Les gardes-côtes tirent à balles réelles sur les migrants irréguliers en vue de... les protéger contre les dangers de la mer

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Les images diffusées par le militant associatif espagnol et défenseur des droits des migrants ont suscité une énorme polémique sur la toile. Les internautes algériens ont dénoncé vigoureusement cette violence excessive et injustifiée à laquelle ont eu recours ces gardes-côtes algériens. De nombreux observateurs ont estimé qu’il s’agit d’une dérive «criminelle» intolérable mettant en péril la vie de plusieurs migrants infortunés. «Il aurait été totalement possible de procéder à l’arrestation de ces migrants sans faire usage de tirs potentiellement mortels», explique le journaliste algérien exilé en France, Abdou Semmar qui précise que «les autorités algériennes n’ont toujours pas réagi à cette polémique et le Commandement du service algérien de gardes-côtes n’a pas osé répondre aux critiques sévères des internautes».
Selon Francisco José Clemente qui est également membre du Centre international pour l’identification de migrants disparus (CIPIMD), les arrivées en provenance d’Algérie ont beaucoup augmenté. «Principalement les jours de beau temps. Mais ce flux reste important même durant les journées venteuses et de mer agitée», explique-t-il. Et de préciser : «Le drame est l’augmentation du nombre de morts : on enregistre des centaines de disparus/décédés cette année».
En une semaine seulement, pas moins de 40 embarcations sont parties depuis les côtes algériennes en direction de la péninsule Ibérique, une vingtaine rien que pour Almería. «Du jamais-vu», relève Francisco, qui constatait déjà une hausse du nombre de traversées en fin d’année.
Mais qu’est-ce qui pousse les jeunes Algériens à vouloir quitter leur pays, au péril de leur vie ? «La désillusion» et «le désespoir», mentionne la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH). «Le phénomène de la «harga» (migration irrégulière) est appelé à s'amplifier au fur et à mesure que le désespoir gagne la société après toutes les tentatives d’avortement du rêve algérien pour le changement suscité par le Hirak», martèle Saïd Salhi, vice-président de la LADDH dans un post sur sa page Facebook. Selon lui, il s'agit d'une «situation tout à fait prévisible». Faute de pouvoir migrer légalement en Europe, tous les moyens sont utilisés pour rejoindre l'autre rive de la Méditerranée, seule issue pour espérer sortir de la pauvreté et fuir la répression pour nombre d’Algériens.
«Je parle avec plusieurs migrants dès qu’ils sont libérés par les autorités espagnoles», souligne Francisco Jose Clemente. «Il ressort de ces échanges que ces personnes quittent leur pays à cause de la mauvaise gouvernance, d’une existence sans perspective, du chômage, du manque de soins… Ils veulent venir en Espagne pour vivre normalement et aider financièrement leurs familles. Bien que ce ne soit pas facile, beaucoup y croient. Mais le fait est là : ils préfèrent mourir en mer plutôt que dans leur pays», précise-t-il.
Pour Mohamed, arrivé clandestinement en Espagne, il y a de cela deux ans, il a traversé la Méditerranée pour avoir accès à des soins corrects, car il souffre d’insuffisance rénale et doit être traité par dialyse. «Le président Tebboune se fait soigner en Allemagne et moi, je dois rester mourir dans le pays ?», se demande-t-il dans des déclarations à la presse espagnole. Et de souligner : «Pour moi, l'Algérie, c’est fini. C’est mon pays, je l’aime, mais il ne nous a rien donné. Je préférais mourir en mer plutôt que de vivre là-bas».
Phénomène nouveau: les femmes et les enfants sont de plus en plus nombreux à risquer leur vie pour traverser la Méditerranée. «Ce nouveau phénomène de «harraga familiale» avec «des femmes enceintes, des bébés et des personnes handicapées nous renseigne sur le degré de désespoir en Algérie», analyse le vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme. «Quand des parents partent avec leurs enfants, c’est généralement dans l’idée de leur offrir un meilleur avenir», ajoute-t-il.
Outre les jeunes et les familles les plus démunies, la classe moyenne algérienne est de plus en plus encline à quitter le pays afin de fuir le mal vivre et la crise que traverse le pays, depuis plusieurs années. La recrudescence des flux de migrants irréguliers est, en effet, le signe de la profonde crise économique et sociale et l’expression du ras-le-bol d’un peuple désespéré. Privés de perspective et ne croyant plus pouvoir trouver leur place dans leur propre pays, de nombreux Algériens, désorientés et désemparés, ont fini par opter pour le choix du pire en cherchant à fuir un avenir sombre vers un autre incertain.