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Biodiversité au Brésil; Course contre la montre des scientifiques en Amazonie


Libé
Mardi 19 Juillet 2022

L'Amazonie a perdu 74 millions d'hectares de végétation native de 1985 à 2020, l'équivalent de la superficie du Chili

Biodiversité au Brésil; Course contre la montre des scientifiques en Amazonie
"La destruction avance plus vite que le savoir", déplore Francisco Farronay, botaniste qui craint de voir des espèces disparaître avant même d'être connues à cause de la déforestation en Amazonie. Pour le compte de l'Institut national de recherches d'Amazonie (INPA), ce jeune scientifique péruvien étudie la biodiversité et tente d'identifier de nouvelles espèces dans une zone encore préservée, aux confins de la plus grande forêt tropicale de la planète. A l'aide d'une machette, il coupe un morceau d'écorce d'un arbre majestueux et approche son nez du tronc pour en sentir l'odeur. La forêt amazonienne est de plus en plus menacée par l'agriculture illégale, l'orpaillage ou le trafic de bois. Sa richissime biodiversité conserve encore une grande part de mystère, que les scientifiques tentent de percer tant bien que mal. "C'est une lutte contre la montre", assure le botaniste. Son expédition, organisée par Greenpeace avec une quinzaine de scientifiques, a lieu dans une des régions les mieux préservées d'Amazonie, dans le sud de l'Etat septentrional d'Amazonas. Pour y arriver, il faut prendre un petit avion depuis Manaus, la plus grande ville amazonienne, puis survoler des centaines de kilomètres de forêt vert émeraude, direction Manicoré. Le reste du périple se fait en bateau à moteur, cinq heures de navigation en serpentant sur les eaux sombres du fleuve Manicoré. La mission de Francisco Farronay etses collègues: faire l'inventaire de la faune et de la flore locales, pour donner ensuite à la zone le statut de Région de développement durable (RDS), un type de réserve naturelle protégée par les autorités. Durant plusieurs semaines, des botanistes et des biologistes spécialistes en mammifères, oiseaux, reptiles, poissons ou amphibiens ont exploré la jungle pour prélever des échantillons de plantes ou installer des caméras et des micros pour étudier le comportement des animaux. Ironie du sort, la feuille de journal utilisée par une botaniste pour presser une fleur montre un article titré "Augmentation de l'exploitation de bois en Amazonie", avec des photos de camions chargés d'énormes troncs. "La plupart des espèces de plantes d'Amazonie ne poussent que dans des lieux précis. On ne connaît que 60% des espèces d'arbres, donc dès qu'une zone est touchée par la déforestation, une partie de la biodiversité est éliminée et reste à jamais inconnue", déplore Alberto Vicentini, chercheur de l'INPA. D'après une étude du collectif Mapbiomas, l'Amazonie a perdu 74 millions d'hectares de végétation native de 1985 à 2020, l'équivalent de la superficie du Chili. Et la déforestation s'est intensifiée sous le gouvernement du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, que les écologistes accusent de favoriser l'impunité des orpailleurs et des trafiquants de bois, avec des coupes budgétaires dans des organes de contrôle chargés de les sanctionner. Depuis son arrivée au pouvoir, en janvier 2019, la déforestation annuelle a augmenté de 75% en moyenne par rapport à la décennie précédente. "Nous vivons une période d'obscurantisme, de déni de la science, comme nous l'avons vu durant la pandémie de Covid-19. Il y a aussi de nombreuses coupes budgétaires dans la recherche", insiste Alberto Vicentini. Les fonds publics alloués à la recherche sont en baisse depuis une dizaine d'années. L'Académie brésilienne des sciences (ABC) et la Société brésilienne pour le progrès de la science (SBPC) estiment que ces coupes budgétaires vont atteindre 3 milliards de réais (environ 540 millions d'euros) cette année. Après avoir navigué une heure sur le fleuve Manicoré, une barque progresse dans un igarapé, petit ruisseau qui avance dans la végétation et où les feuilles se reflètent dans l'eau cristalline. A son bord, trois biologistes spécialistes des poissons jettent leurs filets pour observer si les espèces sont les mêmes que dans le cours d'eau principal. "Il y a des endroits où personne n'est jamais allé. Sans les moyens suffisants pour faire des recherches, nous ne disposons pas des informations nécessaires pour expliquer les raisons pour lesquelles il est important de préserver ces zones", explique Lucia Rapp Py-Daniel, docteure en écologie et en biologie évolutive. "Il faudrait accélérer le rythme des recherches pour arriver à temps avant la destruction, mais on fait plutôt des pas en arrière", déplore-t-elle.


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