L’action culturelle française à la croisée des chemins


Thierry Perret (MFI)
Vendredi 24 Juillet 2009

Vous connaissez et fréquentez les centres culturels français ? Vous adorerez les «instituts français»… Telle sera peut-être la dénomination future (et unifiée) de ces vitrines de l’action culturelle de la France qui, notamment en Afrique francophone, sont aussi des lieux de promotion pour les créateurs nationaux. Mais autant le savoir, l’action culturelle française à l’extérieur se prépare à une vaste réforme, et celle-ci n’est pas simple à mettre en œuvre.
Bernard Kouchner vient de le rappeler : il souhaite donner un « élan nouveau » à une « diplomatie de solidarité et d’influence » jugée plus que jamais nécessaire en ces temps de convulsions internationales (1). Face aux crises et tensions actuelles, la France doit pouvoir répondre « par la culture comme espace de dialogues et d’échanges », en renouant avec une très ancienne tradition de présence et d’action culturelle, que beaucoup estiment toutefois menacée : depuis un fameux article du Time magazine de novembre 2007 sur le « déclin de la culture française », les constats alarmistes se sont renforcés quant à une débâcle de la diplomatie culturelle, avant tout entraînée par un manque de ressources. Exemple souvent cité, la France a ainsi fermé la moitié de ses centres culturels en Allemagne, et partout ailleurs doit réduire crédits et personnels, quand la concurrence (britannique, allemande, espagnole… et chinoise !) tend plutôt à se renforcer (2).
Alors que 2009 s’annonçait comme l’année « terrible », le ministre des Affaires étrangères a pu se féliciter : avec une rallonge budgétaire de 40 millions d’euros, l’étau se desserre quelque peu. Reste la grande réforme de structure annoncée depuis des mois pour rendre « plus visible » et mieux coordonnée l’action culturelle extérieure. Celle-ci attendra encore un peu pour les grandes décisions et les ultimes arbitrages… dans un scepticisme palpable, notamment du côté des diplomates.
Josselin de Rohan, président de la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat, le rappelait en juin 2009 :
« La France dispose d’un réseau culturel exceptionnellement dense et diversifié », si l’on additionne les services de coopération et d’action culturelle (SCAC) au sein de ses ambassades, les instituts et centres culturels, ainsi que le vaste réseau des Alliances françaises, sans compter nombre d’opérateurs centraux, comme CulturesFrance. Mais la dispersion des efforts, et le manque de visibilité comme de « pilotage stratégique » sont souvent critiqués. La réforme vise donc à homogénéiser le tout : on prévoit en particulier de confier l’ensemble des actions à des agences spécialisées. Pour la culture, ce sera CulturesFrance, qui d’association devient un établissement public industriel et commercial et devrait s’intituler « l’Institut français ».
L’affaire se complique lorsqu’il s’agit de savoir qui dirige réellement. Dans d’autres pays, comme la Grande-Bretagne avec le British Council, l’action culturelle jouit d’une large autonomie. En France, on reste centralisateur et le ministère des Affaires étrangères tient à ses prérogatives : la question du statut des agents qui dépendront de cet opérateur donne lieu à d’épiques débats et autant de contestations, qu’une Mission de préfiguration confiée au secrétaire général du ministère des Affaires étrangères n’a pas suffit à trancher.
La tendance à une formule mixte de gestion ne réjouit guère les tenants d’une réforme radicale. Et l’on n’entend plus parler, pour le moment, de la création d’un secrétariat d’Etat à la francophonie, à l’audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures, préconisée par les sénateurs, qui serait selon eux un signe fort pour montrer l’attachement de la France à sa diplomatie culturelle.



*Une réforme à étages

La réforme de l’action extérieure française a connu une étape significative avec l’important changement de structure intervenu au sein du ministère des Affaires étrangères. En mars 2009 a été créée une Direction générale de la mondialisation (DGM) remplaçant l’ancienne Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), dont le rôle avait notamment été affecté par un transfert notable de compétences en direction de l’Agence française de développement et de l’opérateur culturel, CulturesFrance. L’annonce est faite de la création de deux opérateurs distincts (désormais au statut d’EPIC) chargés de piloter l’action culturelle extérieure dans leurs domaines : celui des échanges universitaires et de la promotion de l’enseignement supérieur français ; celui de la culture et de la politique linguistique, dévolu à l’association CulturesFrance transformée en Institut français. Cet opérateur prendrait en charge l’ensemble du réseau culturel et ses personnels, toutefois sous l’autorité directe, au plan local, de l’ambassadeur de France. La réforme prévoit également une action d’envergure en matière de formation des agents du réseau diplomatique. Signalons que le réseau des alliances françaises (associations de droit privé issues d’initiatives de la société civile locale) n’est pas concerné, au plan organique, par la réforme.


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