Ibrahim Ezzine, membre de l’Association Bourbiaa pour le développement et l’environnement :

“La pollution met en danger la vie des habitants de Lablida”


Propos recueillis par Montassir Sakhi
Mardi 26 Mai 2009

La commune Lablida
se situe à 100 km de la ville de Zagora. Environ
5 000 habitants vivent dans ce village qui se distingue par son climat sec. Les pluies ne
dépassent pas les
45 millimètres chaque année. En 1998, la société qui exploitait les richesses minières de la région a plié bagage, laissant derrière elle une véritable catastrophe écologique.
Entretien avec Ibrahim Ezzine, acteur associatif de la région et membre de l’Association Bourbiaa pour le développement et l’environnement.

Libé : Que pensez-vous des problématiques environnementales que connait la région de L’Blida ?

Ibrahim Ezzine : Lablida souffre énormément aujourd’hui de la pollution qui menace la vie des citoyens. Cette pollution provient des déchets que l’entreprise ONA a laissés aux environs du village après avoir fini d’exploiter les mines de la région. La quantité de ces déchets dépasse les 280 mille tonnes annuellement. Et l’exploitation a duré environ 20 ans, ce qui donne environ quatre millions de déchets toxiques entassés à l’entrée du village. Ces déchets sont composés principalement des restes de cuivre, plomb et autres types de minéraux.
Le fléau, c’est que ces minéraux se sont introduits dans la nappe phréatique que les citoyens utilisent pour leurs besoins en eau. Il s’agit principalement des puits et réservoirs d’eau.
Il faut rappeler également qu’une enquête réalisée par le ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire en partenariat avec plusieurs acteurs civils, a indiqué qu’il y a un taux élevé de minéraux toxiques au niveau de l’eau destinée à l’utilisation agraire. En plus, la pollution de l’eau a influé négativement sur la terre, la flore et l’agriculture, ce qui a intensifié la désertification et la disparition de certains genres d’arbres tels que les pommiers et les abricotiers. De leur côté, les palmiers connaissent de véritables difficultés de production, ce qui a augmenté le taux d’immigration des agriculteurs vers les villes et régions avoisinantes en quête d’autres ressources financières.

Quelles sont les transformations apparentes au niveau de l’eau, confirmant sa pollution ?

Il s’agit de transformations profondes. L’eau est devenue trop salée à cause de la concentration des minéraux, ce qui a poussé la population à chercher d’autres ressources loin du village pour satisfaire leurs besoins en matière d’eau potable. Mais, l’eau intoxiquée est toujours utilisée en agriculture, et irrigue la faune et la flore, ce qui menace la vie des citoyens puisqu’ils se nourrissent des animaux élevés et des produits de la terre.

Où l’entreprise exploitante a-t-elle déposé ses déchets toxiques ?

C’est à l’entrée du village, près de la source du fleuve. Les déchets solides ont constitué une véritable plaine dans la région. Et quand la pluie tombe, les poisons s’introduisent dans la nappe phréatique. Cette dernière est massivement exploitée aujourd’hui, surtout après que les grands fermiers se sont adonnés à l’achat illégal des terres collectives, et après que les entreprises privées ont pris de l’ampleur dans cette région devenue cernée par les déchets, d’où une menace réelle pour les citoyens, et l’environnement.

Quels sont les problèmes sanitaires dont souffrent les habitants de Lablide et qui proviennent de cette pollution ? Ce fléau environnemental a-t-il donné lieu à des victimes ou bien à des cas d’intoxication ?

Malheureusement, on ne dispose pas d’informations exactes sur ce point, parce qu’il n’y a aucune recherche spécialisée sur l’état de santé des populations de Lablida. Il y a des maladies qui sont apparu chez les ouvriers de la société qui exploitait les mines de la région. Ces maladies se sont propagées en touchant  de nombreux habitants. On constate également qu’il y a des cas de morts qui ont été enregistrés à cause des maladies pulmonaires, mais personne ne peut affirmer que cela a une relation avec le problème de la pollution.

Devant cette situation alarmante, quelle était la réaction de la société civile et des mouvements sociaux de la région ?

Les ONG et autres associations actives dans la région sont encore jeunes. Pourtant, on constate que la société civile est de plus en plus consciente de cette menace environnementale qui pèse sur les citoyens. Et dernièrement, plusieurs voix se sont élevées  pour dénoncer cette situation atroce.

En tant qu’acteur associatif et militant au sein de l’ONG Bourbiaa pour le développement et l’environnement, quelle est votre vision par rapport à l’avenir de la région ?

Malheureusement, et jusqu’à aujourd’hui, la situation semble inchangée. Surtout devant le taux d’analphabétisme qui dépasse les 90 %. Les élus locaux ne donnent pas de priorités à la question de l’environnement. Pourtant, cela dans les programmes électoraux qui négligent cette donne importante. Tout de même, il est intéressant de citer quelques points positifs :  le maire de la région est intervenu pour que la région bénéficie de l’électricité, pour la promotion du village qui n’est plus marginalisé comme avant. Mais, ces  actions restent limitées et ne peuvent assurer un progrès palpable.
Je pense, enfin, que le témoin est entre les mains des jeunes pour s’engager et investir leur savoir-faire et partant de changer la situation socio-économique en général et environnementale en particulier.


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