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Des diplômes qui ne valent que dalle

Entre autorisation, homologation et accréditation, étudiants et parents ne savent pas trop où donner de la tête


Chady Chaabi
Vendredi 6 Septembre 2019

C’est un bachelier profondément passionné par les métiers de l’audiovisuel. C’est un licencier qui ambitionne d’accéder à un master dans une université publique. C’est une mère qui hésite, se perd et finalement ne sait plus trop quoi penser de toutes les certifications qui sont affichées par les établissements supérieurs privés. Et enfin, c’est un jeune diplômé en licence professionnelle qui regrette amèrement son choix.   
Le premier à renoncer à s’inscrire dans l’un des établissements supérieurs privés qui dispense des licences en audiovisuel de peur que le diplôme décerné ne puisse être admis en équivalence des diplômes nationaux. C’est justement pour cette raison que le second s’est vu refuser l’accès au concours d’accès au master qu’il souhaitait. La maman, quant à elle, est encore et toujours dans le doute face aux promesses de certaines écoles, parfois mensongères et dont les diplômes ne sont toujours pas reconnus. Une amère expérience vécue par le dernier qui a avoué que si c’était à refaire, il ne se serait sûrement pas inscrit dans le même établissement d’enseignement privé.
Face au manque de transparence qui entoure les labels et autres certifications affichés tels des trophées par les établissements supérieurs privés, tout comme le peu de renseignements et les publicités mensongères sur le sujet, nombreux sont les étudiants et autres parents à avoir vu des années d’études et des dizaines de milliers de dirhams partis en fumée, car les diplômes obtenus n’ont pas toujours la valeur qu’on leur prête au moment des inscriptions. Et on les comprend parce qu’il n’est pas toujours facile de s’y retrouver.
Cette situation de flou est tout d’abord engendrée par un amalgame. Non, l’autorisation accordée à un établissement supérieur privé par le ministère de l’Enseignement supérieur n’est pas gage d’équivalence et encore moins d’enseignement de qualité. En réalité, cette autorisation porte uniquement sur la création de l’établissement. Elle est accordée après avis de la commission de coordination de l'enseignement supérieur privé (COCESP) et soumise à une procédure de plusieurs étapes et à un cahier des charges. Si beaucoup de parents et étudiants tombent dans ce piège, c’est parce qu’ils n’ont pas toutes les cartes entre leur main et sont majoritairement convaincus par des discours malhonnêtes. Ensuite, on est également en droit de se poser la question suivante : pourquoi le ministère de tutelle autorise-t-il des écoles à ouvrir sans pour autant accréditer leur filière ?
En effet, d’après le site du ministère de l’Enseignement supérieur, il existe dans le pays 163 établissements supérieurs autorisés. En revanche, pour l’accréditation, c’est une toute autre histoire. Il faut savoir qu’un établissement supérieur privé ne peut être accrédité. C’est plutôt les filières de formation qui y sont dispensées qui le sont. Ainsi sur proposition de la Commission de coordination de l'enseignement supérieur privé (COCESP), un établissement peut voir une ou plusieurs de ses filières accréditées après avoir formulé une demande auprès dudit ministère. C’est une sorte de reconnaissance ou de label de leur qualité accordé pour une durée déterminée après avoir respecté un cahier des charges. Pour plus de détails, 1130 filières sont accréditées dans les 163 établissements autorisés. Certains de ces établissements ont plusieurs filières accréditées tandis que pour d’autres seule une ou deux le sont. Mais dans tous les cas, il convient de souligner que l’équivalence d’un diplôme issu d’une filière accréditée n’est pas systématique. Et son détenteur peut donc voir son dossier d’accès à des concours pour la fonction publique ou bien pour des masters dans des universités d’Etat, tout bonnement refusé, contrairement aux diplômés des établissements d’enseignement supérieur privé qui ont obtenu le certificat de reconnaissance.
Pour vous donner un ordre de grandeur et souligner que la reconnaissance est un précieux sésame, déjà, il n’y a que 28 universités et établissements privés reconnus par l’Etat sur 168 autorisés. Ce qui filtre et restreint considérablement le choix. Ensuite, cette reconnaissance également accordée par la COCESP, est synonyme d’établissement dont l’enseignement est d’un niveau de qualité élevé, répondant aux normes pédagogiques de l’enseignement supérieur et respectant les critères d’éligibilité fixés par le ministère. Les diplômes qu’ils délivrent sont admis de manière systématique en équivalence avec les diplômes nationaux.
Si les élèves et les parents sont dans l’obligation de se renseigner et consulter la liste des établissements reconnus par l’Etat ou dont les filières sont accréditées avant d’arrêter leur choix et de s’inscrire dans tel ou tel établissement d’enseignement supérieur privé, ces derniers doivent eux aussi cesser d’induire en erreur les étudiants et leur famille. Par exemple, il existe plusieurs écoles privées qui n’hésitent pas à afficher en grand la mention “accrédité” sans pour autant donner plus de détails et mentionner combien de ses filières sont accréditées et que l’équivalence de leur diplôme n’est pas systématique. Pourtant, l’article 47 de la loi n° 01-00 portant organisation de l'enseignement supérieur, interdit explicitement aux établissements privés des publicités comportant des renseignements de nature à induire en erreur les élèves ou étudiants et leurs tuteurs sur le niveau culturel et des connaissances requis ainsi que sur la nature des études et leur durée. Pour le coup, c’est une sorte de coup d’épée dans l’eau puisqu’a priori, aucune sanction ne serait prévu dans ce cas. A contrario, une amende allant de cinquante mille à cent mille dirhams est prévue dans la loi n°01-00, pour punir la création d’établissements d'enseignement supérieur privé, sans avoir obtenu l'autorisation, ou leur maintien ouvert après le retrait de celle-ci. Vous l’aurez compris, ce n’est clairement pas assez pour dissuader les écoles supérieures privées de tromper les citoyens et leurs enfants pour quelques deniers.
Ainsi, pour ceux et celles qui n’ont pas encore pris leurs décisions, on vous conseille de visiter le lien suivant https://www.enssup.gov.ma/fr/Page/3704-enseignement-supérieur-privé pour avoir une idée précise sur les établissements ou université autorisés, reconnus ou dont quelques unes ou toutes les filières sont accréditées.
 


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