Mercredi devant la Chambre des conseillers, Abdelilah Benkirane n’a fait que répéter comme un disque rayé les grands axes de la nouvelle politique migratoire entamée depuis peu par le Royaume sans oser, pour autant, s’attaquer aux vrais défis et enjeux que pose cette politique. Autrement dit, on ne doit aucunement se faire quelques regrets au cas où l’on aurait raté un discours aussi creux. En effet, le chef de l’Exécutif a omis d’évoquer, dans cette première séance mensuelle devant la Chambre des conseillers, les questions dérangeantes et qui se posent avec acuité. C’est le cas notamment de l’accord de réadmission avec l’UE, le sort des personnes déboutées par les commissions de régularisation des sans-papiers, la violence et la brutalité des forces de l’ordre à l’égard des migrants irréguliers, le sort des lois sur la migration et l’asile et les fonds alloués à cette politique.
Ainsi, il a tenu à rappeler que la nouvelle politique de migration a permis la régularisation de 850 cas sur 14.300 dossiers déposés et l’octroi du statut de réfugié à 530 personnes. A noter, à ce propos, que les demandeurs d’asile sont au nombre de 3.000, selon le HCR Maroc. Le nouveau dispositif mis en place a permis également l’arrestation de 9.170 migrants irréguliers pendant les premiers mois de 2014 et le démantèlement de plusieurs réseaux mafieux (près de 1.174 réseaux ont été démantelés depuis 2007).
Qu’en est-il cependant de la promotion du cadre législatif encadrant cette migration ? Le chef du gouvernement a révélé, sans sourciller, que les six nouveaux projets de loi qui devraient être élaborés pour la mise en œuvre de la nouvelle politique de l’immigration, notamment la traite des personnes, le racisme, le travail à domicile, la protection des mineurs, des victimes du commerce et des trafics liés à l’immigration illégale, la régularisation des sans-papiers et enfin l’autorisation des étrangers à se constituer en associations, sont en cours de finalisation et que certains d’entre eux n’ont pas encore été remis au Secrétariat général du gouvernement.
Bref, les 20 minutes qu’a durées le discours du chef de l’Exécutif sur la politique de l’immigration n’ont rien révélé d’important sur les objectifs visés et les moyens déployés par l’Etat afin d’encadrer, contrôler et réguler la présence de migrants et les flux migratoires sur le territoire national. Au jour d’aujourd’hui, personne ne sait si le Maroc chercher à encourager l’immigration, la limiter voire l’empêcher totalement.
Autre flou et non des moindres, le chef du gouvernement n’a pas été explicite, tout au long de son discours, sur la politique d’asile qui demeure, pourtant, distincte de celle de la migration. De toute évidence, Benkirane ne fait pas de distinguo entre les deux. Il ne sait pas que l’asile constitue un droit qui découle du droit international destiné à protéger les personnes en danger ou menacées dans leur pays d’origine. Un droit clairement défini par rapport à la politique migratoire qui relève plutôt de la souveraineté de l’Etat. La dimension internationale a été également absente dans l’intervention du chef du gouvernement. En effet, aucune illusion n’a été faite à nos partenaires des pays du Sud ou du Nord qui nous aident à maîtriser les défis auxquels le Maroc est confronté. Benkirane ne semble pas croire à la coopération internationale pour mettre en œuvre plus efficacement les intérêts nationaux alors que toute politique nationale qui ne tient pas compte de la dimension internationale de ce phénomène est une politique vouée à l’échec.