Il a démissionné. Il a plutôt été poussé vers la sortie, précise-t-il. Lui qui a défrayé la chronique à maintes reprises par ses prises de position courageuses, préfère jeter l’éponge. Il ne compte pas pour autant quitter totalement le navire. Mohamed Hayni qui a osé tenir tête au ministre de la Justice et des Libertés impute la responsabilité de sa décision à Mustapha Ramid qui n’a ménagé aucun effort pour le provoquer, le déstabiliser et enfin le condamner.
Ramid l’a d’abord suspendu pendant une période de trois mois sans salaire. Il l’a, ensuite, privé de la promotion et l’a transféré, enfin, à la Cour d’appel de Kénitra en tant que procureur général adjoint… une dégradation aux couleurs de l’humiliation et de règlement de comptes, soutiennent plusieurs observateurs.
Pour le juge Hayni, toutes les mesures prises à son encontre par le ministre de la Justice relèvent d’un « pur esprit de rancune ». Il cite, à cet effet, son célèbre jugement en faveur des diplômés chômeurs qui disposent d’un procès verbal dûment signé par l’ex-Premier ministre Abbas El Fassi et d’autres jugements en faveur de simples citoyens en litige avec le ministère, ainsi que « sa lutte acharnée pour une justice indépendante ». Et d’ajouter que cette condamnation « revancharde » émane d’une volonté visant surtout à intimider les autres juges, jaloux de leur indépendance.
Avant sa démission, Mohamed Hayni exerçait en tant que magistrat au tribunal administratif. Des poursuites sont initiées contre lui par le Conseil supérieur de la magistrature sur la base d’un texte qu’il avait écrit sur sa page Facebook, et que le ministre a estimé outrageant envers l’un des directeurs centraux du ministère.
Magistrat de la Cour de cassation, Ahmed Anbar, a, pour sa part, nié catégoriquement avoir été démis de ses fonctions. Il a qualifié, dans une déclaration à Libé, d’« intox » l’information relayée par quelques sites web affirmant qu’il aurait été remercié à cause d’une affaire touchant à la suspension de la convention judiciaire entre le Maroc et la France puisqu’il a rencontré en mai dernier le juge français de liaison et d’autres responsables de l’ambassade de France à Rabat. A la suite de cette réunion, rappelle-t-on, le ministre de la Justice et des Libertés l’avait menacé de représailles.
Anbar a affirmé, à ce propos, qu’il serait inconcevable qu’un magistrat soit démis de ses fonctions sans être auditionné par le Conseil supérieur de la magistrature pour défendre son point de vue.