L’Islam et l’Occident : le mythe du “péril vert”


Par Leon Hadar
Vendredi 9 Janvier 2009

Les attaques du 11 septembre 2001 et la « guerre contre la terreur » qui a suivi ont
fourni une opportunité à
l’establishment américain de la politique extérieure, qui souffrait du Syndrome de l’Absence d’Ennemi depuis la fin de la guerre froide,
de se trouver un nouvel ogre. L’islam radical a servi
d’alibi à l’interventionnisme américain pour une
soi-disant modernisation du Grand Moyen-Orient.
A l’heure des bilans, force est de constater l’échec de
l’administration Bush à accomplir cette mission. Comment l’expliquer? En s’appuyant sur d’autres échecs américains en matière de politique étrangère,
le spécialiste de relations
internationales au Cato Institute à Washington DC, Leon Hadar, nous aide à mieux comprendre comment le regard simpliste des
néoconservateurs de
l’administration Bush
les a conduits à commettre des erreurs stratégiques
 précipitant la région du Moyen-Orient dans
l’instabilité et la violence.
Les attaques du 11 septembre 2001 et la « guerre contre la terreur » qui a suivi ont fourni une opportunité à l’establishment américain de la politique extérieure, qui souffrait du Syndrome de l’Absence d’Ennemi depuis la fin de la guerre froide, de se trouver un nouvel ogre : l’Islam radical, ou le « Péril Vert ». Les idéologues néoconservateurs qui ont pris d’assaut l’appareil de la politique extérieure de George W. Bush ont embrassé l’idée de Huntington d’une confrontation entre l’Islam et l’Occident. Ils la voient comme une façon de justifier la puissance militaire américaine pour établir une hégémonie américaine au Moyen-Orient tout en imposant les valeurs américaines. Et ce pour régler le problème de la montée de «l’Islamofascisme».
Selon ce dogme néoconservateur, que Bush a tenté d’appliquer en Mésopotamie, un Irak libre et démocratique deviendrait le modèle de réforme économique et politique dans le monde arabe et dans le Moyen-Orient plus large, et une série de révolutions presque pacifiques serait engagées des frontières islamiques de la Chine, à l’Iran, à la Syrie, au Liban, à la Palestine, jusqu’aux frontières des Balkans. Les nouveaux paradigmes de politique étrangère, comme les nouvelles religions ou les nouvelles idéologies politiques, sont produits par des entrepreneurs intellectuels qui espèrent gagner un statut auprès de ceux qui cherchent le pouvoir, et ainsi exercer une influence sur eux. En même temps, les politiciens font usage de ces visions du monde pour mobiliser la nation, le peuple, ou une classe contre une menace extérieure qui met en jeu prétendument « nos » intérêts et valeurs. Dans cette perspective, le nouveau « monstre islamique » des néoconservateurs a très clairement servi les intérêts du Triangle de fer de Washington : les bureaucrates, les législateurs et les groupes d’intérêt. Pour ce Triangle de Fer, la menace islamique – un peu à l’image du communisme pendant la guerre froide – permet d’exercer une pression en faveur d’une expansion des budgets vers la défense, les opérations secrètes, et les groupes d’intérêt favoris du moment.
Le problème est que les paradigmes de politique extérieure sont des constructions intellectuelles qui reflètent l’imagination de leurs producteurs et les intérêts de leurs promoteurs.
Le résultat est que la réalité a tendance à nous rappeler à son bon souvenir. Ainsi durant la guerre froide, l’idée d’un bloc communiste monolithique mené par l’URSS a rendu inévitable le fait que les USA confondent les intérêts nationaux qui conduisaient les politiques du Viet Nam, de la Chine et de Cuba avec les intérêts globaux de l’URSS : les résultats en termes de politique américaine furent désastreux. De même, après que l’URSS a disparu, les Américains se sont rendu compte que l’effondrement du communisme n’avait pas déclenché une vague de liberté politique et économique dans l’ancien empire soviétique.
Le temps est venu de remettre en question la grande idée selon laquelle le monde musulman, ou le Moyen-Orient, ou encore le monde arabe possède une culture économique et politique monolithique et unique qui le rend résistant aux effets de modernisation de l’Occident. Quelle que soit la propagande de Washington à l’égard de la menace globale de « l’islamofascisme », il n’y a pas de fondations idéologiques communes qui unissent les divers courants des groupes influencés par l’Islam (les mouvements nationalistes arabes Baathiste et Nassériste, la doctrine stricte du Wahhabisme de l’Arabie Saoudite, le dogme révolutionnaire et millénariste qui guide les dirigeants chiites en Iran, la tradition laïque, républicaine et étatiste de la Turquie kémaliste, etc.).
De ce point de vue, le monde arabe ou le Moyen-Orient ou encore le Moyen-Orient arabe est une mosaïque d’Etats-nations, de groupes ethniques, de sectes religieuses, de groupes tribaux, un méli-mélo d’idéologies politiques, de systèmes économiques et de cultures. Quelques-uns de ces acteurs ont rejoint « l’âge moderne » (Malaisie, Indonésie, Turquie et Emirats Arabes Unis) ; la plupart des autres sont clairement restés en marge des révolutions économiques et technologique.
D’une certaine manière, les puissances occidentales ont été responsables du fait que des dictatures militaires retardant les réformes économiques ont contrôlé les Etats-Nations du Moyen-Orient depuis si longtemps.
La concurrence géostratégique entre puissances extérieures, particulièrement durant la guerre froide, a encouragé les USA et leurs alliés à exploiter des conflits régionaux comme le conflit arabo-israélien, et à fournir un soutien militaire et économique aux hommes forts locaux qui étaient censés servir les intérêts des extérieurs. Mais le temps est venu pour les puissances occidentales de concentrer leurs efforts à mettre un terme au conflit israélo-arabe, et de créer des incitations pour la région de manière à ce qu’elle s’ouvre à l’économie mondiale. Cela comprend libéraliser leurs économies, réduire les barrières tarifaires et encourager l’investissement étranger direct.
Si le libre-échange n’est pas une panacée, il pourrait être une pierre d’angle pour un Moyen-Orient plus pacifique et prospère. Il pourrait encourager la montée d’une classe moyenne de professionnels ayant des valeurs plus en accord avec les idées et technologies modernes. Cet effort pourrait aussi aider à réduire la pauvreté et les inégalités économiques, et consolider la paix.

Leon Hadar est spécialiste de relations internationales au Cato Institute à Washington DC.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org.




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