
Ce film retrace le parcours d’un jeune Marocain à la recherche des traces de son père, émigré travailleur dans les mines de charbon du Nord de la France, recruté sous l’ère de Félix Mora, surnommé « le négrier des temps modernes ».
Le documentaire dresse un portrait intime et humain de ce père orphelin et berger, profondément aimé au sein de sa tribu, mais contraint un jour de quitter son foyer pour gagner la France et travailler comme mineur. A travers les récits précieux de ses amis et compagnons de route à l’étranger, Hassan Elouazguini met en lumière un homme poli, élégant et généreux, fier de ses origines et fidèle à sa famille malgré l’exil. Ce père n’a jamais exprimé ouvertement ses souffrances ou ses peines, préférant garder dignité et résilience face aux difficultés, soutenant ses proches avec force et amour.
Toutefois, derrière cette image empreinte de noblesse se cache une réalité dure et sombre : celle d’un système d’exploitation impitoyable, marqué par des pratiques discriminatoires et racistes. Le documentaire révèle ainsi les conditions difficiles auxquelles furent soumis ces mineurs marocains, proies d’un système économique fondé sur le travail épuisant de travailleurs déracinés, souvent humiliés et privés de leurs droits fondamentaux.
Intervenant à la suite de la projection, Hassan Bentaleb, journaliste et chercheur spécialiste des migrations, a retracé cette histoire méconnue des ouvriers marocains recrutés à partir des années 1960 pour travailler dans les houillères du Nord-Pas-de-Calais. Il a qualifié ce système d’exploitation «à la limite de l’esclavagisme moderne», dans lequel la prospérité de l’industrie charbonnière reposait sur le sacrifice et la souffrance de ces hommes courageux mais marginalisés.
Hassan Bentaleb a également souligné que pendant des décennies, ces travailleurs marocains ont été privés de droits égaux à ceux de leurs homologues européens. Ils souffraient notamment de conditions de logement déplorables, de l’absence de chauffage adéquat, et d’un racisme institutionnel qui renforçait leur exclusion sociale.
La projection de Sud à Dinor s’est imposée comme un moment fort du Festival Iminig, combinant mémoire historique et réflexion contemporaine sur les migrations, les inégalités sociales et la dignité humaine. A travers cette œuvre, le festival invite son audience à ne pas oublier ces parcours douloureux qui ont pourtant contribué à bâtir des ponts entre le Maroc et l’Europe, et qui continuent d’influencer les dynamiques migratoires actuelles.
En ramenant à la lumière ces récits souvent passés sous silence, le documentaire appelle à une reconnaissance juste et humaine de ces générations de travailleurs qui ont tant donné, sans toujours recevoir en retour la justice et le respect qui leur étaient dus.
Driss Serhan