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«Depuis l’arrêt du commerce de contrebande avec Sebta en octobre 2019 et la fermeture des frontières en mars 2020, la région s’est transformée en zone économique sinistrée. Ce contexte a provoqué la colère et le désespoir chez beaucoup de jeunes qui dénoncent le manque de perspectives et l’absence d’alternatives», nous a indiqué Mohamed Benaïssa, président de l'Observatoire du Nord pour les droits de l'Homme (ONDH), basé à Fnideq. Et de poursuivre : «Mais, c’est l’arrêt brusque des travaux de construction d’une zone d’activité économique à Fnideq et des activités commerciales à Martil qui a anéanti tout espoir de la population locale à un avenir meilleur. En effet, lesdits travaux ont été arrêtés sans raison préalable et sans explication des autorités locales».
Mais comment peut-on parler d’une situation économique sinistrée alors que la ville de Fnideq fait partie d’une région érigée comme prospère ? En effet, la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima est classée, selon un document du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration, comme la 2ème contributrice à la création de la valeur ajoutée industrielle. Elle est même considérée comme la 3ème région ayant le taux de pauvreté le plus faible et la 5ème région créatrice de la richesse nationale. Mieux, le même document soutient que ladite région s’érige aujourd’hui en principal relais de l’offre exportable marocaine vers les marchés de l’Union européenne, notamment pour ce qui est des métiers mondiaux du Maroc grâce à l’effort d’investissement consenti en matière d’infrastructure, auquel s’ajoutent les mesures d’accompagnement menées pour attirer des investisseurs étrangers de renom, leaders de leur secteur d’activité à l’échelle internationale. «Les chiffres officiels ne représentent pas la réalité. En effet, seuls quelques chanceux ont profité de la dynamique lancée dans la région et non pas l’ensemble de la population. Ceci d’autant plus que c’est la ville de Tanger qui se taille la part du lion concernant les investissements et la création d’emploi. Prenez le cas de Tanger Med, il est situé à 22 km de Fnideq.
Pourtant, les responsables de ce complexe industrialo-portuaire n’offrent aucun poste d’emploi à la jeunesse de notre ville, d’où la question de savoir à quoi sert ce dynamise économique et les infrastructures mises en place. En d’autres termes, nous ne constatons aucun changement malgré ces mutations», nous a expliqué le président de l’ONDH. Et d’ajouter : «La région a de vraies atouts (infrastructures, positions géographique, …), mais il y a absence d’une gestion rationnelle et des initiatives qualitatives. Les promesses données par les autorités locales manquent de crédibilité et d’innovation et le risque de nouvelles manifestations reste d’actualité».
De son côté, Hicham Attouch, président du Forum des économistes marocains, avance que les événements du vendredi dernier à Fnideq s’inscrivent dans un contexte national marqué par l’augmentation du taux du chômage des jeunes, notamment les diplômés. «Ce qui vient de se passer à Fnideq peut parfaitement se reproduire dans la région de l’Oriental, au Sud-Est ou aux autres régions du Maroc. Les derniers chiffres du HCP indiquent que ce taux de chômage est plus prononcé chez les diplômés avec une hausse de 2,8 points à 18,5% et de 6,2 points à 31,2% parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans», nous a-t-il expliqué. Et de préciser : «En fait, la dynamique économique observée dans plusieurs régions du Royaume ne rime pas automatiquement avec création d’emploi et prospérité. Un document de la Banque mondiale a déjà souligné que la croissance de l’économie marocaine a été incapable de créer de l’emploi en nombre suffisant. Ceci d’autant plus qu’il y a la question de la mobilité des jeunes vers les centres économiques forts et la recherche de profils adéquatés qui pose problème aux entreprises cherchant à embaucher sur place. Souvent, elles recrutent hors des régions où elles sont installées puisque les profils qualifiés n’existent pas sur place. C’est le cas de la région de Tanger-Tétouan-AlHoceima dont les investissements mis en place exigent plutôt des techniciens et des ingénieurs».
Même son de cloche de la part du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration qui estime que ladite dynamique économique constatée dans plusieurs régions du Royaume contraste, toutefois, avec les résultats en matière de développement social où des disparités importantes demeurent visibles d’un territoire à l’autre.
Cette caractéristique n’est pas sans lien avec la nature même du modèle de développement national qui est relativement peu inclusif. Les contraintes identifiées ont trait, au niveau de certaines régions, aux problèmes d’accessibilité aux services socioéconomiques de base, dans d’autres à la prévalence de la pauvreté et de la précarité, faute d’emplois permanents et de qualité, qui constituent d’ailleurs une source de préoccupation majeure au niveau de certaines régions défavorisées. «L’Etat tente, il y a des années, de répondre à la problématique du chômage des jeunes en mettant en place plusieurs solutions (Anapec, Moukawalati, INDH, Intilakati…), mais ces programmes ont démontré leurs limites. Cependant, l’Etat n’assume pas seul la responsabilité, le secteur privé et les jeunes doivent eux aussi assumer leur part de responsabilité», nous a déclaré Hicham Attouch.
Et de conclure : «Aujourd’hui, nous avons besoin de plans économiques régionaux adaptés aux spécificités des jeunes. D’où l’importance de la question de la régionalisation avancée comme levier en matière d’accélération du processus de transformation économique et sociale et comme moyen de territorialisation des politiques publiques».
Hassan Bentaleb