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Errer n’est autre que la condition fondamentale de l’être humain. L’errance est synonyme de son existence. Il erre plusieurs fois dans sa vie, depuis sa conception jusqu’à sa mort. Il erre dans l’utérus de sa mère avant de vivre la grande errance qui commence justement par sa séparation du corps de celle-ci pour affronter, seul, l’air de la réalité labyrinthique du monde. Si l’errance a une connotation tragique dans l’inconscient collectif humain, elle peut toutefois avoir une autre connotation plus joyeuse et plus enthousiasmante. En effet, l’errance compose avec le voyage et ses mystères ; elle compose avec le dynamisme de l’enfance et ses secrets ; elle compose avec le départ et ses énigmes ; elle compose avec le changement et ses airs. L’errance est une expérience qui met l’être face à lui-même. Elle lui rappelle son origine première : une entité qui s’abandonne pour se retrouver. L’errance est donc poésie dès lors qu’elle émane d’une nostalgie enfouie dans le for intérieur de l’être. Celui-ci erre à la conquête de ses traces initiales qui le définissent ontologiquement. Anthropologiquement, l’errance aide à connaître l’autre, sa culture et sa nature. L’anthropologie dans cette optique peut passer pour l’art de l’errance en ceci qu’elle permet aux anthropologues de saisir la particularité de l’autre. Elle est une ouverture sur le divers et l’exotique, sur l’ailleurs et le dehors. L’errance traduit également une expérience mystique qui se tisse entre l’être et le monde. L’errance est méditation, spéculation et exploration du désert de l’âme. L’errance dans son sens existentiel s’accompagne du silence, elle se contente du voir, sentir, goûter, toucher et ouïr. Elle éveille les sens et épanouit les cœurs. L’esthétique de l’errance se fonde sur le plaisir de l’errance. L’être erre non seulement pour vaincre sa solitude ontologique, mais plutôt et surtout pour se rencontrer à travers la rencontre de l’autre. Ainsi, la quête du métaphysiquement autre, de l’invisible, commence-elle chez l’être à partir du moment où il a peur du « rien » comme forme d’impasse ontologique. Le métaphysique permet à l’être de s’ouvrir sur le dehors comme horizon de possible. Force est de constater, par la suite, que le métaphysiquement correct demeure l’ « il y a », c’est-à-dire la possibilité de l’existence d’un « derrière » assurant au même confiance et sécurité. Ce derrière, ce dehors, cet « il y a » sont la trace de l’autre dans le monde. Sa trace conçue comme différence et comme suite dans le temps et dans l’espace de l’expérience de l’existence du même. Tout se passe comme s’il s’agissait dans ce sens d’une quête mystique de ce monde sibyllin, insolite et mystérieux que représente l’altérité pour l’imaginaire du même : extériorité, exotisme, expérience de l’extrême. Métaphore du possible, l’errance participe de la structuration/re-structuration du monde du même comme pour le sauver de son individualité et de son solipsisme. Sans cet « il y a », sans cette part du métaphysique altéritaire, la vie du même serait tellement vide, tellement monotone et tellement tragique qu’il se devrait, pour survivre, de créer l’autre, son double, son dehors. Le métaphysique que promet l’esthétique de l’errance comme style du vivre ensemble serait l’à venir en- devenir vainquant le caractère temporel et éphémère de l’individualité pour instaurer le caractère spirituel et éternel de la dualité. Lieu métaphysique tant désiré, l’errance est désormais à l’image d’une autre planète et d’un autre continent renfermant d’autres traditions, d’autres pratiques, d’autres rituels, d’autres modes de penser et de vivre, d’autres valeurs et d’autres métaphores structurellement différentes de celles du même. Le besoin de l’errance s’explique spontanément par le désir de la rencontre de l’être spécifiquement autre de l’autre : son visage, son regard, son sourire, sa langue, sa cuisine, ses pratiques patrimoniales. Telle est l’aventure d’accueillir le métaphysiquement désiré ; telle est l’aventure d’adopter l’énergie de l’extérieur pour purifier celle de l’intérieur. L’errance équilibre l’errance. Elle vainc l’erreur d’être statique, et programme le bonheur d’être en mouvement. L’errance guérit de l’errance…