Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager

L’occupation illégale de l’espace public, on en reparle pour en reparler

Pire que Godot, le projet de texte de loi en la matière se fait toujours attendre


​Hassan Bentaleb
Vendredi 18 Février 2022

L’occupation illégale de l’espace public, on en reparle pour en reparler
«Une campagne de plus », c’est ainsi que de nombreux Casablancais ont commenté, sans grand enthousiasme, les derniers agissements des autorités locales dans certaines zones de la ville destinés à libérer des espaces publics de l’occupation illégale des marchands ambulants ou autres activités commerciales ou industrielles.

Selon le site d’info Hespress, les autorités locales casablancaises ont procédé, jeudi dernier, à plusieurs opérations de libération du domaine public en vue de garantir la fluidité de la circulation au niveau de certaines préfectures d’arrondissements de la capitale économique.

Ainsi au niveau de la préfecture d’arrondissements d’Anfa, des consignes ont été données pour libérer certains points noirs connus comme des espaces publics occupés illégalement et démolir certaines baraques installées sur le boulevard Ziraoui.

Plusieurs véhicules ont également été saisis pour obstruction à la circulation. Au niveau de la préfecture d’arrondissements de Sidi Bernoussi, les autorités ont démoli des bâtisses anarchiques et des jardins construits sans autorisation par certains propriétaires.

Les autorités se sont également efforcées, après que la police administrative ait constaté des infractions de la part de certains habitants, d'utiliser leurs bulldozers afin d'enlever ces constructions illégales, en vue d'élargir et de réhabiliter la rue.

La même source a indiqué que ces opérations de libération du domaine public ne sont qu’une réplique des autorités locales aux plaintes déposées par des citoyens casablancais concernant le phénomène croissant de l'occupation du domaine public et la multiplication des vendeurs ambulants dans les rues et ruelles de la ville.

« L’occupation illégale de l’espace public est une réalité qui crève les yeux à Casablanca. Elle touche l’ensemble du territoire de la ville. Il est presque impossible de circuler sans constater l’anarchie et le désordre causés par les marchandises des boutiques, les tables des cafés, les marchands ambulants ainsi que les tôliers, les menuisiers, les garagistes et mécaniciens, entre autres, qui rendent tout mouvement difficile voire impossible », nous a déclaré un élu casablancais sous le sceau de l’anonymat. Et de poursuivre : « Le hic, c’est que ces entraves à la circulation sont accomplies souvent au vu et au su de tous y compris des autorités locales (préfets, caids, mokadams, élus, présidents de commune) alors que l’une de leurs prérogatives est de restaurer l’ordre».

Même son de cloche de cet autre édile casablancais qui souligne l’absence d’une vraie volonté politique pour éradiquer ce fléau. Selon lui, les enjeux électoraux, sécuritaires, économiques et sociaux de ce dossier rendent sa résolution plus compliquée.

« Il y a la question de la paix sociale, des bastions électoraux, d’absorbation du chômage qui oblige les autorités locales à aborder ce dossier avec beaucoup de délicatesse. Notamment dans les contextes de crise. Mais, parfois, il y a du laisser-aller et de l’indifférence », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Au cours de ces deux dernières années, ce phénomène s’est amplifié d’une façon spectaculaire dans notre ville. Le contexte de la pandémie y est pour beaucoup, mais il y a eu aussi du laisser-faire de la part de certains agents d’autorité».

J.Driss, doctorant en droit public, estime, de son côté, que les campagnes de libération de l’espace public relèvent de l’improvisation et de l’humeur des autorités locales plus que de logique de droit et d’autorité publique.
« Il est difficile de quantifier avec précision le nombre de campagnes lancées dans ce sens. Pourtant, le bilan est catastrophique comme en témoigne la réalité de cette occupation dans notre ville. Ces campagnes initiées par les autorités locales pour libérer les espaces publics se contentent souvent de confisquer des chaises et tables étalées sur la voie publique et la destruction du bâti anarchique qui obstrue la fluidité de la circulation des piétons, mais sans plus puisque les contrevenants récidivent quelques jours après », nous a-t-il expliqué. Et de préciser : « Les autorités ne suivent pas une démarche proactive, mais plutôt réactive. Il faut toujours attendre la grogne des habitants pour réagir ou une visite Royale pour dégager certains boulevards et rues. Une passivité inconcevable puisque les textes de loi concernant cette question sont clairs ».

En effet, une occupation temporaire du domaine public exige des autorisations délivrées par les services communaux, conformément à un cahier des charges et en contrepartie de redevances prédéterminées. Des dispositions qui ne sont pas respectées dans leur majorité et les contrevenants sont souvent verbalisés en vertu de l’arrêté communal définissant les conditions d’exploitation provisoire du domaine public et celles de l'arrêté municipal relatif à l’hygiène adopté par les élus en février 2018. La loi n°30-89 du 21 novembre 1989 relative à la fiscalité des collectivités locales et de leurs groupements portant sur l’occupation temporaire des domaines publics avait bien pour objectif, entre autres, de décourager les commerçants à s’installer où bon leur semble en permettant au fisc de taper au portefeuille.

Ce texte dispose que les biens meubles ou immeubles, objets de l’occupation, doivent constituer un complément de l’activité exercée. Il énumère certains de ces biens, mais les présidents des Conseils communaux en fixent une liste plus exhaustive établie par assimilation aux biens cités par la loi. Ce sont les bénéficiaires des autorisations d’occupation qui doivent s’acquitter de la redevance. Celle-ci est assise sur la valeur locative qui sert de base de calcul pour l’impôt des patentes.

Selon l’article 191 de la loi, cette valeur locative est fixée lors du recensement des propriétés soumises à la taxe d’édilité. L’article 187 précise que la redevance est calculée en tenant compte de la superficie occupée, de l’emplacement et de la nature de l’occupation.

J. Driss reste, toutefois, pessimiste quant à la résolution de ce fléau. « Le retrait du Parlement du projet de loi n°03-19 relatif à l’occupation temporaire du domaine public et l’expérience mitigée de la police administrative en matière d’exploitation illégale des espaces publics en disent long sur la vraie volonté de lutte contre ce phénomène », a-t-il conclu.

Hassan Bentaleb


Lu 2561 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Actualité | Dossiers du weekend | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Billet | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP







L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          





Flux RSS
p