Fenêtre... : Atteindre l’Age de l’Histoire


Atmane Bissani
Jeudi 3 Mars 2011

Suite aux événements de contestations qui traversent l’entièreté du monde arabe en ce moment décisif de son histoire, peut-on dire que ce monde a enfin atteint l’âge de l’Histoire ? Peut-on dire que l’histoire du monde arabe est entrain de s’écrire en bonne et due forme ? Il faut distinguer de prime abord entre ce qu’on pourra appeler, d’une part, la grande histoire, c’est-à-dire l’entrée à l’âge de la modernité et, de l’autre, la petite histoire, c’est-à-dire l’histoire relative aux événements particuliers et spécifiques que vit une société par rapport à une autre. Il s’agit, en d’autres termes, de l’histoire du mouvement et de l’histoire tranquille, sauf que l’histoire du mouvement secoue subrepticement le joug de l’histoire tranquille afin de la façonner. L’histoire chemine. L’histoire n’attend pas les retardataires. L’histoire ne fait pas de cadeaux. L’histoire n’opte jamais pour la facilité : elle choque. Nombreuses sont les causes qui ont privé le monde arabe de jouer un rôle fondamental dans la dynamique de son histoire. Le retard historique qui a pour longtemps gagné le terrain dans monde arabe, la léthargie scandaleuse qui a perduré aussi longtemps que la mort dans ce monde-ci, le remplacement  impensé du respect du chef d’Etat par sa crainte et l’oppression abusive que les peuples arabes ont subit il y a des lustres constituent une réelle plate forme de soulèvement populaire. Il est on ne peut plus clair que les contestations que connaît le monde arabe sont cautionnées par des jeunes instruits. Cela veut dire que la jeunesse est consciente du rôle de l’histoire. C’est par un travail de comparaison avec ce qui se passe dans les autres pays du monde que la jeunesse du monde arabe a réagi. La réaction de la jeunesse du monde arabe est un appel, une invitation, un cri qui se résume en un seul mot : « Ça suffit ! Basta ! It’s enough !» Le slogan, la volonté et l’espoir sont les mêmes dans un monde en effervescence. La jeunesse du monde arabe a l’espoir de vivre sous la lumière réfléchie de la grande Histoire. Elle a l’espoir de connaître le sens de la modernité comme théorie et comme pratique. Elle a l’espoir de vivre la démocratie, la liberté de pensée et d’expression, la justice, l’égalité des chances. Cette jeunesse a horreur de continuer de vivre dans une logique tribale qui fait valoir l’« avoir » au détriment de l’« être.» Cette jeunesse est consciente que l’« avoir » ne peut jamais faire l’« être », et que seul l’ « être » est habilité à faire l’« avoir.» Quant la conscience est historique ses résultats sont certainement progressistes. Les temps ont changé, les mentalités le doivent forcément. Personne ne veut la guerre, personne n’aspire à la violence, mais tout le monde veut sa dignité. « Le peule veut » a résonné dans tous les pays du monde arabe. C’est bien là la « volonté » du peuple qui regagne beaucoup d’intérêt après avoir été pour longtemps mise en quarantaine. « Le peuple veut » traduit une dynamique hors pair dans le contexte du monde arabe. Il est ici question d’une volonté de puissance qui retrace le cheminement d’un être arabe considéré pour toujours comme surnuméraire et laissé pour compte. L’être de la grande histoire a un regard-autre et une vision du monde tout à fait différente de celle de ses prédécesseurs. Il se saisit à partir de sa fusion dans son groupe. Il a les yeux grands ouverts sur le dehors, il suit ce qui se passe de par le monde entier et nourrit l’espoir de pouvoir vivre dignement. « Le peuple veut » marque désormais une rupture historique entre le passé des pays arabes fondé sur le « faire avec » et le présent fondé sur le « partage égal» de la fortune et du pouvoir. L’avenir du monde arabe est inhérent à la place qu’occupe sa jeunesse dans les paysages politique, social, économique et culturel. Le temps des grandes révisions est déjà là, le temps de la nonchalance n’est plus. L’Histoire donne volontiers rendez-vous à ceux qui y croient, quant aux autres, elle ne fait que les surpasser en leur jetant un regard empli de mépris et de dénigrement. Abdellah Laroui le dit dans « Esquisses historiques » : « L’histoire, au sens strict commence avec la critique du récit.» N’est-il pas temps que les pays arabes revoient leurs récits et entreprennent la réécriture de leur histoire ? N’est-il pas temps de laisser l’histoire jaillir de la non histoire ? Oui. Le peuple veut atteindre dignement l’Age de l’Histoire…


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