Le pavé dans la mare que vient de jeter le secrétaire général du syndicat représentant lesdits employés (F.P.T) réussira-t-il à sortir les différents responsables de leur léthargie ? El Houcine Karim vient, en effet, d’alerter le directeur de la Caisse nationale de sécurité sociale par une lettre qui en dit long sur le martyre vécu au quotidien par cette catégorie de personnel.
D’emblée, des chiffres poignants dans cette lettre dont une copie a été adressée au chef du gouvernement, himself. Ils seraient quelque 600.000 à servir dans les établissements précités. Mais seuls 200.000 d’entre eux, rappelle le dirigeant syndical, sont déclarés auprès de la CNSS qui se doit de veiller à l’affiliation des employés, mais aussi à leur protection sociale comme elle est tenue, de ce fait, d’assurer suivi et contrôle et, le cas échéant, de prendre les sanctions qui s’imposent.
Comment peut-on aujourd’hui concevoir que des salariés se trouvent dans l’obligation de trimer plus de douze heures par jour pour des prunes. Et sans qu’ils disposent du moindre document attestant de leur situation d’employés. Souvent, ils sont payés à la journée, si l’on peut appeler, 50 dirhams quand ce n’est pas moins, un salaire.
Zahra, une veuve la soixantaine, commence sa journée dans un bistrot casablancais à 9 heures. Elle est coincée jusqu’à 17 heures dans un petit espace servant de … cuisine. Son boulot consiste à concocter des « tapas », généralement à base de féculents, de poissons bon marché ou quelques salades sommaires …
Quand il lui arrive de quitter son coin, c’est parce qu’elle est sollicitée pour … nettoyer les toilettes rendues impraticables par la faute d’un client trop plein. Zahra reçoit toutefois sa « paie » avant de partir : 20 dirhams. En tout et pour tout. Elle ne se lamente pas, Zahra. Elle se consume de l’intérieur. Elle dépérit à vue d’œil. Saluons au passage l’irresponsabilité des responsables.
Tant de témoignages aussi saisissants les uns que les autres. Nadia est pour ainsi dire serveuse ou barmaid. Cela dépend de l’humeur du jour du gérant. Au fait, elle est bonne à tout faire. « Sept jours sur sept, je me pointe à 10 heures du matin. Là je commence la mise en place. Je fais le compte de la marchandise du jour que je dois m’établir à écouler, du derrière le comptoir ou dans la salle. Quand j’ai à gérer les deux, c’est tout simplement invivable… ». La dure besogne prend fin à 1 heure du matin. Il faut ranger avant de rentrer. Le gérant est « large ». Là, la paie est à la semaine : 700 dirhams. Tant que ça ! « A vrai dire, je ne sais pas qui paie l’autre. Il oblige les employés à partager avec lui les pourboires de la journée. Je ne sais pas trop si c’est moi qui le paie ou si c’est lui».
Sept jours sur sept et seize longues heures par jour. Heureusement qu’il y a le congé annuel. Et ce n’est pas par hasard qu’il coïncide avec le Ramadan. Et il ne faut surtout pas parler de congé payé ! Une sacro-sainte règle qui s’applique également au repos imposé par les fêtes religieuses.
Quid des commissions de contrôle évoquées dans la lettre d’El Houcine Karim ? La réalité est là. Criante. Déplorable …
La discrétion est une condition sine qua non à l’efficacité de tout contrôle qui se respecte. S’amener tambour battant et crier sur les toits que l’on est là pour contrôler ne mène à rien.
Les patrons et autres gérants peu scrupuleux mettent hors de vue de la fameuse commission les employés non déclarés, le temps d’un contrôle qui n’en est pas un. Comme ça, tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil !
Cela ne s’applique pas qu’à certaines commissions (nous nous gardons bien sûr de généraliser) dépendant de la CNSS.
Il n’est sûrement pas évident de comprendre pourquoi une commission dite d’hygiène par exemple surgit de manière impromptue, on va dire, pour se diriger vers l’espace de fortune baptisé abusivement cuisine et en sortir au bout de quelques minutes en compagnie du patron, un large sourire d’une satisfaction insoupçonnée aux lèvres.
Qu’on se le dise : les textes, si beaux soient-ils, sont condamnés à rester lettre morte, si le reste ne suit pas.
Et quitte à se répéter, il s’agit là de crimes abjects perpétrés en permanence à l’encontre de citoyens privés tout bonnement, tout bêtement de leur citoyenneté.
Des cas de suicide par-ci, par-là sont rappelés dans la lettre précitée. Et si ailleurs, l’on parle de burn out, ce serait là un euphémisme de ce côté-ci. Tellement la situation est déplorable. Invivable.
Depuis le 1er juillet 2019, le SMIG horaire est de 14,13 DH/heure.
Ce montant passera à 14,81 DH à partir du 1er juillet 2020.
Pourboires
La note circulaire de la CNSS relative à l’assiette des cotisations adoptée en application du Dahir portant loi n°1-72-184 du 27 juillet 1972 relatif au régime de sécurité sociale tel qu’il a été modifié et complété et à la résolution n°16/2004 du conseil d’administration de ladite caisse dispose qu’en vertu de l’article 19 du Dahir précité, les pourboires versés aux personnels des cafés, restaurants, établissements hôteliers et résidences non classés et établissements commerciaux, sont soumis à cotisation» et que «la rémunération soumise à cotisation au sens des dispositions de la loi 65-99 relative au Code du travail (pourboires seulement ou pourboires en sus d’une rémunération de base), ne peut être inférieure au SMIG pour chacun des salariés travaillant en contact avec la clientèle ».
Durée légale du travail
Conformément aux obligations internationales, le législateur a adopté plusieurs lois et réglementations fixant la durée maximale du travail par jour, par semaine et par an. Pour préserver la santé des salariés, elles posent un certain nombre de limites d’ordre public. Le non-respect d’une de ces limites est considéré comme une infraction pénale.
Ainsi, la loi dispose que les salariés ne peuvent pas travailler plus de 10 heures (de travail effectif) par jour (défini comme une période de 24 heures).
De même, aucun salarié ne peut se voir imposer de travailler plus de 6 jours par semaine et il doit bénéficier d’au moins un jour de repos par semaine.
Ce repos doit durer 24 heures et doit commencer et finir à minuit.
A l’exception du secteur agricole, la durée normale du travail est de deux mille deux cent quatre-vingt-huit (2.288) heures par année ou quarante-quatre (44) heures par semaine. La durée annuelle globale du travail peut être répartie sur l'année selon les besoins de l'entreprise à condition que la durée normale du travail n'excède pas dix heures par jour.
Ces chiffres constituent le seuil au-delà duquel toute heure accomplie est considérée comme une heure supplémentaire et doit donc faire l’objet d’une majoration au moment de sa rémunération.
Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25% si elles sont effectuées entre 6 heures et 21 heures et de 50% si elles sont effectuées entre 21 heures et 6 heures pour les activités non agricoles.
La majoration peut même être portée respectivement à 50% et à 100% si les heures supplémentaires sont effectuées le jour du repos hebdomadaire du salarié, même si un repos compensateur lui est accordé.
L’article 357 du Code du travail stipule que «dans les activités non agricoles, le salaire minimum légal est calculé suivant la valeur déterminée par la réglementation en vigueur. Les pourboires et les accessoires, en espèces ou en nature, entrent en ligne de compte pour l'appréciation du salaire minimum légal. Dans les activités agricoles, les avantages en nature ne sont pas pris en compte pour le calcul du salaire minimum légal.
Pour sa part, l’article 358 dispose que « le salaire minimum légal s'entend de la valeur minimale due au salarié et assurant aux salariés à revenu limité un pouvoir d'achat leur permettant de suivre l'évolution du niveau des prix et de contribuer au développement économique et social ainsi qu'à l'évolution de l'entreprise» et qu’il est calculé dans les activités non agricoles, sur la base de la rémunération versée au salarié pour une heure de travail».
Femmes et travail de nuit
L’article 1er du décret n° 2-04-568 du 29 décembre 2004 fixant les conditions devant être mises en place pour faciliter le travail de nuit des femmes oblige les patrons de celles-ci à «mettre à leur disposition, en cas d’absence de moyens de transport publics, des moyens de transport de leurs lieux de résidence vers le lieu de travail et vice-versa» et de «leur accorder un repos d’au moins une demi-heure après chaque durée de travail continu de quatre heures» et que «la durée de ce repos est comptabilisée dans la durée du travail effectif».
Ledit article impose également de «mettre à leur disposition des moyens de repos».
Repos suite à un travail de nuit
L’article 174 du Code du travail dispose qu’«il doit être accordé aux femmes et aux mineurs, entre deux journées de travail de nuit, un repos dont la durée ne peut être inférieure à onze heures consécutives comprenant obligatoirement la période de travail de nuit telle que fixée à l'article 172» mais que cette durée peut toutefois être réduite à dix heures dans «les établissements auxquels la nécessité impose une activité continue ou saisonnière ou dont le travail s'applique soit à des matières premières, soit à des matières en élaboration, soit à des produits agricoles susceptibles d'altération rapide ».
En cas de circonstances exceptionnelles et lorsque l'établissement ne peut pas bénéficier, en raison de son activité ou de son objet, de la dérogation prévue à l'alinéa précédent, indique l’article 173, « une autorisation exceptionnelle spéciale peut lui être délivrée par l'agent chargé de l'inspection du travail pour lui permettre de bénéficier des dispositions prévues audit alinéa ».