La circulaire n° 64 DHSA ne fait pas l’unanimité

Les tests sérologiques rapides dans les dispensaires de quartiers font polémique


Hassan Bentaleb
Lundi 17 Août 2020

La décision du ministère de la Santé d’instaurer des tests sérologiques rapides dans les dispensaires de quartiers (centres de soin de santé primaires) ne semble pas faire l’unanimité auprès des experts et intervenants directs sur le terrain. La rationalité sur laquelle cette décision s'est basée reste polémique, selon certains d’eux, au vu de la réalité socioculturelle des Marocains.
La Société marocaine de médecine d’urgence (SMMU) et  la Société marocaine d’anesthésie, d’analgésie et de réanimation (SMAR) font partie des experts qui ont leur propre lecture de la mesure décidée par le ministère de tutelle. Dans un communiqué conjoint publié en réponse à la circulaire n 64 DHSA du 13 août 2020 adressée par le ministre aux directeurs régionaux de la santé et appelant les établissements de soins de santé primaires (ESSP) à réaliser des tests rapides sérologiques pour la population à risque et les cas suspects référés par les médecins du secteur privé (et du travail en principe, Ndlr), les pharmaciens d'officine et ceux qui sont détectés au niveau du centre de santé, les deux organismes estiment que si l’implication des ESSP dans le dépistage est nécessaire, il n’en reste pas moins que leur intégration dans la prise en charge de la maladie   selon le modèle proposé dans la circulaire sera à l’origine de l’éclosion de clusters par multiplication des parcours et des lieux de rassemblement. 
Les deux organismes sont également contre l’utilisation des tests rapides IgM/IgG pour le diagnostic des cas suspects recommandée par le ministère de la Santé. Ils soutiennent que leur utilisation doit être réservée exclusivement à la surveillance épidémiologique et en complément des tests PCR (ou tests virologiques). « Orienter des malades à domicile sur la base de tests sérologiques négatifs dans la phase virale de la maladie sans tenir compte de l’état clinique,  exposera à des retards de prise en charge et, par conséquent, à de la surmortalité », précise le communiqué. Lequel affirme, en outre, que les tests sérologiques rapides ne sont pas validés par le diagnostic positif à l’échelle mondiale, vu le pourcentage élevé de faux négatifs, d’une part, et le retard d’apparition des anticorps au-delà du 10ème jour d’infection, d’autre part. « Un test négatif dans la phase précoce méconnaît les porteurs du virus, sources de transmission de la maladie, d’explosion épidémiologique et d’apparition de formes graves au pronostic sombre, nécessitant l’hospitalisation dans les services de réanimation », indique le communiqué.
Pour la SMMU et la SMAR, la priorité doit être donnée à la précocité de l’initiation du traitement selon le protocole national, seul garant d’une évolution favorable des patients d'après notre expérience nationale propre. Ceci implique donc un diagnostic précoce, une prise en charge urgente et un suivi rapproché des cas actifs et des cas contacts. « Nous sommes convaincus que le rôle du ministère  et des intervenants médicaux est de démystifier la pathologie, tout en adoptant des démarches claires, répondant aux dernières données scientifiques internationales, prenant en compte l’avis des experts nationaux et des intervenants directs sur le terrain, en impliquant et en faisant confiance à tous les praticiens (publics et privés) avec libération de la prescription médicamenteuse selon le protocole en vigueur », a conclu le communiqué. 
Un médecin casablancais qui a sollicité l’anonymat, nous a indiqué, de son côté, que le Maroc a pris beaucoup de retard avant d’autoriser l’utilisation des tests sérologiques qui sont les seuls à révéler si la population est immunisée ou pas puisqu'ils permettent de connaître le véritable nombre d'infectés vu que le décompte officiel ne comptabilise pas les cas asymptomatiques ou légers. « Plusieurs laboratoires privés ont été incapables de procéder à ce genre de tests malgré le fait qu’ils ont acquis le matériel nécessaire », nous a-t-il confié. Et de poursuivre : « Le problème, c’est que ces tests sont moins chers et donnent des informations supplémentaires importantes sur le statut immunitaire de la personne en précisant si elle a été en contact avec le virus et si elle est immunisée. Et en dépistage de masse,  ils donnent une idée sur le pourcentage de la population touchée par le coronavirus. Ces tests sérologiques permettent de savoir où on en est face à la propagation de la pandémie ».
Pour ce praticien, si les tests sérologiques recommandés par le ministère de la Santé sont considérés comme une mesure importante, cette mesure ne doit néanmoins pas être conçue comme un moyen pour le dépistage précoce mais plutôt comme un outil qui permet d'avoir une idée sur le statut immunologique de la population. 


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