La pandémie, amplificateur de la faim dans le monde

Une réalité qui concerne l’Afrique en premier lieu


Chady Chaabi
Jeudi 15 Juillet 2021

Quand tous les êtres humains jouissent de la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive, à n’importe quel moment de la journée, on peut affirmer sans ciller que la sécurité alimentaire dans le monde est assurée. Mais cet idéal n’a jamais trouvé écho dans le monde actuel. En effet, l’insécurité alimentaire et la faim dans le monde se sont aggravées de manière considérable en 2020, si l’on en croit les Nations unies (UN). Une tendance à laquelle n'échappent ni l’Afrique, ni le Maroc. Au vrai, cette aggravation est principalement due aux répercussions de la pandémie de Covid-19. D'après le rapport établi conjointement par plusieurs organismes des Nations unies, environ un dixième de la population mondiale était en situation de sous-alimentation en 2020. Soit l’équivalent de 811 millions d’hommes, femmes et enfants. Dès lors, le second objectif du Programme des Nations unies pour le développement ‘’Zéro faim” censé mettre un terme à ce fléau d'ici à 2030, prend des allures de vœu pieux.

Le Maroc, pays dit de "faible niveau de famine"
Le Royaume s’est engagé à fond dans la réalisation de cet objectif. Mais en dépit des multiples efforts entrepris, le sens de l’histoire ne plaide pas en faveur d’un optimisme débordant. 42ème en 2019, le pays a été classé en 44ème position l’année dernière, sur un total de 127 nations, dans le classement de l’Indice mondial de la faim. Cet outil statistique multidimensionnel sert à mesurer l’état de la faim au niveau mondial, régional et national. Mais en dépit de ce recul, le Maroc fait toujours partie des pays dits de "faible niveau de famine". A l’inverse de plusieurs pays africains, où la famine est une amère réalité au quotidien. L'édition 2021 du rapport des Nations unies intitulé “L'Etat de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde”, n’est autre que la première étude mondiale de ce genre qui porte sur la période de pandémie. Cependant, l’alerte concernant la détérioration de la sécurité alimentaire de millions de personnes, dont beaucoup d'enfants, ne date pas d’hier. Les précédentes versions pointaient elles aussi du doigt cette problématique et son accélération. Sauf qu'entre-temps, la Covid-19 a fait des siennes. Et la situation n’en est que plus préoccupante. «Malheureusement, la pandémie continue de faire ressortir les faiblesses de nos systèmes alimentaires, lesquelles mettent en péril la vie et les moyens d'existence des personnes partout dans le monde», regrettent, dans l'avant-propos, les chefs de secrétariat des cinq organismes ayant publié conjointement ledit rapport. A savoir, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF).

L’Afrique a connu la plus forte poussée de la faim
Les chiffres du rapport sont éloquents. En 2020, la faim a connu une hausse considérable, tant en chiffres absolus qu'en pourcentage, dépassant l'accroissement de la population. Pour preuve, on estime que 9,9% environ de la population était en situation de sous alimentation en 2020, contre 8,4% en 2019. Plus en détail, la situation est dramatique en Asie, puisque plus de la moitié du nombre total de personnes sous-alimentées y a été recensée. A contrario, une proportion plus faible (60 millions) a été comptabilisée en Amérique latine et dans les Caraïbes. Enfin, si l’Afrique n’accueille pas plus d’un tiers (282 millions) de la population mondiale en sous-alimentation, elle a en revanche connu la plus forte poussée de la faim, avec une prévalence de la sous-alimentation estimée à 21% de la population, une proportion qui est plus du double de celle de toutes les autres régions. Globalement, les motifs de satisfaction n’ont pas été légion en 2020. Et c’est peu de le dire. Au total, plus de 2,3 milliards de personnes (soit 30% de la population mondiale) n'avaient pas accès toute l'année à une alimentation adéquate. Cet indicateur qui indique la prévalence de l'insécurité alimentaire modérée ou grave a connu une hausse en un an, qui équivaut à elle seule à la hausse observée les cinq précédentes années. Mais pas que. Les inégalités entre femmes et hommes se sont encore plus creusées : pour 10 hommes en situation d'insécurité alimentaire en 2020, on comptait 11 femmes dans la même situation (contre 10,6 en 2019). Quid des enfants ?

Les chérubins ont payé un lourd tribut en 2020
Malheureusement, les chérubins ont payé un lourd tribut en 2020. Le rapport précité estime que plus de 149 millions d'enfants de moins de 5 ans présentaient un retard de croissance, autrement dit, ils étaient trop petits pour leur âge. En outre, plus de 45 millions souffraient d'émaciation et étaient d'un poids insuffisant par rapport à leur taille. Sans oublier que près de 39 millions étaient en surpoids. En somme, les adultes et les enfants qui étaient exclus d’une alimentation saine, principalement à cause de coûts excessifs, sont au nombre de trois milliards. A l’évidence, le monde fait face à un problème de santé qui n'épargne aucun continent. A tel point qu’il paraît de moins en moins possible d'atteindre les cibles fixées pour 2030 pour aucun des indicateurs de nutrition.

Instabilité politique et phénomènes climatiques extrêmes
Coupable idéal, la pandémie n’est en réalité qu’un facteur de la faim et de la malnutrition dans le monde. Certes un facteur aggravant, mais ce n’est qu’un parmi tant d’autres. Avant la pandémie, la malnutrition sévissait dans les pays touchés par un conflit. Donc l’instabilité politique est loin d’avoir une influence neutre sur le sujet. Tout comme les phénomènes climatiques extrêmes ou les fléchissements économiques, qui renforcent les inégalités et par conséquent, jouent le jeu de l’insécurité alimentaire. Alors comment remédier aux affres de la malnutrition qui n’épargnent personne. Pour les auteurs du rapport, il est essentiel de transformer les systèmes alimentaires. Objectif ? Parvenir à la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et mettre une alimentation saine à la portée de tous. La seconde mesure se décline sous forme de politiques d’aides humanitaires de développement et de consolidation de la paix dans les zones touchées par des conflits, à travers notamment l’instauration de mesures de protection sociale, afin de protéger les familles pour qu’elles ne ne se voient pas dans l’obligation de vendre leur maigre capital pour se procurer de quoi manger. Accroître la résilience face aux changements climatiques sur l'ensemble du système alimentaire ne serait pas de trop non plus. Il suffirait par exemple de donner aux petits exploitants largement accès à des assurances contre les aléas climatiques et à un financement basé sur les prévisions. En conclusion, le rapport estime qu’il est plus que nécessaire de renforcer la résilience des plus vulnérables face à l'adversité économique. Comment ? en mettant en place des programmes d'aide en espèces ou en nature pour réduire les incidences des chocs de type pandémie ou les incidences de l'instabilité des prix des denrées alimentaires. 


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