Crise politique, défi démocratique : Le Maroc à la croisée des chemins


Mohamed Assouali
Mardi 13 Mai 2025

Crise politique, défi démocratique : Le Maroc à la croisée des chemins
Lorsqu’un peuple perd confiance en ses institutions, il ne lui reste que la rue ou l’exil. Cette formule résume avec acuité le malaise profond que traverse le Maroc. Le pays s’enlise dans une crise multiforme, à la fois politique, économique, sociale et institutionnelle, et tandis que les signaux d’alerte se multiplient, les attentes citoyennes demeurent sans réponse.

Un pays à bout de souffle : quand le modèle s’effondre

Le silence n’est plus une option. L’inaction est désormais synonyme de complicité. L’heure est venue de restaurer la primauté de la politique comme outil de transformation et de justice. Le gouvernement en place, s’il est majoritaire en sièges, est clairement minoritaire quant à la place qu'il occupe dans les cœurs. Il incarne une gestion technocratique déconnectée du réel, sans vision stratégique claire, ni horizon mobilisateur.

Alors que des pays comme l’Espagne ou le Portugal ont fait le pari d’un redressement fondé sur l’équité sociale, le Maroc s’enferme dans des politiques d’austérité stériles, aggravant les inégalités régionales et sectorielles. Le chômage global a dépassé les 13,5% en 2024, celui des jeunes atteint 38 %, et l’inflation se stabilise à un niveau élevé, dépassant 5,7%. La classe moyenne s’effondre lentement sous le poids d’une précarité devenue structurelle.

Les programmes annoncés tels qu’Awrach, Forsa, Intilaka, ou encore la généralisation de la protection sociale, peinent à produire des effets tangibles, minés par des défaillances dans leur mise en œuvre, par l’absence de pilotage et de contrôle, et par une gouvernance fragmentée.

En avril 2025, le Conseil économique, social et environnemental a lui-même appelé à un virage structurel urgent, soulignant l’écart inquiétant entre les promesses affichées et les résultats obtenus. Plus grave encore, les institutions de régulation et de contrôle, telles que le Conseil de la concurrence, la Cour des comptes ou l’Instance de probité, font l’objet de tentatives d’alignement partisan, menaçant leur indépendance et sapant les fondements de l’État de droit.

Ce recul démocratique favorise l’impunité, banalise la rente et concentre le pouvoir entre les mains d’une élite peu redevable. La logique comptable domine les choix budgétaires, reléguant les besoins essentiels des citoyens au second plan : se soigner, apprendre, se loger, travailler dignement. L’Etat social promis reste au stade du discours. Dans les zones marginalisées, le sentiment d’abandon est palpable, renforçant la rupture entre le centre décisionnel et les périphéries sociales et territoriales.

Une opposition de rupture face à l’impasse gouvernementale

Face à cette décomposition silencieuse, l’Union Socialiste des Forces Populaires a décidé d’assumer pleinement ses responsabilités en déposant une motion de censure.
Ce geste, loin d’être symbolique, vise à rappeler que la démocratie repose sur le respect des équilibres institutionnels, sur la force du débat, et sur la légitimité populaire. Il s’agit d’un sursaut politique qui cherche à redonner au Parlement son rôle de levier du contrôle et de l’impulsion, et à briser la logique de domination numérique qui nie toute pluralité constructive. Comme l’a affirmé le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, il est temps de rompre avec une gouvernance de communication pour reconstruire une gouvernance de confiance.

 Ce sursaut s’inscrit dans une dynamique de refondation portée par un projet social-démocrate, fondé sur la justice fiscale, la réhabilitation du service public, l’investissement productif local, la protection sociale universelle, et l’intégration économique des jeunes et des femmes. Le contrat social proposé par l’USFP repose sur cinq piliers fondamentaux : un système de santé publique  renforcé et équitable, une école publique modernisée et inclusive, des politiques de l’emploi ciblées pour les catégories exclues, une réforme fiscale progressive pour financer l’État social, et un soutien actif à l’économie solidaire et aux très petites entreprises territoriales. Ce projet ne se contente pas de dénoncer l’échec du gouvernement, il trace une voie réaliste vers un nouveau modèle marocain, plus juste, plus inclusif, plus humain.

Réengager la jeunesse, rebâtir la démocratie

Mais aucun projet ne peut réussir sans un acteur central : la jeunesse. Première victime de la précarité, du chômage, de la désillusion politique,  est aussi la principale force de transformation. Il est impératif qu’elle rompe avec le cycle de l’abstention, qu’elle s’inscrive sur les listes électorales, qu’elle vote, qu’elle s’engage, qu’elle occupe l’espace public, qu’elle prenne part aux débats, aux luttes, aux choix.

Le changement ne viendra pas d’en haut. Il émergera des marges, des quartiers, des campus d'étudiants, des lieux de travail. Il prendra corps dans les mobilisations locales, dans la reconstruction du lien politique, dans la formation d’une conscience collective critique. La démocratie ne peut être vivante sans une citoyenneté active. Refuser les discours de haine, exiger des projets concrets, soutenir des représentants crédibles, militer dans des partis porteurs d’espoir: tel est le socle du renouveau démocratique. La politique ne doit plus être un théâtre de postures et de bruits, mais un espace de construction, de respect, de cohérence, de service du bien commun.

Le Maroc n’a pas besoin de bilans flatteurs, ni de rhétoriques usées. Il a besoin d’un cap clair, d’un contrat de confiance, et d’un peuple debout. Le changement ne se décrète pas, il se construit patiemment, lucidement, collectivement. Il s’arrache par le courage, l’organisation, l’engagement. Par la voix du peuple, s’écrit la démocratie. Par sa vigilance, se protège la liberté. Et par son action, se réalise le progrès.

Par Mohamed Assouali
Membre du Comité national d’arbitrage et d’éthique de l’USFP


Lu 287 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Actualité | Dossiers du weekend | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Chronique | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP | Economie_Zoom | Economie_Automobile | TVLibe








Flux RSS