rapide, grâce paradoxalement à Omicron. Sauf que là encore, impossible de garantir ce scénario. La transition d'une situation pandémique à une autre endémique repose sur l'immunité de la population mondiale face au virus. Or, une grande partie de la planète n'est pas encore vaccinée, a rappelé le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Selon lui, «il faudrait que 70% de la population de chaque pays soit vaccinée d'ici au milieu de l'année prochaine pour en finir avec la pandémie en 2022».Au 2 février,seuls 56,3% de la population mondiale était entièrement vaccinée, selon la base de données Our World in Data et de grandes inégalités régionales subsistent : alors que 69% de la population de l'Union européenne est entièrement vaccinée,seuls 10% de la population des pays les plus pauvres (majoritairement situés en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud) ont reçu au moins une dose de vaccin.
Au-delà de l'iniquité vaccinale, l'immunité conférée par l'infection ou les vaccins dans le temps et face aux futurs variants pèsera énormément sur l'avenir de la pandémie. L'arrivée d'Omicron a montré que les vaccins constituent une barrière importante face aux formes graves, mais doivent être complétés d'au moins une dose de rappel pour conserver un niveau élevé de protection, et ne protègent pas aussi bien qu'espéré de la transmission. Or, un variant qui échappe au système immunitaire est le pire cauchemar des experts.«Le risque de voir émerger un nouveau variant très différent, qui serait à la fois plus transmissible, tout en échappant au système immunitaire et en provoquant une maladie plus sévère, n’est pas à exclure», avance au Monde Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur.Ce qui laisse craindre une sorte de retour à la case départ, le temps d’adapter les vaccins.

La fin du covid-19 dans le monde ?
Voir le Sars-CoV-2 disparaitre de la planète est le scénario rêvé mais aussi le plus improbable. Cela s'est déjà produit dans le cas de la variole, que l'OMS a proclamée éradiquée en 1980. Soit plus de vingt ans après en avoir fait une maladie à éliminer et près de deux siècles après la mise au point d'un procédé de vaccination. Un délai difficilement acceptable aujourd'hui. Ce scénario, extrêmement rare, est de toute façon très peu probable dans le cas du Covid-19, estiment des experts interrogés par franceinfo. D’abord, parce que contrairement au Sars-CoV-1 de 2003, le Sars-CoV-2 circule trop intensément pour disparaître de lui-même. Ensuite, parce que le virus se transmet aux animaux, et inversement : ce réservoir animal lui permet de continuer de circuler et de muter. Et puis, parce que l’éradiquer, comme la variole en son temps,semble devenir illusoire pour deux raisons: les variants ont rendu le virus très transmissible et la souche parvient à réinfecter une personne déjà vaccinée ou infectée. Ce qui affaiblit l'hypothèse d’atteindre une immunité collective et protectrice contre l’infection.
En tout cas, c’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui décrète cet état d’urgence de santé publique de portée internationale. Et c’est encore l’OMS qui en annonce la fin au niveau international. Pour le moment, elle ne l’a pas fait.Elle reste vigilante : le virus SARS-Cov-2 nous a déjà surpris avec ses variants. Déclarer trop tôt la fin d’une pandémie peut être catastrophique par son possible effet de démobilisation des populations touchées et de leurs autorités sanitaires. Et l’épidémie risque de flamber à nouveau.
Selon, Philippe Sansonetti,médecin, microbiologiste, professeur au Collège de France et à l’Institut Pasteur,«l’OMS a déjà été échaudée : lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’ouest, en 2014-2015, elle a dû revenir trois fois sur son annonce…». Pour lui,«cela rend prudent et en matière de Covid-19, l’hétérogénéité énorme de la situation actuelle n’incite pas à des déclarations trop hâtives».«Ceci dit, explique le spécialiste dans un entretien accordé à Sciences & Vie, l’histoire des pandémies montre que les populations finissent par apprivoiser la pandémie et vivre avec le virus : la réduction progressive de la gravité de l’impact sanitaire grâce aux mesures barrières et la construction progressive d’une immunité collective contribue à dédramatiser la situation». «Certaines populations n’attendent pas l’OMS pour décider, plus ou moins collectivement, que la pandémie est terminée. Ce qu’il faut maintenant, c’est bien gérer cette transition et expliquer qu’une éventuelle fin de l’état de pandémie n’est pas synonyme de fin de la crise…», estime-t-il.
Et s'il ne fallait pas chercher à faire disparaître totalement le Covid19, mais attendre de pouvoir vivre avec ? En janvier 2021, près de 90% de la centaine d'experts immunologistes, virologues et spécialistes des maladies infectieuses interrogés par la revue anglaise Nature sur l'avenir de la pandémie estimaient que la situation finirait par évoluer vers un état endémique. Dans ce scénario, les conséquences de la circulation du virus seraient comparables à celles des épidémies de grippe, qui ont lieu chaque année sans désorganiser la société.Il pourrait toutefois être nécessaire de se refaire vacciner régulièrement pour maintenir un niveau d'immunité important, et d'avoir parfois recours à des mesures de restrictions en cas de vague un peu plus importante.
Ce scénario est jugé probable par beaucoup d'experts car quatre autres coronavirus déjà connus, HCoVOC43,HCoV-229E,HCoV-NL63 et HCoV-HKU1, se comportent ainsi. Ces virus, qui circulent pour certains depuis des centaines d'années au sein de l'espèce humaine, sont responsables de 15% à 30% des rhumes chez l'adulte,selon l'Encyclopédie de virologie. Dans quels délais ce scénario se réaliserait-il ? C'est la grande inconnue. Une étude publiée dans la revue américaine Science en janvier tablait sur une durée allant de «quelques années» à «quelques décennies».


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