Il y a de ces vérités pas facile à gober

En remettant en cause beaucoup de choses à propos de l’Algérie, Macron n’est-il pas allé trop loin ?


Libé
Dimanche 3 Octobre 2021

Il y a de ces vérités pas facile à gober
Alger a décidé, samedi, le «rappel immédiat pour consultation» de son ambassadeur à Paris. La présidence algérienne dans un communiqué rendu public ce même jour, a déclaré exprimer son « rejet de toute ingérence dans ses affaires intérieures », en précisant que le rappel dudit diplomate intervient en réaction à des « propos non démentis que plusieurs sources françaises ont attribués expressément à Emmanuel Macron ».

« En raison d’une « situation inadmissible engendrée par ces déclarations irresponsables, le président de la république a décidé le rappel d’urgence pour consultation de l’ambassadeur de l’Algérie auprès de la république française », conclut ledit communiqué.

Tout a commencé par la publication, samedi, par le journal français «Le Monde» d‘un article relatant une rencontre, jeudi, entre le président Macron et de jeunes enfants de protagonistes de la guerre d’Algérie (1954- 1962) au cours de laquelle le chef d‘Etat français, discutant à bâtons rompus, aurait estimé qu’au lendemain de son indépendance en 1962, l’édification de l’Algérie s’était basée sur «une rente mémorielle » entretenue par «le système politico-militaire».

D’après le journal «Le Monde», le président français a également évoqué «une histoire officielle totalement réécrite» qui «ne s’appuie pas sur des vérités» mais sur un «discours qui repose sur une haine de la France».

L’on notera, d’autre part, que la précipitation impulsive des dirigeants algériens se justifie précisément par l’absence de tout démenti de la teneur de la publication du journal, démenti qui ne pourrait peut-être jamais être prononcé, compte tenu du contexte électoral marqué par la bousculade effervescente de slogans extrémistes et chauvinistes mis en avant sur la scène politique française en ce début de campagne présidentielle sous couvert d’un populisme sciemment distillé. Les relations franco-algériennes ont toujours été perturbées par des tensions, liées dans leur majorité à l’histoire de l’occupation française et de la guerre, d’Algérie. Les apaisements se font toujours sur fond d’échanges économiques et commerciaux délicatement assujettis aux intérêts géostratégiques de part et d’autre.

L’ambassadeur de France, François Gouyotte, avait été convoqué, mercredi, au ministère des Affaires étrangères algérien où les responsables de ce département lui ont signifié « une protestation formelle » à la suite de la décision de Paris de réduire de moitié les visas accordés aux Algériens souhaitant se rendre en France, mesure qui, rappelons-le, n’avait pas exclu les Marocains et les Tunisiens. Macron enfonce davantage le clou, en soulignant, selon l’article de ladite publication française, s’adressant à ses jeunes interlocuteurs, que la réduction des visas n’aurait « pas d’impact » sur les étudiants et milieux d’affaires mais l’idée, en revanche, a-t-il ajouté, est « d’ennuyer les gens qui sont dans le milieu dirigeant » et qui « avaient l’habitude de demander des visas facilement ».

Répondant à une interrogation d’une jeune fille ayant grandi à Alger, le président français réitère, toujours selon Le Monde, qu’il ne pense pas qu’il existe une « haine » contre la France de la part « de la société algérienne dans ses profondeurs mais du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle ». Il serait allé jusqu’à constater qu’«on voit que le système algérien est fatigué, le Hirak (mouvement populaire, à l’origine de la démission en 2019 de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika) l’a fragilisé ».

Après la réaction officielle des dirigeants algériens à ces propos jugés, par ailleurs, acerbes et particulièrement hostiles, exprimée dans le communiqué de la présidence de la république, une tempête médiatique de critiques véhéments s’est déchaînée.

Ainsi, sous le titre « Macron au vitriol sur le système algérien », le média francophone 24H Algérie a estimé que le président français avait parlé « comme tous les historiens et les intellectuels de la droite et de l’extrême-droite, allergiques à toute remise en cause de l’héritage colonial français et de la reconnaissance des crimes coloniaux massifs commis en Algérie et ailleurs en Afrique ».

Le journal « Al Watan », quant à lui, réserve sa Une de dimanche au « dérapage de Macron » avec un éditorial où il estime que « le président français a émis des critiques acerbes vis-à-vis des dirigeants algériens ». La goutte qui a fait déborder le vase, le passage de plus : « Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question », se serait interrogé le président français, en rappelant qu’il y a bien eu « de précédentes colonisations ». Il a, en outre, exprimé sa « fascination » de « voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée », faisant allusion à l’Empire ottoman ».

Tous ces développements, assurément marqués par une certaine frilosité et une grande précipitation, ce qui n’est pas compatible avec l’exercice diplomatique, avec le fonctionnement du droit public international et en somme avec l’acception universelle des relations internationales. L’on pourrait objectivement observer que la décision du rappel pour consultation de l’ambassadeur d’Alger à Paris actée dans le communiqué de la présidence, bien que prise dans la précipitation, ce qui lui confère un caractère impulsif, en totale contradiction avec la bonne pratique diplomatique, il n’en demeure pas moins que cet acte est tout à fait souverain et que les propos du chef de l’Etat français, venant de « Macron, le président et non d’un quelconque penseur ou politologue neutre, s’inscrivent, en tout état de cause, dans le registre de la provocation et de l’ingérence injustifiée dans les affaires d’un pays qui n’est pas le sien. Il y a certes des vérités historiques et politiques soutenables et avérées dans le « discours électoraliste » de Macron mais le droit international et le système des relations internationales supposent une certaine réserve des acteurs politiques actifs.

Or, ceci nous conduit à évoquer l’attitude hostile voire haineuse du pouvoir algérien à l’encontre de son voisin de l’ouest, le Maroc que traduit l’adage populaire chez nous «Le minaret est tombé, pendez le coiffeur !» Nous savons pertinemment que les tergiversations de la junte militaire, relayées par les médias à la solde des vieux galonnés, et leur hostilité maladive contre notre pays sont dictées par la quête d’ennemis pouvant détourner l’attention du peuple algérien des agissements crapuleux de ses dirigeants.

Le Maroc est tout indiqué, de par le voisinage et l’accessibilité… Alger cherche d’autres ennemis, trouve la France et en trouvera d’autres encore, pourvu que la soif du pouvoir soit assouvie par les vieux généraux.

Et voilà que dans l’absurdité inouïe et leur entêtement enfantin et minable, certains médias viennent impliquer le Maroc dans ce nouvel incident purement franco-algérien. Une chaîne algérienne échafaude une hypothèse rocambolesque selon laquelle les propos du président français proviennent de sa proximité avec Rabat et versent dans les intérêts marocains, propos et positions qui seraient monnayés par une future supposée contribution financière du pouvoir marocain à la campagne électorale présidentielle de Macron !! Hérésie ! hérésie !

Rachid Meftah


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