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Libé: Quelle a été votre réaction face à l’attentat de Charlie Hebdo à Paris ?
Fouad Laroui : Il se trouve que le 7 janvier j’étais à Paris et ce qui est extraordinaire, c’est que j’étais à 300 m du siège de Charlie Hebdo dans le 11ème arrondissement. J’étais donc sur le lieu de l’attentat dans les demi-heures qui ont suivi. J’ai participé également à la manifestation du 11 janvier. J’ai donc vécu de très près ces événements. Je peux dire que les premiers jours après les attentats, les Français ont été profondément choqués. Je dirai même déboussolés. Avec les manifestations dans toute la France, il y a eu un sursaut; les Français ont vécu un moment d’unité nationale pour défendre leurs valeurs, en fait toutes les libertés, notamment la liberté de conscience, la liberté d’expression. Il y a deux sentiments, un choc presque de désespoir et d’incompréhension et un choc de sursaut.
Pourquoi cette incompréhension ? Est-ce parce que les auteurs des attentats sont français?
Oui, c’est ce qu’on dit rituellement, le problème est là. C’est assez simple d’avoir un ennemi extérieur, on peut l’identifier et avoir une ligne de front claire, on peut même envisager des négociations avec un ennemi extérieur. Mais quand l’ennemi est en soi … C’est cela qui a beaucoup choqué les Français, le fait de découvrir qu’en France, il y a tout un noyau de la population qui regrette les valeurs de la France, une partie des valeurs qui ont fait la France.
Comment considérez-vous la position d’une grande partie des jeunes Français des banlieues qui ont soutenu après les attentats de Charlie Hebdo «Je ne suis pas Charlie»?
C’est vrai, ils n’ont été que deux à passer à l’acte, mais cette pensée assez diffuse contre certaines valeurs républicaines est très partagée dans les banlieues. Mais d’une certaine façon, on peut comprendre pourquoi. En effet, le discours européen ne passe plus dans les banlieues, mais d’autres discours sur une autre vision du monde dans les banlieues. Il faut dire aussi que les discours européens sur le monde dans les principes sont tout à fait honorables : liberté, égalité, fraternité, démocratie et liberté d’expression, mais dans les faits, on voit que le Congrès américain par exemple soutient tout ce que fait Netanyahou même quand il envoie son armée massacrer femmes et enfants. Quand on voit que François Hollande pendant l’attaque de Gaza en août 2014 a envoyé dans la demi-heure qui a suivi, un message de soutien à Israël, quand on voit ces pratiques, on se dit qu’il y a une différence entre les principes de civilisation européens somme toute honorables et la réalité.
Est-ce qu’on peut dire que Huntington a raison : on est deux mondes qui ne se comprennent pas, ce qu’il a appelé le choc des civilisations?
Je ne suis pas d’accord avec cette histoire de choc des civilisations, mais je suis d’accord avec une phrase que j’ai utilisée il y a longtemps : c’est le choc des ignorances. C’est-à-dire on ne comprend même pas qui est l’Autre, on ne cherche même pas à comprendre celui qui est en face de nous, c’est le choc des ignorances. Il y a aussi ce que fait le Congrès américain ainsi que les droites en Europe et leur soutien aveugle, je ne dis pas aux juifs, mais à l’Etat israélien et surtout à Netanyahou, c’est-à-dire à la droite dure, raciste, anti-arabe qui ne veut pas de paix et qui cherche une guerre perpétuelle, car cela l’arrange. Ça, c’est très grave. C’est pour cela que je trouve que le discours européen n’est plus audible dans les banlieues.
Vous avez présenté au dernier Salon du livre magrébin à Paris deux livres
J’ai écrit un roman «Les tribulations du dernier Sijilmassi», paru chez Julliard. J’ai publié un ensemble de textes d’actualité, un recueil de critiques littéraires et un petit livre sur Ibnou Rochd. J’ai publié 4 livres en 2014, c’était une année très productive en ce qui me concerne.
Je remarque dans votre dernier roman une grande présence et un travail sur la culture plus locale qu’universelle. Est-ce un choix conscient?
C’est possible, mais depuis mon premier roman, «Les dents du topographe» même si je réside depuis 25 ans en Europe, 80% de mon travail porte sur le Maroc.
Comment vous qualifiez-vous? Un auteur marocain qui écrit en français ou un auteur qui écrit avec une langue universelle?
Je préfère ne pas être qualifié et dire tout simplement «je suis Fouad Laaroui qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas ».
Mais je vais répondre quand même : je suis un écrivain marocain.
Ça ne vous manque pas d’écrire en arabe sachant qu’il y a des millions de Marocains qui ne lisent pas la langue de Molière?
Je trouve que c’est dommage mais on est tous le produit d’une histoire personnelle. Mon histoire personnelle fait que je m’exprime beaucoup mieux en français qu’en arabe, en anglais ou en néerlandais. Je ne peux pas changer cette trajectoire personnelle, mais j’aimerais souvent être traduit en arabe. Un de mes livres a été traduit en arabe sous le titre «Mahboul» mais c’est dommage qu’il n’y ait pas plus de traduction en arabe. C’est peut-être, me semble-t-il, qu’il n’y a pas de bon éditeur au Maroc. Ceux qui écrivent comme moi, Nedali, Ben Jelloun et les plus jeunes comme Baha Taraboulsi, nous devrions tous être traduits en arabe. Le ministre de la Culture devrait être aidé dans ce sens. Mais c’est dommage, on a un problème d’édition au Maroc.
Fouad Laroui : Il se trouve que le 7 janvier j’étais à Paris et ce qui est extraordinaire, c’est que j’étais à 300 m du siège de Charlie Hebdo dans le 11ème arrondissement. J’étais donc sur le lieu de l’attentat dans les demi-heures qui ont suivi. J’ai participé également à la manifestation du 11 janvier. J’ai donc vécu de très près ces événements. Je peux dire que les premiers jours après les attentats, les Français ont été profondément choqués. Je dirai même déboussolés. Avec les manifestations dans toute la France, il y a eu un sursaut; les Français ont vécu un moment d’unité nationale pour défendre leurs valeurs, en fait toutes les libertés, notamment la liberté de conscience, la liberté d’expression. Il y a deux sentiments, un choc presque de désespoir et d’incompréhension et un choc de sursaut.
Pourquoi cette incompréhension ? Est-ce parce que les auteurs des attentats sont français?
Oui, c’est ce qu’on dit rituellement, le problème est là. C’est assez simple d’avoir un ennemi extérieur, on peut l’identifier et avoir une ligne de front claire, on peut même envisager des négociations avec un ennemi extérieur. Mais quand l’ennemi est en soi … C’est cela qui a beaucoup choqué les Français, le fait de découvrir qu’en France, il y a tout un noyau de la population qui regrette les valeurs de la France, une partie des valeurs qui ont fait la France.
Comment considérez-vous la position d’une grande partie des jeunes Français des banlieues qui ont soutenu après les attentats de Charlie Hebdo «Je ne suis pas Charlie»?
C’est vrai, ils n’ont été que deux à passer à l’acte, mais cette pensée assez diffuse contre certaines valeurs républicaines est très partagée dans les banlieues. Mais d’une certaine façon, on peut comprendre pourquoi. En effet, le discours européen ne passe plus dans les banlieues, mais d’autres discours sur une autre vision du monde dans les banlieues. Il faut dire aussi que les discours européens sur le monde dans les principes sont tout à fait honorables : liberté, égalité, fraternité, démocratie et liberté d’expression, mais dans les faits, on voit que le Congrès américain par exemple soutient tout ce que fait Netanyahou même quand il envoie son armée massacrer femmes et enfants. Quand on voit que François Hollande pendant l’attaque de Gaza en août 2014 a envoyé dans la demi-heure qui a suivi, un message de soutien à Israël, quand on voit ces pratiques, on se dit qu’il y a une différence entre les principes de civilisation européens somme toute honorables et la réalité.
Est-ce qu’on peut dire que Huntington a raison : on est deux mondes qui ne se comprennent pas, ce qu’il a appelé le choc des civilisations?
Je ne suis pas d’accord avec cette histoire de choc des civilisations, mais je suis d’accord avec une phrase que j’ai utilisée il y a longtemps : c’est le choc des ignorances. C’est-à-dire on ne comprend même pas qui est l’Autre, on ne cherche même pas à comprendre celui qui est en face de nous, c’est le choc des ignorances. Il y a aussi ce que fait le Congrès américain ainsi que les droites en Europe et leur soutien aveugle, je ne dis pas aux juifs, mais à l’Etat israélien et surtout à Netanyahou, c’est-à-dire à la droite dure, raciste, anti-arabe qui ne veut pas de paix et qui cherche une guerre perpétuelle, car cela l’arrange. Ça, c’est très grave. C’est pour cela que je trouve que le discours européen n’est plus audible dans les banlieues.
Vous avez présenté au dernier Salon du livre magrébin à Paris deux livres
J’ai écrit un roman «Les tribulations du dernier Sijilmassi», paru chez Julliard. J’ai publié un ensemble de textes d’actualité, un recueil de critiques littéraires et un petit livre sur Ibnou Rochd. J’ai publié 4 livres en 2014, c’était une année très productive en ce qui me concerne.
Je remarque dans votre dernier roman une grande présence et un travail sur la culture plus locale qu’universelle. Est-ce un choix conscient?
C’est possible, mais depuis mon premier roman, «Les dents du topographe» même si je réside depuis 25 ans en Europe, 80% de mon travail porte sur le Maroc.
Comment vous qualifiez-vous? Un auteur marocain qui écrit en français ou un auteur qui écrit avec une langue universelle?
Je préfère ne pas être qualifié et dire tout simplement «je suis Fouad Laaroui qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas ».
Mais je vais répondre quand même : je suis un écrivain marocain.
Ça ne vous manque pas d’écrire en arabe sachant qu’il y a des millions de Marocains qui ne lisent pas la langue de Molière?
Je trouve que c’est dommage mais on est tous le produit d’une histoire personnelle. Mon histoire personnelle fait que je m’exprime beaucoup mieux en français qu’en arabe, en anglais ou en néerlandais. Je ne peux pas changer cette trajectoire personnelle, mais j’aimerais souvent être traduit en arabe. Un de mes livres a été traduit en arabe sous le titre «Mahboul» mais c’est dommage qu’il n’y ait pas plus de traduction en arabe. C’est peut-être, me semble-t-il, qu’il n’y a pas de bon éditeur au Maroc. Ceux qui écrivent comme moi, Nedali, Ben Jelloun et les plus jeunes comme Baha Taraboulsi, nous devrions tous être traduits en arabe. Le ministre de la Culture devrait être aidé dans ce sens. Mais c’est dommage, on a un problème d’édition au Maroc.