L’Etat prévoit de déplafonner ses emprunts extérieurs. Le projet de décret-loi examiné lundi dernier en Conseil de gouvernement prévoit le dépassement de ces emprunts fixés par la loi de Finances à 31 milliards de DH. « Le Maroc a toujours fait appel à l’endettement extérieur et il n’y avait pas, par le passé, de limites à ce recours au marché des emprunts internationaux. L’Etat s’endettait quand il le voulait. Cette tendance à l’endettement se poursuit jusqu’à présent, mais avec certaines réserves et limites», nous a indiqué Mohamed Kerkab, professeur à la Faculté des sciences économiques, juridiques et sociales de l'Université Cadi Ayyad. Et de poursuivre : « Aujourd’hui, dans le contexte de la crise du Covid-19, l’Etat marocain doit faire face à un problème de taille, à savoir trouver des emprunteurs sur le marché international. En effet, notre pays ne présente pas de garanties suffisantes aux banques commerciales européennes ou japonaises puisque ses ressources en devises sont largement touchées par le repli de la croissance de ses partenaires économiques, notamment européens ». L’UE, souligne-t-on à ce propos, représente plus de 58% des exportations marocaines, 59% du stock d’IDE, 70% des recettes touristiques et 69% des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Selon notre source, l’arrêt temporaire de l’activité de Renault et de PSA qui représentent 27% du volume des exportations, la baisse des flux d’activité de l’offshoring, la chute du nombre de touristes et la diminution des recettes des Marocains du monde impacteront inéluctablement les exportations du Maroc et, du coup, ses recettes en devises. « Il faut s’attendre à des pertes estimées à 5 milliards de dollars en devises », nous a-t-elle précisé. Et d’ajouter : « Le recours à des institutions financières mondiales comme la banque mondiale ne sera pas la bonne solution puisque les sommes prêtées par cette banque ne dépassent pas les deux milliards de DH, ce qui est loin de satisfaire les besoins de notre pays en devises. Le recours au marché international sera difficile même si le Maroc le veut ». Mohamed Kerkab estime, en outre, que le Fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du Coronavirus (Covid-19), mis en place sur instructions de SM le Roi Mohammed VI doté aujourd’hui de plus de 23,5 milliards de dirhams (MMDH) sauvera la mise en permettant à l’Etat de ne pas recourir au budget normal. A rappeler que ce fonds réservé essentiellement à la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical, est également dédié au soutien de l’économie nationale pour faire face aux chocs induits par cette pandémie à travers des mesures proposées par le CVE, en vue d’atténuer notamment les impacts sur le plan social. Cependant, notre interlocuteur considère le recours à l’endettement extérieur comme une catastrophe pour l’économie marocaine. « Supposons que le marché international a accepté de nous accorder un prêt, qui va payer les intérêts de ce crédit ? Il faut savoir que mêmes les crédits octroyés dans le cadre de l’aide au développement sont à 98% des prêts remboursables avec des conditions favorables et seulement 2% sont des dons. Mêmes les crédits accordés par des banques comme la BAD ou la BM sont octroyés à des taux de marchés sans rééchelonnement et doivent être payés », a-t-il conclu. Ceci d’autant plus que ces dettes ne sont pas destinées à l’investissement. Hicham Attouch, professeur d’économie à l’Université Mohammed V à Rabat, nous a déjà affirmé que notre pays vit aujourd’hui un surendettement et qu’il y a une recherche d’endettement supplémentaire, ce qui est très coûteux pour l’économie nationale et le budget de l’Etat. Selon lui, cette situation est la traduction d’un modèle de développement asphyxié et d’un mode d’endettement exagéré qui ne correspond pas à nos ambitions de développement. Une situation qu’il ne faut pas sous-estimer car la question de l’endettement a atteint un taux très élevé au Maroc.