La nécessaire stimulation de l’égalité


Par E.W.
Jeudi 24 Juin 2010

Compte tenu de l’augmentation du chômage aux Etats-Unis et dans les autres pays de l’OCDE, la création d’emplois est l’une des priorités des gouvernements. Aux Etats-Unis, le Président Obama a proposé d’augmenter les dépenses publiques au cours des deux prochaines années pour créer quatre millions d’emplois environ. Mais Obama est également soucieux d’inverser une nette aggravation de l’inégalité des revenus (qui est aujourd’hui à son point le plus haut depuis 80 ans). Est-il possible pour les dirigeants d’accomplir ces deux tâches en même temps ?
La réponse est  oui, sans équivoque, mais seulement s’ils mettent l’accent sur les dépenses gouvernementales et non sur la réforme des systèmes fiscaux. Ceci vaut plus encore pour d’autres économies avancées comme l’Allemagne et la France, qui consacrent une proportion plus importante de leur PIB aux programmes sociaux (35 et 43 pour cent, respectivement, en 2005) que les Etats-Unis (seulement 25 pour cent).
Le système fiscal américain est étonnamment peu performant du point de vue de la redistribution. Si l’on se base sur les revenus globaux – revenu salarial, plus-values totales sur les avoirs, loyers imputés sur les logements occupés par les propriétaires, allocations sociales non monétaires, et consommation publique – les impôts sur le revenu sont généralement progressifs.
Les impôts fédéraux sur le revenu, en pourcentage du revenu, augmentent régulièrement, de 2 pour cent au 10e centile (c’est-à-dire le revenu d’une famille classée 10ème depuis le bas sur 100), à 14 pour cent au 90e centile, pour baisser ensuite à 13 pour cent pour le tout dernier centile, conséquence des lois fiscales adoptées par l’administration Bush, favorables aux revenus liés aux plus-values et aux investissements.
D’un autre côté, les charges sociales – la forme d’imposition la plus élevée pour les deux tiers des familles – sont légèrement régressives. Ces contributions, en pourcentage du revenu, passent de 5 pour cent au 10e centile à 9 pour cent au 80e et 90e centiles, pour ensuite chuter à 5 pour cent au dernier centile. Cette dernière baisse reflète le plafond salarial (de 102.000 dollars aujourd’hui) servant au calcul des charges sociales.
La charge fiscale totale pour les familles comprend également les taxes à l’achat, qui sont nettement régressives, et l’impôt foncier, qui est progressif. En pourcentage du revenu, l’ensemble des impôts sur le revenu des particuliers est légèrement progressif, et augmente régulièrement de 14 pour cent au 10e centile à 28 pour cent au 90e centile, pour ensuite redescendre à 22 pour cent au dernier centile, en raison du traitement favorable des revenus liés aux plus-values et aux investissements, du plafond salarial servant au calcul des charges sociales, et de la nature régressive des taxes à l’achat.
D’un autre côté, les transferts publics totaux ont un effet égalisateur bien plus important sur les revenus. Les transferts monétaires, comme la sécurité sociale et les allocations chômage, sont fortement égalisateurs. Si l’on inclut les indemnités non monétaires, comme l’assistance médicale aux personnes sans ressources (Medicaid), le régime d’assurance maladie (Medicare) et les coupons alimentaires (food stamps), les transferts totaux deviennent extrêmement progressifs. En pourcentage du revenu, ils baissent de manière régulière, de 50 pour cent au 10e centile à 2,5 pour cent au dernier centile.
Les grandes dépenses de l’État pour les biens et services, comme l’éducation, les infrastructures routières, la police et les installations sanitaires, sont également des facteurs de redistribution, et peuvent être allouées à des bénéficiaires réels, de manière similaire aux transferts gouvernementaux. Les dépenses pour l’éducation sont allouées sur la base du nombre d’enfants par famille. Les dépenses pour l’infrastructure routière sont faites sur la base du nombre de véhicules par famille et d’une estimation des kilomètres parcourus. Les services collectifs comme les pompiers et la police sont calculés sur une base par personne.
La consommation publique est tout aussi progressive que les transferts monétaires. En pourcentage du revenu, elle décline régulièrement, de 34 pour cent au 10e centile à 3 pour cent au dernier centile. Les principaux bénéficiaires des dépenses publiques sont les pauvres et la classe moyenne.
Lorsqu’on additionne les transferts publics et la consommation publique et que l’on soustrait les différents impôts, on obtient le montant des dépenses nettes de l’Etat, qui sont extrêmement progressives. En pourcentage du revenu, ce montant décline rapidement, de 70 pour cent au 10e centile à -16 pour cent au dernier centile (en d’autres termes, les revenus les plus élevés paient plus d’impôts qu’ils ne reçoivent de contreparties de l’État). En fait, le point de croisement entre les dépenses nettes gouvernementales positives et négatives se situe au 66e centile. La nature extrêmement progressive des dépenses nettes gouvernementales tient à parts égales aux transferts et aux dépenses publics, et pour très peu aux impôts.
Les plus démunis ne sont pas les seuls à bénéficier des dépenses de l’État. La classe moyenne est également un bénéficiaire important. Entre 1959 et 2005, près de la moitié de la croissance des revenus de la classe moyenne peut être imputée à l’augmentation des dépenses nettes de l’État. En fait, pour la période entre 2000 et 2004, cette augmentation des dépenses publiques représente 150 pour cent de la croissance des revenus, au fur et à mesure que d’autres sources de revenus s’asséchaient. Les dépenses nettes de l’Etat ont également été un facteur de réduction des inégalités durant cette période.
Alors qu’Obama et les autres chefs d’Etat dans le monde qui ont mis en œuvre des plans de relance, conscients qu’ils sont du fait que la question des bénéficiaires va au-delà du nombre d’emplois créés. Les dépenses de l’Etat, comme les transferts publics, ont de réels bénéficiaires. Si ces plans de relance ciblent l’éducation (important facteur de redistribution) ou les installations sanitaires, les pompiers, la police et les infrastructures routières (facteurs moyens de redistribution), ils peuvent créer des emplois et réduire les inégalités. 


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