Botswana, une exception africaine


Par Errachid Majidi *
Mardi 5 Mai 2009

Botswana, une exception africaine
Au milieu du tableau sombre dressé par les médiocres résultats économiques et politiques des pays africains depuis leurs indépendances, le Botswana semble exceptionnellement sortir du lot. Ce pays de l’Afrique australe qui a les mêmes conditions géographiques et historiques, considérées comme des facteurs de blocage dans d’autres pays, a pu instaurer dès son indépendance un système politique démocratique et a connu une croissance économique stable. Dans ce cadre, il nous paraît légitime de poser deux questions : Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer les performances économiques et politiques du Botswana ? Pourquoi le Botswana a échappé à la malédiction des ressources ?
Le Botswana a connu une période de croissance parmi les plus longues dans le monde au cours de l’histoire récente (un taux moyen de 8,2 % entre 1970 et 1990 et 4,2% entre 1990 et 2007). On peut dire que ce caractère rapide et soutenable de la croissance est la conséquence directe d’un cadre institutionnel incitatif à la performance économique : garantie des droits de propriété (le pays est classé 43ème au niveau mondial pour l’indice 2009 des droits de propriété) ; respect des libertés économiques (34ème pour l’indice de liberté économique 2009). On peut aussi observer que la pression fiscale est parmi les plus faibles en Afrique, la banque centrale est indépendante et le marché de l’emploi est relativement flexible.
Le fait que le Botswana avait opté dès l’indépendance pour l’ouverture économique et les institutions favorisant la responsabilité et l’initiative privée explique en grande partie sa trajectoire de croissance économique. Il n’est pas à exclure que l’existence d’institutions précoloniales protégeant la propriété privée (notamment dans le domaine de l’élevage) a orienté les choix économiques qui ont suivi l’indépendance car les grands éleveurs qui étaient traditionnellement en faveur de la propriété privée occupaient une place importante dans l’échiquier politique durant les premières années qui ont suivi l’indépendance.
Depuis son indépendance, le Botswana a tenu régulièrement des élections libres et transparentes. Certes, l’alternance politique n’a jamais été effective puisqu’un seul parti, en l’occurrence le parti démocratique du Botswana, a gagné toutes les élections, mais le gouvernement a constamment garanti les droits de l’opposition et la liberté de la presse. Ce qui a fait de ce pays un exemple unique de stabilité et de longévité de la démocratie en Afrique.
Il est fort probable que les raisons de cette situation se trouvent dans un héritage institutionnel précolonial connu pour une forte tradition de concertation. Ainsi, le Tswana, qui est actuellement la principale composante ethnique du pays, connaissait une pratique de débats publics que l’on appelait les Kgotlas. C’étaient des assemblées dans lesquelles on se réunissait pour discuter de la chose publique et où on cherchait à trouver des consensus autour des décisions des chefs tribaux. Il ne s’agissait certainement pas de véritable démocratie car on ne choisissait pas les gouvernants, et le droit d’y participer n’était pas accordé à tous le monde, mais l’existence de cette tradition de débat a néanmoins conforté la stabilité et le consensus autour de la démocratie au Botswana. Les citoyens se reconnaissent en effet dans un système où ils avaient l’habitude d’être relativement impliqués et responsables politiquement, contrairement à d’autres pays africains où le citoyen est souvent exclu du processus décisionnel. On peut dire aussi que le caractère relativement homogène ethniquement de la société a conforté ce choix dans la durée. Généralement, l’abondance des ressources naturelles en Afrique a été considérée comme une malédiction dans la mesure où elle a suscité partout la convoitise des différents groupes ethniques et politiques. Cette abondance est ainsi devenue synonyme de guerres civiles et de misère. Les expériences de l’ex-Zaïre, du Nigéria et de Sierra Leone montrent que la lutte pour le contrôle de ces richesses a maintenu des populations dans la misère et avorté des processus de changement démocratique. En revanche, dans le cas du Botswana la situation était différente.
Ainsi, les réserves de diamant dont regorge le sol du pays ont stimulé la croissance économique. Car, la transparence et le contrôle liés aux mécanismes de gouvernance démocratique ont rendu difficile le détournement des revenus du diamant par les hommes politiques, dont le train de vie modeste au Botswana rompt avec la tradition des chefs d’Etats africains dont les dépenses luxueuses ont souvent ruiné les budgets publics. Cette vie de luxe contribue à augmenter la valeur du pouvoir aux yeux de ces détenteurs et les incite à lutter pour le conserver. Or au Botswana, les revenus du diamant ont largement été investis dans l’éducation et la santé ce qui a conforté la démocratie et favorisé la paix sociale. D’un autre côté, l’existence d’une relative homogénéité ethnique et tribale et des rapports de forces équilibrées entre les groupes composants la société ont rendu difficile l’accaparement des revenus de cette ressource par un seul groupe.
Finalement, on peut dire que les performances économiques et politiques du Botswana ont constitué une exception dans un contexte africain dominé par la misère, les guerres civiles et les dictatures. Toutefois deux préoccupations majeures risquent de perturber la stabilité de ce pays.
Il s’agit de la persistance de fortes inégalités et le nombre important de personnes atteintes par le virus du sida. Une réflexion sur ces deux problèmes s’impose car l’avenir de la démocratie et de la croissance économique en dépend fortement.

* Chercheur au Centre d’analyse économique à l’Université Paul Cézanne.
Articles publiés en collaboration avec www.unmondelibre.org



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