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Abdellah Baïda revient tout feu tout poil
avec un roman au titre trompeur.
Malgré son apparence canine, c’est un
roman d’homme. Retour sur
le deuxième opus de cet
auteur à l’imagination fertile.
Driss hérite d’un nom qui porte à lui seul tout le mépris d’un officier d’état civil français à l’égard de l’indigène : Ibn Kalb. Dès l’enfance, il subira les moqueries de ses camarades de classe à chaque prononcé de son nom. Il fera néanmoins contre mauvaise fortune bon cœur et s’accoutumera à ce handicap dont la gravité enflera avec l’arrivée annoncée d’un fils.
S’il n’est aucunement responsable du nom qu’il a reçu, il ne peut toutefois accepter de le transmettre à sa descendance. Dès lors, commence pour lui un long chemin de croix ayant pour but de prouver la difformité de ce nom auprès d’une administration sclérosée afin d’en obtenir un nouveau.
Abdellah Baïda nous promène alors dans les méandres d’une quête qui s’étend sur plusieurs pays. Le recours à ces détours emprunte au besoin de l’auteur d’appuyer les embûches du protagoniste pour épurer une situation qui taillade son esprit. Mais il ne s’agit pas tant d’une recherche de preuves ou d’arguments, mais d’une quête identitaire, d’une réconciliation avec soi-même au défi des stéréotypes sociaux.
«Non d’un chien» ne lorgne pas vers la race canine, mais se focalise sur l’identité humaine.
Dans ce roman où la curiosité s’éveille aux premières pages, le décor est rapidement planté : qu’est-ce que l’identité et qu’elle en est la perception sociale ?
Pour mener sa réflexion, Abdellah Baïda use de procédés métaphoriques. Pour pénétrer dans la démarche intime de l’auteur, il est donc nécessaire d’ouvrir les mots afin d’en détecter le sens ; car ce roman ressemble aux poupées russes qu’il faut plusieurs fois débarrer avant d’atteindre le fond.
Car Abdellah Baïda creuse à l’image d’un orpailleur qui s’acharne sans jamais renoncer. Puis, lentement, il avance en libérant son personnage de la culpabilité qui le corsette. Au fil des pages, qui se lisent avidement, Driss échappe à son purgatoire en se purgeant d’un châtiment injurieusement répandu par une doxa en panne d’imagination.
Ce nom, paradoxalement, ne fera pas de lui un homme reclus. Bien au contraire, en essayant de déterrer les fondements d’une redéfinition de son identité, il se réconcilie avec lui-même. Et s’apaise de cette douleur. Cet apaisement, à son insu, le conduira à une réhabilitation du chien dont l’épilogue sera une adoption de l’animal pour lequel, magie d’une confiance recouvrée, il donnera un nom musical : jazz.
Dans «Nom d’un chien», Abdellah Baïda se joue des chemins balisés. Il est à la fois sérieux et ludique, rappelant parfois le réalisme magique du Mozambicain Mia Couto. Il nous livre un personnage attachant, en même temps pile et face, qui nous invite dans un univers insolite. Peut-être aussi absurde à la manière de Kafka comme l’a déjà subtilement relevé Jean Zaganiaris dans sa chronique parue dans « Libération » du 10/2/2016.
Dans ce roman qui sème au vent les questions de l’identité, de la culpabilité et de la réconciliation, Abdellah Baïda apporte une note sonore dans une littérature marocaine qui vibre d’un souffle vivifiant.
* (Cercle de littérature contemporaine)