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Fruit d'un travail de 25 ans, proche du combat militant, cette école élémentaire publique, unique en son genre en France, reçoit de plus en plus de demandes d'inscription pour ses classes de sourds, en provenance des quatre coins du pays et même de Belgique.
L'école est contrainte de refuser des candidatures, sous peine de ne plus pouvoir délivrer un enseignement de qualité. Elle accueillait 40 enfants sourds l'année dernière, 51 cette année.
Depuis sept ans, les enfants sourds qui constituent désormais 25% des effectifs se voient ainsi délivrer un enseignement en langue des signes française (LSF) par des enseignants eux-mêmes sourds.
Les enfants sourds suivent leurs cours dans des classes dédiées et se mélangent le reste du temps aux autres enfants: à la récréation, à la cantine ou lors des activités sportives et culturelles.
"L'intérêt ici, c'est que tout est enseigné en langue des signes, par des professeurs sourds qui peuvent aider les enfants à s'épanouir dans leur langue", explique en langue des signes Brigitte Vivet, 40 ans, déléguée des parents d'élèves sourds.
Ce modèle tranche avec d'autres formes d'enseignement aux sourds, soit dispensé par des entendants qui ont appris la langue des signes, soit fondé sur l'intégration d'élèves sourds dans des classes d'entendants, avec l'aide d'un assistant de vie scolaire.
Selon le directeur de l'école, Stéphane Aiello, la demande croissante témoigne d'un changement de mentalité par rapport à la prise en charge des élèves sourds.
"Il y a les pro-langue des signes et puis ceux qui ont suivi la tendance qui consiste à intégrer des enfants sourds dans des classes entendantes, à les appareiller pour certains parce qu'on veut qu'ils oralisent", rappelle M. Aiello.
"Depuis quelques années, les mentalités ont changé - l'Education nationale certainement aussi - et on a compris qu'il existait une culture sourde, que la langue des signes française était vraiment la langue des sourds et qu'il fallait la favoriser pour que les enfants puissent avoir cette identité d'enfant sourd et puissent se construire", explique-t-il.
Pour Cécilia Vandhuyse, mère entendante de trois enfants sourds, la méthode s'est révélée la plus adaptée. Ce n'est qu'après s'être installés dans la région toulousaine il y a six ans qu'elle et son mari ont appris l'existence de l'école Jean-Jaurès. Echaudés par des expériences difficiles avec ses deux premiers enfants dans d'autres établissements, ils ont décidé d'y inscrire la petite dernière, Arwen, 8 ans.
"Arwen a bénéficié de toute sa scolarité ici, de la maternelle jusque maintenant, et ça a été un épanouissement", explique la maman, évoquant les "blocages" de ses deux plus grands enfants face à la méthode de l'oralisation, qui consiste à enseigner à l'enfant sourd à produire des sons et des mots.
"Ça nous semblait important que notre enfant ait sa langue qui lui soit propre", ajoute-t-elle.
Lorsqu'elle aura fini son cours élémentaire, Arwen pourra poursuivre un enseignement adapté dans le collège André-Malraux, toujours à Ramonville, puis dans un lycée distant de quelques kilomètres seulement, une continuité très appréciée des parents.
La mixité enfants sourds/enfants entendants semble également bien fonctionner, et selon le directeur, les enfants acquièrent progressivement des rudiments de signes à la faveur des temps de récréation.
"Des fois, on joue avec eux. Je sais parler un peu en signes. Ils sont comme nous, à part qu'ils n'entendent pas la musique, alors pour le spectacle de fin d'année, c'est pas facile", explique Amanda, 10 ans.
Devant l'engouement des parents de sourds pour Jean-Jaurès, le directeur appelle de ses voeux la généralisation de cette méthode d'enseignement: "L'idéal serait qu'un peu partout, ce schéma de Ramonville soit appliqué". "Il y a des ébauches" dans plusieurs villes de France, comme Poitiers (centre-ouest), Lyon (centre-est) ou Lille (nord), mais on n'en est qu'au commencement".