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Entre les Marocains et l’huile d’olive, une longue histoire d’amour

L’olivier, cet arbre béni qui devrait profiter beaucoup plus à l’économie nationale

Il y a cependant tant de pièges
à éviter


Chady Chaabi
Samedi 23 Novembre 2019

En cette période de l’année, il n’est pas rare de croiser des hommes flânant dans les artères des grandes métropoles marocaines avec, dans les mains, des bidons d’un liquide vert qu’ils proposent aux passants. Ce même liquide occupe  aussi une place privilégiée sur les étals des échoppes de quartiers. Vous l’aurez certainement deviné, c’est de l’huile d’olive qu’il s’agit.
Les Marocains et l’huile d’olive, c’est une histoire d’amour qui dure depuis toujours et ne risque certainement pas de s’estomper. Bien au contraire. Sa consommation ne cesse d’augmenter. Reconnue pour ses bienfaits dans le monde entier, elle détiendrait le secret de la longévité en contribuant, entre autres, à la prévention des maladies cardiaques, des AVC et de la démence, ainsi que des cancers du sein, des voies respiratoires et du tube digestif supérieur. Incontournable donc et omniprésente dans les cuisines marocaines, l’huile d’olive est un véritable partenaire santé.
Bien qu’il soit facile de s’en procurer, il faut avouer qu’il est, en revanche, de plus en plus probable de se faire arnaquer au moment de l’acheter. Les vendeurs sans scrupules sont légion. Cette année, à cause d’une production qui a souffert d’une pluviométrie défavorable, le prix est compris entre 40 et 45 DH le litre à Béni Mellal et sa région. En partant du principe que le consommateur marocain a pour habitude d’en acheter par dizaines, il serait vraiment fâcheux de se faire avoir. Pour vous éviter une telle mésaventure, nous avons rencontré un oléiculteur chevronné de la région de Béni Mellal dont l’huile d’olive est connue pour son goût fruité, original et atypique.            
Agriculteur de père en fils, avant de se spécialiser dans la production de l’huile d’olive, Chafiki Saoudi a bien voulu nous conseiller pour éviter de se faire avoir.

Conseil n°1 :
Ne pas acheter lors du premier
mois qui suit la récolte

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’huile d’olive issue des premières triturations ne serait pas très saine. Autrement dit, celle vendue en ce moment même. Les olives y sont pour quelque chose au même titre que les machines utilisées et notamment leur entretien. «Tout d’abord, les olives récoltées en premier n’ont pas encore atteint le niveau de maturation idoine», nous explique Saoudi. Et d’enchaîner : « Ensuite, il faut savoir que les systèmes mécaniques utilisés ne fonctionnent que trois mois par an. Après la fin de cette période (de fin octobre à fin décembre), les machines ne sont pas automatiquement nettoyées, notamment le moulinier, le broyeur, le décanteur séparateur horizontal et la centrifugeuse. Il y reste forcément des résidus dont la dangerosité s’accroît mois après mois. Sans oublier les résidus de rouille qui s’accumulent eux aussi à l’intérieur des machines. Autant de microbes qui sont souvent évacués dans les premières triturations de l’année suivante». Autrement dit, il est préférable d’attendre le début du dernier mois de l’année pour s’offrir son stock d’huile d’olive. Cela dit, il convient de noter qu’il existe des huileries modernes qui ne lésinent pas sur les moyens pour entretenir leurs machines tout au long de l’année. Mais comment faire la différence ? Du coup, vaut mieux éviter tout risque et attendre quelques semaines.  

Conseil n°2 :
La couleur n’est pas
un gage de pureté

Nous adressons nos excuses à tous les frimeurs qui pensent reconnaître une huile d’olive pure uniquement en la regardant. Non messieurs les pseudo-experts, la couleur n’est pas un indicateur fiable. Et pour cause, selon notre interlocuteur, il existe des produits qui permettent non seulement de reproduire avec perfection la couleur de l’huile d’olive mais aussi de lui donner l’odeur et le goût. Alors pour en avoir le cœur net, Saoudi nous conseille d’effectuer l’expérience suivante : « Prenez un bidon de 5l d’huile d’olive. Mélangez-la énergiquement, puis versez-en un litre dans un récipient que vous allez glisser en position verticale dans votre réfrigérateur pendant une bonne heure. Si l’huile d’olive est mélangée avec de l’huile  végétale, comme c’est souvent le cas, cette dernière va monter en haut de la bouteille tandis que l’huile d’olive restera en bas. Sous des températures négatives, l’huile d’olive se congèle contrairement à l’huile végétale». Si vous êtes dans l’incapacité de réaliser cette expérience et que vous avez uniquement la possibilité de goûter l’huile avant de l’acheter, il y a une astuce pour laquelle vous aurez recours à votre palais. Quand vous allez manger un bout de pain trompé dans l’huile d’olive, outre l’odeur et le goût d’olive qui doivent être évidemment présents, il faut aussi faire attention à la salive. S’il vous reste de la salive lisse dans la bouche, cela est révélateur d’une huile d’olive impure.  

Chafiki Saoudi
Chafiki Saoudi
Conseil n°3 : Vous pouvez la conserver pendant des années
A ce propos, on entend tout et son contraire. Certains affirment que l’huile d’olive ne peut être conservée plus d’une année, tandis que d’autres assurent que si. Qui croire ? D’après notre interlocuteur, l’huile d’olive peut effectivement être conservée jusqu’à cinq ans mais sous certaines conditions.« Il faut tout d’abord la mettre dans un récipient opaque à la lumière et de préférence d’une couleur sombre. Ensuite, la stocker dans un endroit frais et sec à l’abri des rayons du soleil », nous indique-t-il. Autre élément important, au moment d’en prélever une partie pour la consommation d’un mois ou deux, il faut impérativement penser à bien mélanger le tout afin de ne pas se priver de toutes les composantes de l’huile, dont les plus lourdes sont attirées par le fond.
Notre discussion avec Saoudi ne s’est pas arrêtée là. La question du sort des déchets post-production a également été abordée. Nous avons, d’une part, été surpris d’apprendre que l’un des déchets surnommé Al Fitour est revendu à des usines de la région Fès-Meknès qui en font du savon ou de l’huile végétale. D’autre part, on a senti notre interlocuteur révolté quand il nous a expliqué que le Marjane, initialement stocké dans une fosse couverte d’une vingtaine de mètres de profondeur, est jeté dans les poubelles ou bien tout bonnement déversé dans les cours d’eau du fleuve quand la fosse est pleine. Une déplorable habitude qui doit impérativement être pour le coup jetée aux oubliettes tant son impact sur l’environnement est désastreux.    

La filière oléicole au Maroc en chiffres

S’étendant sur une superficie de 784.000 hectares, les exploitations nationales totalisent une production de l’ordre de 1.500.000 tonnes d’olives.
La filière oléicole contribue à hauteur de 5% au PIB agricole national.
La principale variété produite est la «picholine marocaine» à hauteur de 96 % des plantations.
La région Fès-Meknès concentre 60% des capacités de trituration.
La filière a créé plus de 50 millions journées de travail en 2018.
On compte 565 unités modernes et semi-modernes d’une capacité de 865 tonnes par heure. Plus  de 15.257 «maâsra» traditionnelles dont 1.180 améliorées.
La production d’huile d’olive au Maroc a augmenté de plus de 70% en l’espace de vingt-cinq ans, passant de 36.000 tonnes en 1990-1991 à 120.000 tonnes en 2014-2015. En 2018, elle aurait atteint 200.000 tonnes.
L’objectif, en 2020, est d’atteindre une production de 2,5 millions de tonnes d’olives.

 

L’accroissement des superficies oléicoles dominé par le Bour


En termes de superficie et pour atteindre la production cible de 2,5 millions de tonnes en olive. Un programme d'extension des plantations et d’amélioration des performances des oliveraies existantes sur une superficie de l’ordre de 1.220.000 ha à l’horizon 2020 a été prévu. L’évaluation du bilan des réalisations en matière d’extension des superficies oléicoles a permis de constater un accroissement de près de 32% (247.000 ha) en passant de 773.000 ha en 2008/2009 à 1.020.570 ha en 2016/2017, atteignant ainsi près de 84% de l’objectif escompté. Toutefois, tenant compte du mode de conduite (Irrigué ou Bour), il s’avère que cet accroissement est porté davantage par les superficies plantées en Bour qui ont constitué une part de 86% avec une superficie de 212.880 ha contre 14% seulement pour le système irrigué avec une superficie de 34.910 ha. Il est à noter que la superficie oléicole totale en 2016/2017 est composée de 64 % en Bour et de 36% en irrigué. Cette tendance, expliquée principalement par l’accélération de la réalisation des projets pilier II qui concernent essentiellement des zones Bour, impacte négativement les rendements qui demeurent toujours en deçà de l’objectif ciblé à l’horizon 2020.
Source : Cour des comptes

 

Evolution fluctuante de la production et des rendements


La production nationale des olives a atteint 1,56 million de tonnes en 2017/2018, soit près de 62,4% de la production ciblée à l’horizon 2020 qui est de l’ordre de 2,5 millions de tonnes.  Cependant, cette production connaît des fluctuations interannuelles importantes en raison de l’alternance des oliviers, de l’irrégularité des précipitations et du manque d’entretien des vergers conduits en Bour qui affectent la productivité. La production moyenne enregistrée entre 2008/2009 et 2017/2018 est de l’ordre de 1,3 million de tonnes, soit 54% de la cible précitée. Outre cette fluctuation, il a été constaté que des flux importants de cette production ne sont pas maîtrisés, cela est dû à plusieurs facteurs, notamment les circuits d’approvisionnement non organisés. Ces flux sont estimés par la Direction de la stratégie et des statistiques (DSS) à 1,9 million de tonnes durant les campagnes 2008/2009 à 2017/2018, soit en moyenne 189.000 t par campagne. S’agissant des rendements, et malgré les efforts déployés pour améliorer la productivité et la production oléicoles, le rendement moyen entre 2008/2009 et 2017/2018 n’a pas dépassé 1,4 t/ha et reste en deçà de l’objectif de 2t/ha fixé à l’horizon 2020. De plus, à l’instar de la production, ce rendement connaît également une fluctuation d’une année à l’autre (oscillant entre 1 et 1,8 t/ha).
Source : Cour des comptes

 


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