Corruption, misère et émeutes : cas de l’Algérie


Par Dr. Hassan FAOUZI *
Vendredi 11 Février 2011

Corruption, misère et émeutes : cas de l’Algérie
Depuis quelques semaines, le Maghreb est en proie à de violentes émeutes déclenchées par un taux de chômage élevé et une hausse récente des prix des produits alimentaires de base. Elles prennent les mêmes formes, celles d’affrontements violents avec les forces de sécurité et d’attaques contre les symboles de l’Etat.
Dans cet article nous allons essayer d’analyser ce phénomène á travers le cas de l’Algérie, en répondant á la question suivante : pourquoi les algériens sont si pauvres dans un pays aussi riche? Comment ce pays, qui possède un potentiel humain magnifique et de fantastiques ressources naturelles, peut-il plus de quarante années après son indépendance, compter près de la moitié de la population au-dessous du seuil de pauvreté et parallèlement, une caste de nouveaux riches issus des cercles du pouvoir?
La révolte de la jeunesse algérienne marginalisée a commencé à Oran et Alger, avant de s’étendre au reste du pays. En ébullition depuis 2001, l’arrière-pays a passé le témoin aux quartiers contestataires des deux plus grandes villes algériennes, notamment ceux de la capitale, d’où, il y a plus de 22 ans, était partie l’intifada d’octobre 1988. La «culture de l’émeute» s’enracine, prospère à l’ombre de l’hypothétique «Etat de droit».
Pour Pierre Vermeren, après le soulèvement en Tunisie “L’effet d’entraînement est évident, puisque les jeunes Algériens ont observé avec étonnement les manifestations tunisiennes depuis trois semaines. Oui, on peut faire le lien par de nombreux biais, en premier lieu le chômage massif et l’absence de perspective de la jeunesse dans des pays frappés par la crise internationale, et par l’absence de perspectives politiques .... Les différences sont liées au fait que l’Algérie est un pays riche de sa rente pétrolière, et que le sentiment d’injustice en est exacerbé. Quant à la Tunisie, ce qui est frappant, c’est le caractère très nouveau de ces manifestations”.
Monopole militaire, monopole économique, monopole politique avec toutes ses dérives anti-démocratiques et liberticides, un seul monolithe s’est créé : celui du pouvoir hérité de la guerre de libération. La période de l’idéal soutenu par quelques hommes intègres et exprimé dans un socialisme de casernes est passée. Les sirènes du libéralisme ont tout emmené : absence de démocratie, mirage du pétrole et de la privatisation, voilà les germes de l’explosion de la corruption alimentée par les flux extérieurs. L’Indice 2010 de la Perception de la Corruption (CPI) classe l’Algérie 105ème sur 178 pays examinés.
Pour comprendre l’extension de la corruption en Algérie, il est essentiel de revenir sur l’exploitation des hydrocarbures. En effet, l’”or noir” nourrit depuis des décennies une véritable culture de la rente. N’est-ce pas là, une des sources principales de tous les malheurs qui se sont abattus sur ce pays depuis l’indépendance? Les retombées financières de l’économie “mono-exportatrice” de pétrole, après la nationalisation des hydrocarbures en 1971 et le premier choc pétrolier de 1973, permirent de lancer, au détriment de l’agriculture, un vaste programme d’industrialisation. La corruption y trouva un aliment fécond. Ce que les pays occidentaux ont “perdu” suite au choc pétrolier, ils l’ont récupéré très largement par la conclusion de marchés faramineux, notamment dans le secteur de l’armement qui donnèrent lieu à d’abondantes commissions alimentant les dictatures et les réseaux de la corruption (D. Hadjadj, 2003). De 1973 à 1984, l’argent du pétrole coulait à flot et les commissions occultes sont versées, comme l’explique Pierre Péan dans son livre, L’argent noir (1988) : “dans l’arsenal mis en place pour récupérer la part de notre richesse nationale amputée par l’OPEP, la corruption tient alors une place déterminante (...) des dizaines de milliards de francs ont ainsi été dérivés vers des comptes en banque secrets de présidents, princes, ministres et hauts fonctionnaires des pays pauvres”. A partir de 1986, les crises dues aux chutes des prix du pétrole mirent à nu les conséquences désastreuses de ce type d’économie mono-exportatrice. En décembre 1998, les prix du pétrole étaient au plus bas, au grand dam du pouvoir qui voyait déjà ses “affaires” disparaître. Á partir du second semestre de 1999, le prix du pétrole a connu une forte augmentation et a dépassé des mois durant, 30 dollars le baril. Les bénéficiaires de l’”import-import” retrouvèrent espoir (D. Hadjadj, 2003). Pour François Gèze (2002), “cette corruption est le moteur fondamental de la ‘sale guerre’ que les ‘décideurs’ militaires mènent contre leurs compatriotes : sa fonction première est de briser et d’éradiquer tous les germes qui pourraient entraîner le peuple dans une révolution risquant de mettre fin à leurs privilèges et de tarir définitivement les sources de leur fortune”.
La longue transition politique a été une occasion pour certains milieux d’affaires (hauts dignitaires de l’armée et des hauts fonctionnaires de police, à la retraite ou en activité), profitant du climat de violence et du terrorisme, de se lancer dans la création de sociétés de sécurité et de gardiennage auprès des entreprises. 
Le marché a été pris d’assaut et quadrillé. Les candidats potentiels ont usé de leurs relations personnelles, parentales et professionnelles, dans les secteurs économiques visés. Ainsi de nouvelles chasses gardées se sont-elles créées, entretenues par des pratiques opaques. Un autre secteur, lui aussi en relation avec la violence, s’est considérablement développé : l’importation d’équipements de sécurité (D. Hadjadj, 2003).
La facture d’importation d’armes et d’équipements de sécurité est estimée à 3 milliards de dollars chaque année depuis l’apparition du terrorisme et de la violence. Cette somme est supérieure à la facture alimentaire à l’importation, qui se situe entre 2 et 2,5 milliards de dollars. Il est de notoriété que dans le secteur de l’armement, la grande corruption se pratique à des niveaux et des montants très élevés (D. Hadjadj, 2003).
Depuis quelques années, la société civile mène de multiples combats pour une vie meilleure. Elle exige des administrations locales voire centrales, de rendre compte de leurs activités et de l’utilisation des énormes ressources financières. La revendication pour le droit à plus de progrès et de justice sociale s’est souvent exprimée dans des émeutes de plus en plus fréquentes (D. Hadjadj, 2003). 
A croire que c’est devenu le seul moyen de se faire entendre d’un pouvoir de plus en plus sourd et de plus en plus coupé des réalités. Pour Abdou Benziane (2004), chroniqueur dans plusieurs quotidiens algériens, “actuellement, l’Etat et la société vivent un divorce prolongé, l’un instrumentalisé pour réprimer l’autre sinon l’asservir”. Analysant le sens à donner à la multiplication des émeutes populaires contre le pouvoir, il considère que “l’émeutier parle de sa mal vie sur terre, de son chômage, de sa précarité. Lui opposer le troisième âge, l’arrogance, le policier ou l’allégeance, c’est prévoir pour le pays de nouvelles impasses“.
Parmi les slogans criés lors de ces nombreuses manifestations, on pouvait lire : “le pouvoir assassin“ et “Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts“. La décennie passée aura été fortement marquée par des émeutes, un peu partout en Algérie, avec chaque fois le même scénario : affrontements avec les forces de sécurité, répression, emprisonnements, torture, procès expéditifs et lourdes condamnations. La répression se fît aussi contre la presse et les journalistes qui se firent l’écho de ces évènements (D. Hadjadj, 2003). Ces dernières années, le pouvoir n’a pas lésiné pour se donner les moyens de réprimer en tout lieu et à tout moment. Recrutements massifs, acquisition d’équipements lourds, multiplication de casernes de forces anti-émeutes à proximité des principales villes ont été les maîtres mots d’une politique répressive financée par d’excellentes recettes pétrolières.

* Docteur en Géographie, Environnement, Aménagement de l’Espace et Paysages.
Université Nancy 2, France


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1.Posté par aaaa le 11/02/2011 13:06
parlez plutôt du maroc, nous algériens on s'occupe de nous....

2.Posté par Maffioletti le 06/05/2011 21:06
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