Les propos sont choquants et celui qui les a tenus l’est encore plus. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de la promotion et la protection des droits de l'Homme en Algérie (CNCPPDH), appelle à la fermeture des frontières algériennes devant les flux des migrants irréguliers et demandeurs d’asile syriens et africains.
Dans une interview accordée au quotidien arabophone «Al Mihwar Al Yawmi», publiée dimanche dernier, le président de la CNCPPDH a indiqué que le nombre de migrants sur le territoire algérien est devenu inquiétant, ce qui exige l’interdiction d’accès au sol algérien pour tout migrant syrien ou africain ainsi que l’expulsion et le refoulement de tous ceux qui sont en situation irrégulière. A ce propos, il a précisé que plusieurs rapports ont été adressés dernièrement à la présidence de la République, tirant la sonnette d’alarme sur l’augmentation de ces flux qualifiés de phénomène intrus.
Pour Farouk Ksentini, l’Algérie a rempli sa mission au niveau humanitaire mais l’accroissement du flux des migrants pose problème pour le pays qui semble incapable de prendre des mesures dépassant ses moyens. D’après lui, le pays a des «priorités» plus urgentes qui demandent une lutte rigoureuse et ferme contre l’arrivée de ces migrants syriens et africains considérés comme des «assaillants». Des recommandations qui ne semblent pas tomber dans l’oreille d’un sourd puisque l’Algérie, toujours selon le journal «Al Mihwar Al Yawmi», aurait décidé de réduire le délai de prorogation des visas pour les migrants syriens et ceux de nationalités africaines à 45 jours renouvelables contre 3 à 6 mois en vigueur auparavant.
Mais quelle mouche a piqué Farouk Ksentini, président d’un organe institutionnel chargé d’assurer, auprès du gouvernement, un rôle de conseil et de proposition en matière des droits de l’Homme et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques? Le président de la CNCPPDH a l’air, donc, d’oublier que tous les migrants doivent jouir de droits qu’il faut respecter et que la règle générale stipule que ces droits devraient être garantis sans discrimination entre les nationaux et les étrangers. Et que si les Etats sont libres de prendre des mesures pour contrôler l’entrée des non-nationaux et empêcher le franchissement illégal des frontières, ces mesures ne doivent en aucun cas être incompatibles avec les droits de l’Homme. Des obligations stipulées par la Déclaration universelle des droits de l’Homme dans les articles 9 et 13 qui édictent que «Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé … Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays»
Des dispositions que Farouk Ksentini ne semble pas prendre en compte également s’agissant des refugiés. Lui, l’avocat des droits de l’Homme en Algérie, a oublié qu’au niveau de la loi internationale, «toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays». Une amnésie qui en dit long sur la culture de la défense des droits de l’Homme chez les responsables de la CNCPPDH.