Du champ à l'assiette, environ un tiers des aliments produits au niveau mondial sont perdus. Des fruits abîmés, des épluchures de légumes ou du pain sec... Le gaspillage peut avoir lieu à chaque étape de la vie d'un produit alimentaire de sa phase de production à sa distribution, son stockage ou sa consommation. Près de 1,3 milliard de tonnes, c’est la quantité de denrées alimentaires qui sont jetées chaque année dans le monde entier.Au Maroc, chaque adulte met environ 91 kg de nourriture à la poubelle par an, selon le rapport mondial publié le 4 mars parle Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Un chiffre qui interpelle ! Ce gaspillage est dû certainement au consumérisme qu’a connu la société marocaine ces dernières années, indique Hayat, militante associative. Cette mère de deux enfants explique que cette dérive est causée par des achats trop importants par rapport à la consommation réelle de la famille, ou encore une méconnaissance des techniques de conservation. "La première chose à faire est tout d’abord d’organiser ses repas et son garde-manger. Pensez à faire un “menu" pour quelques jours. Préparé à l’avance, le menu vous permettra de regarder tout d’abord ce dont vous disposez en réserve, pour n’acheter que le nécessaire”, recommande cette femme dotée d’un grand sens d’organisation. Hayat affirme également que le congélateur est l’outil idéal pour lutter contre le gaspillage alimentaire !Elle incite à mettre le surplus dans une boîte hermétique, histoire d’en profiter lors d’un prochain repas. Dans un cake, dans une tarte ou dans un tagine... il y a mille et une façons d’accommoder les restes,souligne cette activiste, indiquant qu’il existe sur la Toile énormément de recettes qui montrent comment on peut donner une 2ème vie au marc de café ou même au pain sec. Si le consommateur est souvent le premier à être pointé du doigt, la question du gaspillage alimentaire concerne en réalité l'ensemble des acteurs et filières de l'alimentation. Pour Samia Sayarh, spécialiste en innovation agroalimentaire, les pertes alimentaires sont présentes dès la production agricole initiale jusqu’au niveau de la consommation finale des ménages. Tous les secteurs de l’agroalimentaire sont concernés, à des étapes de production distinctes, ce qui induit une baisse de la qualité et de la quantité des aliments. "Au niveau de l’exploitation agricole, pendant ou immédiatement après la récolte, nous constatons par exemple des fruits abîmés lors de la cueillette ou du battage, des cultures laissées dans les champs et d’autres éliminées car elles ne répondent pas aux normes de qualité", fait savoir l’experte. Le produit quitte ensuite l’exploitation pour la manutention, le stockage et le transport. Selon Mme Sayarh, certains produits comestibles sont dégradés par les champignons, comme les fraises dans le cas de la conserverie de confiture par exemple, ou en raison d’un mauvais stockage, comme les olives dont les conditions de stockage impactent la qualité de l’huile obtenue par la suite. S’agissant de la transformation industrielle, l’experte donne l’exemple du processus de transformation des conserves végétales comme les petits pois qui génèrent différentes pertes au niveau de la séparation du légume (épluches), du lavage (perte d’eau) et de la machine (perte d’énergie). Les pannes récurrentes des machines gâchent également un important volume de la production, ajoute-t-elle. Pour faire face à ce défi, la spécialiste relève que les techniques de récolte doivent être améliorées, tout en veillant à respecter les conditions de stockage lors du transport des aliments, recommandant aux entreprises d’optimiser le processus de fabrication en matière de temps et d’énergie tout en veillant à la maintenance du matériel utilisé. Une fois le processus terminé, temps au recyclage. Revenons aux petits pois, leurs écosses peuvent par exemple être compostées et transformées en déchets organiques,souligne-t-elle, expliquant que ce procédé, appelé méthanisation agricole, vise à transformer des matières organiques et notamment des déchets organiques (déjections animales, substrats de végétaux) en compost désodorisé ou en biogaz. Détourner des invendus des supermarchés vers l’alimentation animale, méthaniser des fruits et légumes jugés trop moches ou mal calibrés pour en faire de l'énergie...des démarches qui peuvent éviter aux déchets alimentaires d'être incinérés, pratique particulièrement impactante pour l’environnement. Le gaspillage alimentaire représente un gaspillage d’énergie incroyable. D’après le chercheur en développement durable Mohamed Bouadi, on utilise en effet de l’énergie pour produire de la nourriture, la transporter, la conditionner, la vendre, la réfrigérer.Ala fin,si le produit n’est pas consommé, cette énergie serait gaspillée, s’alarme-t-il. Environ 30% des émissions de CO2 dans le monde sont dues à la production de nourriture.En conséquence, chaque fois que l’on jette de la nourriture, c’est du CO2 émis pour rien dans l’atmosphère. Et donc un frein à la lutte contre le réchauffement climatique, alerte le chercheur. Il explique également que les pertes alimentaires impactent non seulement les producteurs et autres parties prenantes de la chaîne de valeur alimentaire, mais induisent aussi des prix plus élevés pour les consommateurs, ce qui, dans les deux cas, affecte la sécurité alimentaire en rendant les denrées moins accessibles aux groupes les plus pauvres et les plus vulnérables. Dans le monde, il y a environ 800 à 900 millions de personnes en situation de sous-nutrition. Et pourtant, ce n'est pas la nourriture qui manque !