La cacophonie, ennemi majeur de la communication


Par Loubna Sbiti *
Mercredi 17 Juin 2020

La cacophonie, ennemi majeur de la communication
Les efforts fournis par le gouvernement marocain en ce temps de crise sanitaire sont louables et ont pu, après un long détachement, renouer le lien avec les citoyens et bâtir une confiance entre eux. Une confiance qui ne s’est pas bien entretenue à cause de quelques erreurs de communication que nous avons pu relever pendant cette période. Ces lacunes ont, non seulement, décrédibilisé le gouvernement mais ont aussi taché son image auprès de ses gouvernés. 
Les nombreuses mesures prises par le gouvernement marocain ont explicitement traduit son ambition première qui est celle de protéger la santé publique et de veiller à la limitation de la propagation du virus Covid-19 dans le Royaume. Confronté à une multitude de secteurs en crise, le gouvernement est tombé dans la discordance communicationnelle, premier ennemi de la gestion de crise. 
C’est vrai que nous manquons de nombreuses variables pour pouvoir amplement comprendre les tenants et aboutissants de nombre de contradictions et dysfonctionnements présents dans les discours de notre gouvernement mais cela ne nous empêche pas d’y jeter un œil critique en tant que professionnels de la communication mais aussi en tant que citoyens avertis. 
Notre gouvernement est passé à côté de certains facteurs indispensables pour réussir une communication en temps de crise, ce qui a impacté son image mais aussi la santé mentale du peuple marocain. 
Nous avouons qu’aucun Etat n’était préparé à cette situation sans précédent mais ne pas apporter de réponses aux nombreux questionnements des citoyens et des médias n’a jamais été une solution. Cela a été, à maintes reprises, perçu en tant que tentative de cacher quelque chose ou une incapacité à gérer cette crise. La communication se prépare en amont et récolte ses fruits en aval de la survenance de n’importe quelle crise, même les plus attendues. Cela nous pousse à comprendre que la communication publique dans notre pays a, longtemps, été politiquement pensée. 
Les failles communicationnelles se présentent dans la multiplication de porte-parole du ministère de la Santé, les nombreux démentis de notes ministérielles, la propagation des rumeurs, la diffusion d’informations vagues et sans explication, le changement de plans ou de dates à la dernière minute, les déclarations gouvernementales émises à des supports médiatiques étrangers, la contradiction dans les décisions prises par chaque ministère, etc. 
Il est à noter que la responsabilité est, dûment, partagée entre le gouvernement et les médias marocains qui ont à leur tour participé à nourrir des amalgames entre les citoyens marocains.  
Savoir gérer sa communication, c’est tout simplement mettre en avant son engagement et ses efforts. Ici, nous remarquons une grande distanciation entre les approches théoriques des sciences de l’information et de la communication et ses pratiques. 
La gestion du temps, l’harmonie entre les objectifs et les messages de communication, la tonalité et la cohérence de ces derniers sont des éléments essentiels pour réussir sa stratégie de communication. 
La communication est un concept complexe et pour le cerner, nous devons nous référer à de multiples approches. Commençons déjà par considérer les choses avec une approche systémique qui veut que chaque élément est relié à un autre et exerce une influence sur celui-ci. Il ne s’agit jamais de facteurs indépendants l’un de l’autre. 
En remontant un peu plus en avant, nous retrouvons l’école de Palo Alto qui est l’une des théories de communication les plus importantes et fondatrice d’un grand nombre de matrices. Elle met en évidence la complexité de la communication à travers la manifestation de différents axiomes. Celle qui nous semble la plus adéquate pour interpréter la crise communicationnelle actuelle est l’impossibilité de ne pas communiquer, même le refus de communication constitue un message. Cela veut dire que la communication est inhérente au comportement des individus. Le silence et l’inaction sont un comportement qui peut être interprété de différentes manières. Ce qui est le cas pour notre gouvernement qui s’est tu sur un grand nombre de points, lors de cette pandémie, suscitant ainsi le mécontentement des Marocains. 
L’un des enjeux principaux de la communication est l’influence. Si ce processus communicationnel n’est pas exprimé de la bonne manière, les idées que nous exprimons ne seront pas adoptées par notre récepteur. La communication n’est pas une simple transmission de messages. Il s’agit plutôt d’une interaction sociale bien plus complexe dans laquelle chaque acteur contribue. 
L’incohérence des messages est l’ennemi numéro un de la communication. Pour une communication réussie, il faut unifier les décisions. Ces dernières doivent être complémentaires mais ne jamais se contredire. Tout comportement entretenu par le gouvernement est porteur de sens que le citoyen constitue au fur et à mesure de l’avance des péripéties de cette crise sanitaire. L’absence d’harmonie crée la confusion d’où, parfois, le non-respect des mesures sanitaires. Ce que peut bâtir une communication de sensibilisation durant des mois peut être aboli à cause de la diffusion d’un message inadéquat au moment inapproprié. 
Nous avons, depuis toujours, pensé, comme Joseph de Maistre que « toute nation a le gouvernement qu’elle mérite ». Néanmoins, pendant cette crise sanitaire, il nous a semblé que les Marocains méritent des interventions fondées de la part de leur gouvernement et des paroles unifiées portées par chaque ministre et non des nouvelles fuitées qui se répercutent négativement sur la santé mentale des Marocains. 
Il est devenu urgent, aujourd’hui, d’adopter une stratégie de communication, de polir le métier plus qu’il ne l’est et d’accorder à la communication une place conséquente lui permettant de renforcer les politiques publiques. Communiquer avec transparence mais de manière dissonante n’est pas la solution. 
Grâce à cette crise qu’a connue le monde entier, l’avenir se déclare communicationnel. Il ne s’agit plus d’un luxe ou d’une étape superflue. Dorénavant, la communication doit être mise sur un piédestal. 

* Journaliste stagiaire à la SNRT
Etudiante en Master Communication des Organisations, Qualité 
et Développement Durable M2.
Université Mohammed V- Faculté des Lettres et Sciences Humaines - Rabat -


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