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Crise hydrique dans la ville ismaïlienne : Meknès face à sa soif


Hassan Bentaleb
Lundi 13 Décembre 2010

Crise hydrique dans la ville ismaïlienne : Meknès face à sa soif
A Meknès, la crise de l'eau est appelée à durer. Si aujourd'hui, les coupures d'eau ne sont plus systématiques et la qualité d'eau s'est nettement améliorée, la situation reste fragile, notamment à l'approche de l'hiver.
D'ailleurs, les dernières précipitations du 29 novembre ont causé de légères dégradations de la qualité de l'eau et  ont provoqué des coupures. Actuellement, les Meknassis vivent  au rythme des coupures de cinq heures par jour et en alternance entre les quartiers.
Les fortes précipitations dégradent la qualité des eaux des sources Ribaa et Bittit et rendent l'eau de robinet " boueuse " et presque non potable.
Ce phénomène est devenu si récurrent, que chaque fois que les environs de la cité ismaïlienne connaissent des épisodes pluvieux, les Meknassis croisent les doigts et commencent à s'inquiéter sur leur approvisionnement continu en eau potable.
Cédées aux habitants de la ville par Feu Mohammed V depuis les années 40 du siècle dernier, les sources de Ribaa et Bittit contribuent à hauteur de 2000 à 2200 l/s à l'apprivoisement de la ville en eau potable. Elles sont gérées pour 40% de leur débit par la RADEM (Régie autonome de distribution d'eau et d'électricité de Meknès) qui ne bénéficie que de 630 l/s et le reste est réservé aux ayants droit.
Ces deux sources connaissent chaque année un fort taux de turbidité de l'eau suite aux fortes précipitations. Et du coup, la ville vit uniquement des quantités d'eau fournies par les forages de l'ONEP qui sont de l'ordre de 870 l/s, ce qui ne représente que 50% des besoins en eau de la cité, alors qu'ils sont de l'ordre de 1.600 l/s.
Pourtant, la ville ismaïlienne dispose d'un potentiel en eau énorme. Il est de près de 21.598 Mm3 des eaux superficielles générées au niveau de l'ensemble des bassins de la région et de 4.457 Mm3 des eaux souterraines.
Mais posséder les ressources ne suffit pas. Car si les Meknassis baignent littéralement dans l'eau, ils ont souvent un accès difficile à l'eau potable. La diminution des ressources, l'agriculture, la pollution, l'extension de la ville ne peuvent pas être seules incriminées : il faut prendre en compte tous les éléments du système, de la ressource aux pratiques locales en passant par les acteurs du partage de l'eau, nous a affirmé Hamid Aghbani, coordinateur du Rassemblement des partis de gauche à Meknès (RPGM).
Pour lui, la crise de l'eau dans la ville est structurelle et ne date pas d'aujourd'hui ; elle remonte au milieu des années 80 et 90. Elle est la conséquence directe de la domination des enjeux politiques locaux sur les logiques économique, sanitaire, et sur les exigences techniques.
" En ces temps-là, la RADEM s'est transformée en caisse noire. Un gisement d'argent sale, dédié à fomenter des pratiques clientélistes, des manœuvres électorales et des stratégies de pouvoir. Quant à l'intérêt général, il a été simplement banni du programme des responsables", nous a-t-il confié.
Sur le banc des accusés, il y a les responsables de la RADEM, les élus siégeant à son Conseil administratif et les autorités locales. Ils sont tous responsables, selon M. Aghbani, de cette situation. Leur mauvaise gestion et leurs déboires ont aggravé la crise de l'eau dans la ville : "La crise de l'eau n'aurait pas eu lieu si la ville de Meknès avait eu des responsables et des élus compétents.  La preuve, cette crise a pu être résolue aux milieux des années 80 et 90 avec seulement deux milliards de centimes. Aujourd'hui, il faut compter près de 16 milliards de centimes.  Et même si, la situation s'est nettement améliorée ces jours-ci, on frôle encore la catastrophe ", a précisé M. Aghbani.
Le coordinateur de RPGM a raison, car les experts ont à plusieurs reprises tiré la sonnette d'alarme. Le niveau de la nappe phréatique de Fès-Meknès a atteint un seuil très inquiétant. Il connaît une baisse annuelle de l'ordre de 40 cm, tandis que le niveau de la nappe profonde enregistre une chute de 2 à 4 m/an. Et le bilan annuel se chiffre à 100 millions de m3 de déficit.
Que faut-t-il faire ? Dans l'immédiat, aucune solution n'est en vue. Les assurances des autorités locales et les responsables de l'ONEP et la RADEM ne serviraient la plupart du temps, qu'à refroidir les ardeurs. Les dernières sorties médiatiques des instances concernant la construction d'une station d'épuration d'eau et d'autres projets font sourire les Meknassis.
M. Aghbani  a affirmé que les habitants de Meknès ont d'autres soucis. Ils redoutent la gestion déléguée, qui signifie pour beaucoup d'entre eux la cession des sources Bittit et Ribaa à l'organisme producteur et la fin de leurs droits sur ces sources. " Et du coup, la multiplication des prix d'eau en trois, puisque ils seraient obligés de payer les 50% des eaux des sources au tarif actuel plus les 50% reçues à partir des forages de l'ONEP ", a-t-il indiqué.
La crise de l'eau à Meknès est-elle une fatalité ? La réponse est non, car elle est d'abord et avant tout, une affaire de gouvernance avec des implications claires pour la formulation de politiques publiques. Les responsables de gestion de l'eau dans la ville sont obligés d'apporter des réponses à ces questions : y aura-t-il suffisamment d'eau pour satisfaire les besoins fondamentaux liés à l'activité humaine, de manière juste et équitable? Qui va assumer la responsabilité d'assurer l'accès à des ressources en eau salubre? Et quelles seront les conséquences de l'augmentation du stress hydrique et de la difficulté d'accès à l'eau ?


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