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La nouvelle : L’esprit du guérisseur des cœurs


Traduit par Sahraoui Faquihi
Samedi 28 Juin 2014

La nouvelle : L’esprit du guérisseur des cœurs
Najib Mahfouz Abdel Aziz est né le 11 décembre 1911 au Caire. Il obtint une licence en littérature de l’université du Caire, Fouad Premier en 1934 où il  fut embauché la même année  comme  employé de bureau. Il occupa ensuite les postes suivants : 
Secrétaire parlementaire  du ministre  des affaires islamiques en 1939. 
Directeur du bureau chargé des affaires artistiques en 1955.
Directeur  général de la classification artistique 1959. 
Président du conseil d’administration  de l’établissement cinéma  1966. 
Conseiller du ministre de la Culture  1968…
Membre  du Conseil supérieur  de la culture «Comité  du roman». 
Membre  du Club du roman,  de l’Association des écrivains.
Il est également le premier écrivain égyptien à obtenir le prix Nobel en littérature, en 1988.
Il obtint également les prix suivants :
- Le prix «Nourriture des cœurs».
- Le prix du ministère de l’Education et de l’Enseignement. 
- Le prix  de l’assemblée de la langue arabe pour l’œuvre «Khane Alkhalil».
- Le prix de l’Etat en littérature  1968 
- La médaille de la république du premier ordre en 1972.
  -Le collier du Nil en 1988, considéré comme la plus haute distinction  en Égypte.
  -Le prix de la création dans la recherche méditerranéenne, discerné par l’Italie  en 1990. 
L’homme l’examina avec intérêt. Elle reçut son regard avec méfiance et curiosité. Il était adossé à la portière du mausolée, alors qu’elle était  assise là, devant lui, les jambes croisées. Ils étaient seuls dans cette cour déserte du mausolée, sous les rayons du soleil matinal. Le mausolée était aussi étroit qu’une cellule. Nulle harmonie entre le corps maigre de l’homme, son  lourd  turban vert et sa barbe dense et noire. Il y a une discordance manifeste entre la djellaba râpée et sale de la jeune fille, ses pieds nus et la beauté captivante de son visage.
   L’homme désigna le mausolée et dit :
«Que son nom soit béni. Son miracle réside dans la guérison des blessures»
La jeune fille balbutia naïvement :
«Que son nom soit béni !»
«Est-ce une blessure inguérissable qui t’amène sur les lieux ?»
  Elle balbutia presque stupidement : « Oui»
Il lui demanda soupçonneux : 
«Comment tu t’appelles?»
«Je n’ai pas de nom»
«Mais ta maman elle le sait»
« Je n’ai pas connu maman»
«Elle est morte?»
«Je ne sais pas»
«Et où est ton père?»
«Je n’ai pas connu mon père»
«Où vis-tu ?»
«Partout !»
- Et que fais-tu dans la vie ?»
«Je vis avec les fruits gâtés que le marchand veuille m’offrir, et  que je  vends  à un prix bas»
«Mais c’est un commerce qui ne rapporte rien !»
«Il a ses clients qui rivalisent pour en profiter.»
«Où passes-tu la nuit?»
«En été, en plein air, et en hiver sous les arbres»
«Supportes-tu les changements du climat?»
«Est-ce que les changements du climat font mal?»
L’homme baissa légèrement la voix et lui demanda :
«Est-ce que tu gardes toujours ta virginité ? »
«Ma virginité ? »
«Tu ne sais pas ce que veut dire virginité ? »
Il hésita un moment puis il lui demanda :
«Personne n’a essayé de te jouer un mauvais tour ? »
«Me jouer un mauvais tour ? »
«Je veux dire abuser de toi.»
«Nous travaillons ensemble. Nous jouons ensemble, et dormons ensemble ! » 
«Malédiction ! »
«Malédiction ?! »
«Tu es là peut-être pour fuir ta mauvaise conscience ? »
«Conscience ? »
«Tu ne sais pas non plus ce que veut dire conscience ? »
«Non plus ? »
«Es-tu satisfaite de la vie ? »
Elle dit avec zèle :
«La vie est belle malgré les multiples disputes» 
«Seules les disputes t’inquiètent ? »
«Non, c’est ce qui donne son goût agréable à la vie.»
L’homme soupira en disant :
«Quelle est ta religion petite ? »
«Ma religion ? »
«Tu ne connais pas la religion ? »
«La religion ? »
Il lui demanda âcrement :
«Qu’est-ce qui t’a amenée i.. .? »
«C’est toi qui m’a ordonnée de m’asseoir, alors je me suis assise »
«Mais avant je t’ai vue te diriger vers moi»
«Vers le mausolée ! »
«Pourquoi ? »
«Je croyais qu’il pouvait me servir de toit»
«Tu es stupide ou folle?»
La jeune fille se tut.
Il dit :
«Tu vis en plein air en été et sous les arbres en hiver, qu’est-ce qui te pousse à chercher un toit ? »
Elle faillit parler mais, soudain, elle se retint et garda le silence.
L’homme marmotta dégoûté :
«Tu es une diablesse ! »
Elle lui demanda simplement :
«Qui es-tu ? »
Il répondit  nerveusement : « Seul Satan m’ignore.»
«Que fais-tu ? »
«Tu ne sais pas ce que veut dire la virginité ni la religion. Comment veux-tu  comprendre la sainteté ? »
«Pourquoi tu te mets en colère ? »
«Tu seras maudite ici-bas et dans l’au delà ! »
«Je connais ce monde, mais l’autre c’est quoi ? »
«Va-t-en ! »
La jeune fille se leva. Un bijou qui se trouvait à l’intérieur de la djellaba tomba à ses pieds. Elle se précipita à le ramasser, mais la main du saint lui saisit énergiquement le bras. Il  se leva subitement et dit :
«Qu’est-ce que c’est ? »
Elle s’écria lui demandant de lui lâcher la main, mais il la prit par les épaules et la secoua violemment jusqu’à ce que les bijoux s’entassassent par terre formant un petit trésor.
A cet instant même, le conservateur du mausolée arriva et vit le saint et la jeune fille en train de se quereller, près d’eux, le trésor.
Il regarda l’un et l’autre  puis fixa le trésor en disant  tout ébahi :
«Que se passe-t-il?»
Le saint dit : «Une voleuse, une de ces voyous de la rue».
«Qu’est-ce qu’elle vient faire ici?»
«Elle a cru pouvoir cacher son butin dans le mausolée»
«Et qu’est-ce que vous  pensez faire d’elle?»
«Ce que le pouvoir dicte de faire»
«Et que dicte le devoir?»
La jeune fille cria : «Laissez-moi tranquille!»
Le saint s’écria à son tour : « Tais-toi espèce de voleuse ! »
«Ta main me brise les os»
«Comment tu as eu ces bijoux ? »
«Ils m’appartiennent»
«C’est un héritage de tes parents ! »
Le conservateur redemanda : « Que pensez-vous faire d’elle ?
«Ce que le devoir me dicte de faire.»
«Et qu’est-ce que le devoir vous dicte de faire ? »
«On doit la remettre à la police» 
«Ne serait-elle pas innocente ? »
«La justice s’occupera de le prouver.»
«Mais la justice est aveugle votre sainteté ! »
«Et où à ton avis a-t-elle déniché ces bijoux ? »
«Mais la générosité du bon Dieu envers ceux qu’il aime est sans limite ! »
«Tu crois qu’on doit la relâcher ? »
«Elle ne sera pas à l’abri des truands.»
«Elle restera sous ma protection donc ! »
«Mais vous êtes saint et je doute que vous puissiez vous acquitter des devoirs d’ici-bas»
Le saint dit incrédule :
 « Cela veut dire que quelques  rêves te hantent»
«Ce sont peut-être les mêmes qui vous hantent.»
La jeune fille le pria de la laisser partir en paix en disant : 
« Laissez-moi partir, je vous en prie ! »
Le saint lui dit en desserrant la main légèrement :
 « Tu n’es pas en sécurité dans un monde si hostile ! »
Le conservateur du mausolée dit à son tour :
 « Je t’ouvrirai le mausolée quand tu voudras ».
La jeune fille insista : « Je voudrais partir ».
Elle essaya de s’échapper, mais le saint lui serra la poignée d’avantage. Le serviteur du mausolée vint l’aider. Ils se regardèrent par dessus l’épaule de la jeune fille. Le serviteur dit : « Nous devons nous consulter ».
Ils échangèrent un clin d’œil suite auquel ils transportèrent leur prisonnière à l’intérieur du mausolée. Ils disparurent un moment, puis ils surgirent tout en sueur. Le serviteur ferma la porte puis il s’adressa au saint :
 « Il est dans l’intérêt de tout le monde qu’on se mette d’accord.»
«N’oublie pas qu’elle est venue vers moi de son propre gré»
«Elle se dirigeait plutôt vers le mausolée»
«Qu’est-ce que tu veux dire ? »
«On se partage le butin.»
«Il serait juste qu’on..»
Le conservateur lui coupa la parole avec fermeté :
 « On se partage le butin»
Le saint se tut un moment puis il demanda :
 « Et qu’est-ce qu’on fait de la jeune fille ? »
«On la chasse et on la menace de malheur si elle revient.»
«Il se peut que… »
«C’est une voleuse !Elle ne pourra jamais s’adresser à la police.»
«Elle pourrait dresser contre  nous une bande de malfaiteurs intraitables»
«Tu crois qu’il vaut mieux qu’on se débarrasse d’elle ? »
«Qu’est-ce que tu veux dire ? »
«Qu’on la tue ! »
«La tuer !? »
«Puis on l’enterre dans le mausolée. Il est vide comme tu vois.»
Le saint dit d’une voix légèrement  troublée : « Mais, je ne supporte pas de tuer quelqu’un ». 
Le conservateur dit calmement : 
« Moi non plus je ne supporte pas de le faire»
«Que faire alors ?»
Ils continuèrent de réfléchir en silence. 
Soudain, le serviteur du mausolée dit triomphalement : 
« Je propose qu’on fasse appel aux services de notre ami le policier»
«C’est une bonne idée !»
«C’est notre seule issue»
«Mais le butin sera partagé en trois au lieu de deux ! »
«N’est-il pas mieux que de tout perdre ? »
«Ou plutôt que de tuer».
(A suivre) 


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