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En dix-huit ans, aucune exécution capitale n’a été ordonnée au Maroc : L’interminable agonie de la peine de mort


Nezha MOUNIR
Lundi 10 Octobre 2011

A l’instar des autres pays,  le Maroc célèbre aujourd’hui la  9ème Journée mondiale contre la peine de mort. L’occasion de permettre à tout un chacun de marquer un temps d’arrêt afin de dévoiler l’inhumanité et toute l’atrocité que revêt une telle pratique. Cette peine existe bel et bien dans notre arsenal juridique mais il y a parfois une volonté tacite de ne pas l’appliquer. Lors du procès d’Argana, la défense des parties civiles s’est prononcée contre l’application de la peine capitale à l’encontre des mis en cause et a plaidé la perpétuité. Ce qui cadre avec l’évolution du Maroc concernant cette épineuse question.
Ainsi entre 1956 et 1994, 198 personnes ont été condamnées à mort et fusillées avec une interruption de 11 ans entre janvier 1982 et août 1993, date de la dernière exécution.
Fin 2006, dans les couloirs de la mort, on comptait 129 condamnés. En 2011 on évalue à un peu moins de 140 condamnés à mort dans les prisons marocaines, notamment celle de Kénitra.
L’Instance équité et réconciliation a de son côté évalué à 528 le nombre de personnes exécutées légalement ou non durant les années de plomb. Pour leur part, les grâces Royales ont été l’occasion de commuer certaines condamnations à la peine capitale en prison à perpétuité. Ainsi le 18 novembre 2005, à l’occasion du 50ème anniversaire du retour d’exil de Feu S.M. Mohammed V, S.M. le Roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 10.000 personnes, dont 5000 ont été relâchées, tandis que les autres ont vu leur sentence réduite. Parmi les réductions de peine, 25 condamnations à mort ont été commuées en prison à vie. Par ailleurs, en  juillet 2009 et à  l’occasion du 10ème anniversaire du règne de S.M le Roi Mohammed VI, une grâce Royale a bénéficié à 24.865 détenus au Maroc. Parmi les bénéficiaires de cette grâce, 32 condamnés à mort ont vu leur peine commuée en prison à perpétuité. Enfin, en avril 2011 et pour faire suite à un mémorandum du Conseil national des droits de l’Homme, S.M. le Roi a accordé sa grâce à 190 détenus. Parmi eux, cinq condamnés à mort ont vu leur peine commuée en emprisonnement. Ce qui relève d’une volonté indéniable de ne pas laisser appliquer cette sentence extrême. Pourtant, une panoplie de dispositions  de l’arsenal pénal nous rappelle que le Maroc demeure malgré tout adepte de l’application de cette peine.
Ainsi, l’article 16 du Code pénal marocain prévoit la peine de mort par fusillade pour l’homicide aggravé, la torture, le vol à main armée, l’incendie criminel, la trahison, la désertion, et enfin l’attentat à la vie du Roi. Mais en tout, le nombre de crimes passibles de la peine de mort est tellement élevé que les juristes ne s’entendent pas sur leur nombre. Pour certains, il y aurait 361 cas recensés où la sentence peut aller jusqu’à la mort, alors que le chiffre s’élève à 866 ; voire à 1176 selon d’autres.Par ailleurs en mai 2003, suite aux attentats de Casablanca, le Maroc a adopté une loi anti-terroriste qui a augmenté le nombre de crimes passibles de la peine de mort. En décembre 2006, deux hommes ont ainsi été condamnés à mort pour des crimes liés au terrorisme. Alors qu’en août 2005, plus de 900 personnes étaient emprisonnées pour des crimes liés au terrorisme, dont 17 avaient été condamnées à mort. Le terrorisme semble donc aujourd’hui être l’un des obstacles à l’abolition de la peine de mort au Maroc. Mais au-delà de ces chiffres, on constate que les juges marocains prononcent la peine de mort avec une relative retenue.
Il est à rappeler que la dernière exécution remonte à 1993. Le commissaire Tabit, chef des renseignements généraux à Casablanca, était accusé d’avoir violé des centaines de jeunes filles. Depuis lors, le Maroc observe un moratoire. Quant à la société civile, elle s’est fortement engagée pour sa part dans le combat pour l’abolition de la peine capitale. Ainsi, le 10 octobre 2003, Journée mondiale contre la peine de mort, est née la Coalition marocaine contre la peine de mort, qui regroupe plusieurs associations phare de la société civile marocaine. Elle a permis que le débat sur la peine de mort soit mis sur la place publique et largement relayé par les médias.  
 Côté politique, des avancées marquantes ont été engagées. En août 2003, le ministre marocain de la Justice déclarait : « Je serais parmi ceux qui applaudiront quand la peine de mort sera abrogée au Maroc ». En 2005, le ministre a confirmé sa position, lorsqu’il a été interpellé par une députée sur la question. Il s’est alors prononcé pour une abolition par étapes, en avançant que la société marocaine n’était pas encore prête à franchir le pas. Plusieurs partis politiques se sont également déclarés favorables à l’abolition de la peine de mort notamment le Front des forces démocratiques, qui a présenté un projet de loi abolitionniste, et  l’USFP qui s’est prononcé pour l’abolition le 10 novembre 2006.
Force est de constater que s’il y a une réelle volonté politique, le pas  vers une abolition de ladite peine sera vite franchi. L’Histoire nous l’a bien montré dans d’autres domaines. Déjà la nouvelle Constitution instaure le droit à la vie mais ce n’est pas suffisant. Une réforme plus profonde nécessite la refonte de tous les textes répressifs, à savoir le code pénal, le code de la procédure pénale…mais le volet technique en lui-même n’est pas complexe. Nous rejoindrons ainsi le rang des pays qui ont rendu à leur justice un visage humain. Mais ne dit-on pas à juste titre que quand on veut on peut.


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