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Ça commence mal
Et qu’en est-il des attentes des Marocains qui cherchent désespérément l’amélioration substantielle de la qualité des apprentissages et leur adaptation aux besoins du marché du travail, du rehaussement des compétences pédagogiques des enseignants, de l’encouragement de l’ouverture sur les langues étrangères, et de la mise en place d’un système d'orientation efficient pour maximiser les chances de réussite scolaire ? « Le PLF 2022 relatif au secteur de l’éducation nationale ne répond pas aux attentes du personnel de ce secteur concernant sa réforme et l’amélioration de la situation financière des enseignants et ne correspond pas aux annonces faites par le programme gouvernemental», nous a indiqué Sadek Rghioui, SG du Syndicat national de l’éducation – FDT. Et d’ajouter : «Nous considérons également que les insinuations du ministre concernant les salaires des enseignants comme étant source d’épuisement des ressources du secteur, constituent une erreur grave incompatible avec les orientations stratégiques de l’Etat qui considère le dossier de l’éducation nationale comme la deuxième grande priorité après celui de l’intégrité territoriale. Nous nous attendions à plus de compréhension et de réformes, mais la réponse du nouveau ministre a été décevante».
Moral en berne
De son côté, Jamal Akchbab, enseignant à Zagora, estime qu’aucun signe de réforme ne s’est manifesté alors que l’année scolaire a débuté il y a un peu plus d’un mois. D’autant plus que tout changement ne peut pas se produire, selon lui, dans un cadre chaotique marqué par l’encombrement des classes, l’inadaptation des infrastructures scolaires notamment dans le monde rural, la détérioration de la situation des enseignants et la liste est longue. « Aujourd’hui, de plus en plus d’enseignants attendent avec impatience de boucler 30 années de service pour demander leur départ. Nos établissements scolaires sont à présent proie à une hémorragie de ces cadres qui n’ont qu’une envie, celle de quitter le secteur », nous a-t-il confié. Et de poursuivre : « Et rien n’augure que la situation va s’améliorer puisque les enseignants sont appelés à assumer de nouveaux rôles. En effet, un enseignant devra jouer, au-delà de sa mission d’apprentissage, le rôle de conseiller en orientation et celui d’inspecteur de l'éducation nationale veillant à la mise en œuvre de la politique éducative dans les classes ». Pour notre interlocuteur, un sentiment de dégoût et de mécontentement règne parmi les enseignants contre l’absurdité des politiques et programmes de réforme qui se succèdent et se ressemblent sans grand succès.
Improvisation et anarchie
Même son de cloche de la part de Abdeljalil Elbarini, enseignant à Essaouira, qui affirme que la situation demeure identique. «Nous sommes face à la même réalité et chaque année la situation devient davantage pire (insuffisance des cadres, problème des enseignants contractuels, opérationnalisation partielle du programme ‘’Un million de cartables’’, gel des promotions, etc) », nous a-t-il indiqué. Et d’expliquer : « Cette situation de malaise affecte, à la fois, l’enseignant, l’élève et les établissements scolaires. En fait, les élèves se sont transformés en cobayes utilisés pour tester les nouvelles pédagogies et les manuels scolaires. Pis, l’élève est censé apprendre uniquement la lecteur et l’écriture. En effet, il n’y a plus de vie scolaire en dehors des programmes scolaires. Les activités parallèles (club de théâtre, éducation aux droits de l’Homme, presse, etc.) ont disparus. Les écoles en tant qu’infrastructure endurent aussi cette réalité morose. Plusieurs établissements fonctionnent sans eau potable, sans électricité et parfois sans toilettes notamment dans le monde rural». Pour notre source, le secteur de l’éducation nationale avance à l’aveuglette sans une vision pédagogique et didactique claire. « Il y a la multiplicité des avis et des orientations. Chaque ministre arrive avec sa propre vision des choses, ce qui crée des contradictions et de l’anarchie », a-t-il souligné. En effet, et selon les conclusions du rapport du Nouveau modèle de développement, si l’Etat a réussi à garantir une généralisation de la scolarisation, «néanmoins, ces efforts n’ont pas été accompagnés par une amélioration de la qualité des services publics d’éducation-formation. Les performances de l’école marocaine demeurent très faibles, avec deux tiers des élèves qui ne maîtrisent pas la lecture à la fin du primaire et un taux de déperdition scolaire qui demeure très élevé », explique le document.
Il y a encore de l’espoir
Que demandent les enseignants au nouveau gouvernement ? « Nous attendons une véritable réponse à nos attentes et une vraie volonté pour résoudre les problèmes qui ont trop duré, à savoir l’amélioration de la situation morale et financière des enseignants, la résolution des problèmes qui durent depuis 2011, la création d’un nouveau statut en mesure d’intégrer l’ensemble des enseignants et la réforme des programmes, pédagogies et méthodes de travail », nous a répondu Sadek Rghioui. Et de préciser : « Les mesures annoncées par le programme gouvernemental doivent êtres entamées dès aujourd’hui. Notamment dans ce contexte national et régional tendu où le moral de nos concitoyens est en berne. Il faut donner de vrais signes de changement». Pour sa part, Abdeljalil Elbarini soutient que le secteur doit être confié à un ministre technocrate. « Et même si cela paraît anti-démocratique, il permettra, au moins, au secteur de ne plus être balloté entre les positionnements des uns et des autres puisque nous avons besoin d’aller vers une seule direction », nous a-t-il affirmé. Et de conclure : « Nous restons, pour autant, optimistes puisque le dossier de l’éducation nationale a été confié à Chakib Benmoussa qui a supervisé la conception du Nouveau modèle de développement qui a érigé l’accès à une éducation de “qualité” et “généralisée” comme un socle et vise d’ici l’horizon 2035, à ce que 90% des élèves possèdent “les compétences scolaires fondamentales à la fin du cycle primaire” ».