Définir ce qui doit être défini et choisir ce qui doit être choisi

Contribution d’un jeune au débat


Par Adam Boubel Etudiant en droit, militant de la jeunesse USFP.
Samedi 30 Novembre 2019

Définir ce qui doit être défini et choisir ce qui doit être choisi
En tant qu'étudiant, j'ai appris qu'il fallait toujours définir ce qui devait être défini, et choisir ce qui devait être choisi. Ces deux principes doivent être pris comme étant des principes de vie, pour connaître ce que nous vivons et savoir ce qui doit être utilisé pour transcender ce que nous ne voulons pas vivre. Puisque ce qui détermine notre mode de vie est principalement la politique, alors nous devrions commencer par là pour écarter cette brume qui nous cache le but ultime. Un jour, une personne m'a dit que "la politique n'était pas une fin en soi". Mais quel est alors le but de la politique si ce n'est la politique elle même? Cette question n'avait pas lieu d'être quand les luttes et leurs buts étaient plus clairs: le but de l'Armée de libération marocaine était la libération du Maroc, tout comme le but du Parti de l'Istiqlal était l'indépendance du Maroc. Simple équation. Le but de l'UNFP était la construction d'un Etat de droit, de démocratie et de socialisme. Ici commence la complexité du problème. Si la finalité était un Etat de droit, de démocratie et de socialisme, alors comment atteindre ce but? On sait que l'archéologue a besoin d'outils pour trouver des fossiles, le médecin nécessite un scalpel pour opérer, Socrate utilisait des mots, ses mots, pour conscientiser les habitants de la Cité. Conscientiser, Marx savait le faire; il disait d'ailleurs que la théorie est l'un des moyens les plus efficaces de la conscientisation des classes: la théorie était son outil. La conscientisation des classes aux maux réels de la société et de leur exploitation est peut-être le combat ultime de tout parti de gauche puisque, s'en tenant à Marx, l'Histoire est une succession de luttes de classes. On remarque qu'au fil des ans, le changement des problèmes n’a pas affecté leur nature: le capitalisme s'est numérisé entraînant la précarité des emplois, l'absence de sécurité sociale, l’absence de congés payés, l’absence de vacances hebdomadaires. Ce capitalisme, qui a “ubérisé” la société et l’économie, s’est accompagné d’une forte régression sociale devenue inhérente à la société du XXIème siècle, siècle qui devait être centré sur la lutte pour l’écologie... Le hic, à mon humble avis, ne se trouve pas là, il se trouve dans la manière de passer outre ces problèmes. Si la manière de répression change, c'est qu'elle y a été obligée. C'est donc en soi un aveux de victoire aux militantes et militants.
Toutefois, si la situation désastreuse persiste après des décennies de sacrifice, c'est que nous nous y prenons, peut-être, mal. Pour illustrer la situation actuelle du Maroc, il serait de rigueur de citer ces quelques paragraphes : " Si les élections sont truquées, si la liberté de réunion est niée, si la presse est bâillonnée, si les patriotes porte-parole des masses sont pourchassés, condamnés à mort ou à la détention ou tout simplement liquidés, comment s'étonner que le peuple emploie un moyen plus direct pour se faire entendre? Si lentement l'Etat, l'Administration et la politique deviennent le fait d'une minorité privilégiée - dont le nombre diminue à mesure que la situation économique se dégrade - comment s'étonner que le peuple manifeste sa colère contre ces privilèges et ces passe-droits? Si la majorité de la population est maintenue dans la misère et l'inculture et si en plus, elle voit se fermer devant elle les portes de l'espérance, comment s'étonner que l'impatience prenne le masque du désespoir? La responsabilité directe? Il faut la chercher dans l'imposture qui sert de fondement à la politique officielle du Maroc. On fait applaudir les populations, par contrainte, ou par réduction de la misère et l'on fait de ces applaudissements forcés un principe de gouvernement. Mais la réalité se venge de toutes ces illusions et la seule vraie politique est la politique du vrai. " Serions-nous si surpris de savoir que ces lignes ont été écrites en juin 1965 par Mehdi Ben Barka? Serions-nous encore plus surpris de savoir que ces lignes font partie de l'Introduction de l'Option Révolutionnaire? On remarque que pour les mêmes échecs, les partis socialistes d'aujourd'hui utilisent des pseudo-solutions radicalement différentes de l'option révolutionnaire. Mais comment savoir si la révolution était le juste choix? Et si la nature des problèmes avait changé et que cela a conduit à la création d'une même situation: deux plus deux font quatre, mais un plus trois font aussi  quatre. Si le résultat est le même aujourd'hui, un problème de taille formant cette addition fait partie de ses causes.
Dans la critique de la philosophie de Marx, ce dernier pense que le problème de la philosophie est qu'elle est restée théorique et qu'elle devait être pratiquée pour produire ses effets, il a d'ailleurs dit qu'il fallait "supprimer la philosophie pour la réaliser et la réaliser en la supprimant".
Cette "sur-théorisation" empêche l'émancipation de la société car elle instaure un mur entre la philosophie et le prolétariat et que, dans cette lutte pour l'émancipation, la philosophie en était la tête et le prolétariat en était le coeur. On peut en déduire que le prolétariat est la matérialisation de la philosophie. Qui a le monopole de la philosophie politique si ce ne sont les partis? Qui a le pouvoir de rassembler les masses populaires si ce ne sont les syndicats? Les partis ne sont-ils donc pas la tête de l'émancipation et les syndicats son coeur? Alors comment voulons-nous émanciper tout un peuple sans le tandem politico-syndical? Il est temps de faire table rase du passé, de nous réconcilier avec les valeurs du socialisme mais surtout avec le peuple. Thomas Piketty, comme tant d'autres, reproche aujourd’hui aux partis de gauche d'avoir abandonné la défense des moins favorisés. "Ce sont les partis de gauche qui ont abandonné ceux du bas, pas ceux du bas qui ont abandonné les partis de gauche", a tranché Piketty. Nous avons malheureusement une fâcheuse tendance à l'oublier, mais l'un des courants du socialisme est le populisme, je ne parle ni des populistes actuels qui ne veulent que courtiser les masses, ni même des populistes révolutionnaires qui ont connu leur apogée avec la mort du tsar Alexandre II. Ici, je fais référence aux populistes qui ont eu foi en la population paysanne russe. Je fais référence ici aux populistes qui croyaient qu'aller vers le peuple était le meilleur moyen d'apprendre de celui ci et de le pousser à combattre. Enfin, je fais référence ici aux populistes qui ont décidé de combattre avec le peuple et non pas au nom du peuple.

 


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