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L’innovation, la persévérance et le partage sont les clés du développement de la Chine

Li Li, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Chine au Maroc


Alain Bouithy
Lundi 19 Mars 2018

La Chine s’est engagée depuis quatre décennies dans de vastes réformes qui ont profondément transformé le pays au point de le hisser au deuxième rang de puissance économique mondiale.
Cette expansion inégalée dans le monde a été construite autour d’un modèle économique basé sur l’innovation, la persévérance et le partage, a en substance indiqué Li Li, ambassadeur de la République populaire de Chine au Maroc.
En poste au Royaume depuis 2017, le diplomate chinois s’est ainsi exprimé lors d’une conférence-débat qu’il a animée, jeudi 15 mars, sur « Le développement de la Chine et le soixantenaire de la relation sino-marocaine », à l’Institut supérieur de commerce et d'administration des entreprises (ISCAE).
L’occasion pour les étudiants, professeurs et anciens lauréats de la prestigieuse institution académique publique venus nombreux le suivre, de s’imprégner des réformes économiques engagées depuis quarante ans par la Chine, des mutations sociales et des transformations qui ont accompagné son expansion. Avant de devenir un géant économique et un acteur majeur de la mondialisation qui suscitent l’admiration de bien de pays à travers le monde.
Cette conférence a été aussi l’occasion pour les étudiants du premier établissement public d’enseignement supérieur en management au Maroc et leurs invités de jauger le niveau actuel des relations sino-marocaines et d’apprécier son évolution au fil des soixante dernières années.
Comme l’a relevé l’ambassadeur dans son exposé, les progrès que connaît la Chine sont le fruit d’un profond travail ponctué de réformes et marqué par la transformation de son système économique passé d’une économie planifiée à une économie de marché socialiste.
Comme l’a souligné le diplomate, l’innovation a constitué la première force motrice du développement de la Chine tout au long de ce processus, signalant que des investissements en recherche augmentent chaque année dans son pays permettant ainsi à bien de secteurs d’enregistrer de progrès  importants.
Prenant quelques exemples pour corroborer ses propos, Li Li a cité l’exemple du réseau ferroviaire chinois où l’« on a réalisé 27.000 km de lignes de TGV, soit 66% en 7 ans », rappelant que la Chine consacre 460 milliards de dollars à son budget d’éducation et qu’il est le pays qui envoie le plus d’étudiants à l’étranger.
A propos de la persévérance, autre pilier de sa réussite, l’ambassadeur a cité les exemples de réussite de Jack Ma, fondateur du géant mondial « Alibaba » ou encore du célèbre basketteur chinois en NBA, Yao Ming, soulignant que la réussite chinoise est celle de tous les Chinois et de leur quête constante du rêve chinois.
Evoquant le troisième pilier de son modèle, le diplomate a noté que la Chine souhaite le partage de ses expériences avec d’autres pays. C’est aussi dans cet objectif que le président chinois Xi Jinping a lancé en 2013 l’initiative « Une ceinture, une route » au sujet duquel le Maroc a signé un accord portant sur sa construction conjointe 
Soulignant qu’un peu plus tôt, la directrice générale du Groupe ISCAE, Nada Biaz, faisait remarquer dans son mot d’ouverture que les « quarante ans de réformes et de croissance sans précédent ont permis à ce pays d’environ 1,4 milliard d’habitants de s’imposer sur la scène mondiale à travers une conversion de son poids économique en poids politique, en activant sa diplomatie économique pour conforter sa position et faire face aux défis actuels et à venir ».
A propos justement de diplomatie, l’ambassadeur Li Li a salué l’excellence des relations sino-marocaines tout en  insistant sur certains aspects de la coopération qui, à l’entendre, méritent davantage d’attention de la part des deux pays et de leurs peuples respectifs.
« Le Maroc a été l’un des premiers pays arabes et africains à reconnaître la Chine continentale », a-t-il précisé d’emblée.
S’il s’est réjoui de ce que « les choses bougent dans ce sens et que de plus en plus de Marocains commencent à s’intéresser à la Chine », il a estimé urgent de renforcer la connaissance et la compréhension mutuelle soulignant que d’un point de vue culturel, il y a encore beaucoup à faire. 
« On doit faire des efforts pour mieux se connaître », a-t-il lancé, invitant les Marocains à aller voir la Chine de leurs propres yeux.
Pour le reste, les deux pays doivent travailler ensemble dans un esprit de complémentarité. Il faut élargir l’horizon et voir les nouvelles opportunités.
Sur l’intérêt de la Chine pour le Maroc et sa place en Afrique, le diplomate a rappelé les atouts du Royaume notamment sa situation géographique privilégiée. 
Il a aussi rappelé que les investisseurs chinois sont très attachés à la sécurité financière des investissements, chose que le Maroc peut se vanter d’avoir, en plus d’un environnement sain et d’une politique ouverte des investissements.
Abordant la question de l’enseignement, précisément du management, Mme Nada Biaz a fait remarquer que « les Business School chinoises ont connu une évolution remarquable, en s’intégrant dans le réseau mondial des écoles triplement accréditées ». 
Ainsi, a-t-elle poursuivi, plusieurs villes chinoises comme Changhai et Pékin sont devenues des destinations estudiantines très prisées qui attirent d’ailleurs des étudiants « Iscaéistes ».
Bien que leur effectif soit moins important, la directrice a rappelé que l’établissement accueille également et de façon réciproque des étudiants chinois, à travers quatre partenariats actifs. 
Selon elles, de plus en plus d’étudiants chinois s‘intéresseraient à l’ISCAE, surtout depuis que l’Institut a dupliqué une grande partie des cours en anglais dans le cadre du concept « English Path ».
Abordant la question de partenariats entre les écoles et universités marocaines et chinoises, la directrice a affirmé que le développement de cet important volet contribuera de manière considérable à renforcer les relations futures entre les deux pays.
Pour Mme Biaz, il ne fait ainsi aucun doute que « l’interaction entre étudiants et  le travail en équipes multiculturelles ne peuvent que renforcer la compréhension et l’enrichissement mutuel et avoir un impact sur le destin des peuples et de l’humanité », a-t-elle soutenu. Avant d’appeler à une coopération davantage  fructueuse et un avenir meilleur pour les deux pays.
 

Nada Diaz, directrice générale du Groupe ISCAE : Le modèle chinois est fascinant

En invitant l’ambassadeur de Chine à cette conférence, quel message votre établissement souhaite-t-il adresser à ses étudiants ?
 Le modèle chinois est fascinant et les valeurs que l’ambassadeur de la République populaire de Chine a véhiculées à travers son intervention me paraissent tout à fait adaptables à toutes les cultures, les civilisations et les modèles économiques. A savoir l’innovation, la persévérance et le partage.
L’intérêt que cela représente pour nos étudiants, c’est l’ouverture internationale. La Chine représente aujourd’hui la destination la plus prisée en échanges. C’est aujourd’hui un hub estudiantin considérable qui attire pour le moment une soixantaine d‘étudiants de l’ISCAE, qui sont fascinés par la culture et le modèle de développement de ce pays. 
Nous avons également de plus en plus d’étudiants chinois qui viennent à l’ISCAE. Ce brassage est particulièrement intéressant pour les managers et entrepreneurs de demain qui voient dans le partenariat avec la Chine et dans la coopération tripartite Chine, Maroc et Afrique une opportunité d’avenir.
Des dispositions existent pour renforcer cette coopération académique…
Tout à fait. Nous sommes en partenariat avec quatre universités chinoises et nous encourageons les échanges de manière systématique chaque année. Même si ceux-ci étaient déséquilibrés, du fait qu’il y avait beaucoup plus d’étudiants en mobilité sortante qu’en mobilité entrante, nous avons  développé un programme de cours dupliqué en langue anglaise pour les étudiants chinois qui ne peuvent pas forcément assister à des cours en français, ce qui a permis de les recevoir.
Nous avons également des services dédiés aux étudiants internationaux en général et en particulier pour les étudiants chinois qui ne parlent pas français.
On a des structures d’accueil, des programmes dédiés et toute la volonté de faire évoluer la communauté de l’ISCAE  dans un environnement multiculturel.

 

Tarik El Malki, directeur du développement, des relations internationales et de la recherche à l’ISCAE : Nous devons nous inspirer des meilleures pratiques et les adapter à notre contexte et notre temps


 Vous avez longtemps travaillé sur le modèle 
économique marocain. Que vous inspire celui de la Chine ?
La Chine nous donne une formidable leçon de mutation et de transition économique depuis 40 ans. On est passé, comme l’a souligné  l’ambassadeur, d’un système régi par le socialisme planificateur à un nouveau système basé sur ce qu’ils appellent là-bas  l’économie de marché socialiste.
Ce concept est très intéressant dans la mesure où les Chinois sont parvenus à créer leur propre modèle. Un modèle hybride qui est basé sur un Etat planificateur centralisateur régi par ses propres règles, tout en étant en phase avec les mutations mondiales caractérisées par la mondialisation.
Les Chinois sont pragmatiques. Ils ont compris avant tout le monde qu’il fallait s’adapter à un nouvel ordre mondial. 
C’est assez impressionnant le bond en avant qu’a fait la Chine qui est l’un des premiers au monde en matière d’enseignement supérieur, que ce soit en terme de quantité ou de qualité. Les business schools chinoises sont dans leur grande majorité conformes aux standings internationaux.
Et donc, ce qu’on essaie de faire modestement au niveau de l’ISCAE, c’est de développer des partenariats, des échanges culturels avec un certain nombre de business schools chinoises pour justement accompagner ce modèle de développement. 
L’ISCAE s’engage aussi dans ce processus d’accréditation internationale qui lui permettra demain d’être conforme aux meilleurs standards.
C’est une belle leçon pour le Maroc. Cela dit, il n’est pas question de calquer un modèle à l’identique, mais de s’inspirer des meilleures pratiques et de les adapter à notre contexte et à notre temps »
 

Li Li : La Chine doit s’inspirer des expériences de développement du Maroc




Vous avez exposé face à des étudiants qui seront appelés un jour à des postes responsabilité  importants. Quels messages espériez-vous qu’ils retiennent de votre exposé ?
 Premièrement, la disponibilité de la Chine de travailler avec le Maroc avec lequel on a déjà une longue histoire de coopération et d’amitié et que nos deux pays sont présentement dans une nouvelle phase. C’est-à-dire qu’avec le partenariat stratégique signé entre SM le Roi Mohammed VI et le chef d’Etat chinois Xi Jinping, nos relations font actuellement l’objet de colloques stratégiques.
Mais si l’on parle de stratégies, il est important qu’elles soient suivies par des actions concrètes. C’est pourquoi, on doit travailler d’arrache-pied pour atteindre cet objectif. 
Deuxièmement, les jeunes étant l’avenir, j’espère qu’ils seront de plus en plus nombreux à connaître la Chine et que leurs camarades chinois connaîtront encore mieux le Maroc. 
Comme je l’ai souligné lors de mon intervention, la Chine n’est pas que le thé et le Maroc n’est pas seulement Casablanca. Je pense qu’on a beaucoup à faire pour mieux se connaître et se comprendre.
Troisièmement, je souhaite contribuer au renforcement de la coopération dans le domaine académique parce que c’est une base importante pour consolider les relations entre nos deux pays, à travers notamment des échanges de vues entre les professionnels et les opérateurs que j’apprécie beaucoup.
Le modèle économique chinois peut-il être dupliqué?
Le modèle chinois fait partie d’une expérience propre à la Chine. Bien qu’il fasse l’objet d’analyses et de partages avec d’autres pays, il ne peut être dupliqué à l’identique, ce n’est pas quelque chose que l’on peut extraire de son contexte. Je crois que chaque pays a ses particularités et son expérience de développement. 
L’expérience marocaine peut-elle inspirer la Chine?
En tant qu’ambassadeur, je dis que la Chine doit s’inspirer aussi des expériences de développement du Maroc. Les relations entre nos deux pays doivent tourner autour du partage d’expertise et d’expériences et cela ne doit pas se faire dans un sens unique.
Propos recueillis par
Alain Bouithy


 


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