Autisme: les signes qui alertent


PAR M'HAMMED SAJIDI *
Lundi 29 Mars 2010

Autisme: les signes qui alertent
Tout bébé communique avec sa mère, répond aux sourires, gazouille... La maman est souvent la première personne à ressentir le manque d’échange avec son enfant. Si elle est déjà mère, son expérience lui permettra de constater une différence qui l’alertera. S’il s’agit de son premier enfant, elle ne comprendra pas. La plupart du temps, l’entourage ne joue pas son rôle de soutien et va même jusqu’à culpabiliser la mère de ne pas savoir élever son enfant. Certains signes peuvent cependant l’aider à savoir si son enfant souffre d’autisme.

Un trouble de la communication

Le manque de communication chez l'enfant atteint d’autisme est facteur d'un certain nombre de dysfonctionnements, de troubles et surtout de problèmes d'adaptation sociale. L’enfant atteint d’autisme a une perception perturbée du monde. Il traite l'information, comprend le monde à sa manière et souffre d’un problème au niveau de la structuration de l’information d’ordre sensoriel. Incapable de se concentrer sur les informations fondamentales, il est envahi de multitudes informations constituant un déluge de stimuli, de sons, d’images et d’odeurs inexplicables, incompréhensibles et donc terrorisants. Les perceptions sensorielles sont déformées, désorganisées par rapport aux nôtres. Son cerveau n’a pas les capacités de traiter l’information globalement en la reliant aux autres perceptions et donc de lui trouver un sens.
Un enfant autiste ne présente pas de trouble du langage (sauf handicap associé) mais des troubles de la communication qui génèrent des troubles de l’interaction sociale, causes de troubles du comportement. L’enfant ne planifie pas, ne comprend pas les expressions du visage, la tonalité de la voix et les émotions. Il ne comprend pas ce qui est abstrait. Il ne comprend pas à quoi sert un objet hors d’un contexte bien précis. Si on lui demande « à quoi sert un appareil photo ? », il répond : «A faire sourire les gens ». Si on lui montre un stylo et on demande « à quoi sert le stylo ? » il répond « à écrire ». Si on cache le stylo et repose la question, il ne répond pas tout simplement parce que le stylo n’est pas présent pour lui. Il ne comprend pas l’intérêt de la question sur un objet absent.
L’enfant autiste n’applique pas les processus d'apprentissage et d'adaptation aux exigences de la vie sociale, non parce qu'il ne sait pas mais parce qu'il ne comprend pas ce qu'on attend de lui. Sa seule issue se trouve dans la défense, qui peut aller du simple refus à une violence contre lui-même (automutilation) ou à des stéréotypies. Cette impossibilité à saisir la pensée de l'autre donne à l'observateur l'impression que l'enfant autiste «est absent, ne veut pas, fait exprès ou est têtu». Comme l'enfant ne peut utiliser le langage pour communiquer, il se sert des outils à sa disposition. L'insuffisance de son système de communication est un des facteurs clés des troubles du comportement de l'enfant autiste.

Une perception modifiée
son environnement

Tout enfant apprend de ce qu’il voit et entend. L’enfant autiste, lui, n’apprend pas par imitation. Il semble avoir des comportements étranges. Il ne répond pas ou peu quand on l’appelle, ne fait pas attention à ses camarades, n’interagit pas avec ses frères et ses sœurs, joue d’une manière étrange, évite le regard, semble ignorer les émotions d’autrui, ne participe pas aux jeux sociaux, montre de l’indifférence et se replie sur lui-même. Même son parent le plus proche laisse son regard indifférent. Il adopte un langage incompréhensible pour son environnement ou répète des phrases entendues sans arrêt. Il n’imite personne, pas même ses parents.
De nombreux enfants autistes affichent une sensibilité réduite à la douleur, mais sont anormalement sensibles aux sensations comme le son, le toucher ou autres stimulations sensorielles. Ces sensibilités inhabituelles peuvent se traduire par des symptômes comportementaux comme une résistance au fait d’être câliné ou pris dans les bras. Souvent l'enfant autiste ne perçoit pas les dangers qui l'entourent car sa connaissance n'est pas fondée sur l'expérience. S'il se brûle une fois, il recommencera sans appréhension. L'enfant autiste ne vit pas la douleur comme les autres enfants.
L'enfant atteint d’autisme a une perception des choses très différente de la nôtre. Il ne parvient pas à exprimer la cause de ses angoisses. Cela engendre un processus très pénible pour les parents et pour lui-même. L’enfant ne semble souffrir ni du chaud ni du froid, pendant les premières années de la vie. A contrario, un fait mineur (changement de meuble, objets déplacés...) sera souvent source de cris. L'enfant peut refuser tout contact, tout vêtement, ou bien voudra porter toujours les mêmes.
De même, il ne reconnaît pas les codes sociaux. A ses yeux, chanter ou parler à voix haute, dire ce qu’il pense sans logique d’empathie est normal.

Des stéréotypies qui l’isolent

L’enfant autiste développe souvent des gestes rituels qu’il répète à longueur de journée sans se lasser, comme faire tourner la roue d’une petite voiture, éteindre et allumer la lumière ou agiter ses mains. Ce sont des stéréotypies. Elles peuvent être verbales, gestuelles, posturales, etc. Les stéréotypies vocales sont parmi les plus fréquentes : l'enfant émet toujours le même son, avec la même intensité. Il se retranche dans un monde sécurisant et prévisible, et ce à chaque fois qu’il se trouve dans une situation qu'il ne comprend pas. Si elles rassurent l’enfant, les stéréotypies occupent aussi son champ de conscience et l'empêchent de s'adapter, de comprendre de nouvelles situations, et donc de progresser. Si l’on s’oppose à ces activités répétitives, l’enfant peut développer des crises fortes le rendant agressif envers lui-même et parfois envers les autres.
L’enfant autiste est extrêmement respectueux des règles et ne gère pas l’imprévu. Il a souvent un centre d’intérêt bien particulier, un objet ou une chose sur laquelle il se focalise et qui l’empêche d’avoir une vision d’ensemble. Par exemple, il se focalise sur une lampe chez sa tante. Si la lampe n’est plus là, il pense qu’il n’est plus chez sa tante. Il privilégie les détails, approfondit une connaissance particulière en fonction d’un centre d’intérêt restreint. Il possède une mémoire très puissante et enregistre ce qu’il vit. Il travaille avec des associations d’idées, des codes différents des nôtres. Par exemple, il associe un mot à une situation, sans logique pour son entourage s’il n’a pas d’explications… Il y a une bouteille et un verre sur la table. Vous prononcez le mot verre, alors que l’attention de l’enfant est fixée sur la bouteille. Il associera alorsle mot verre à la bouteille.
Il existe chez les enfants autistes un désir de routine. Tout ce qui est nouveau les effraie. Ils doivent toujours redécouvrir, restructurer ce qui est nouveau car le langage ne les aide pas à comprendre. Ils ne disposent pas de compétences leur permettant d'appréhender ce qui change sans anxiété.

Alimentation et sommeil

L’enfant atteint d’autisme peut être très sélectif pour s’alimenter, refuse certains aliments et mange de façon irrégulière. Plusieurs raisons génèrent cette difficulté. Certains enfants ne peuvent pas avaler, d’autres ne peuvent pas mastiquer. Ils ont des problèmes de motricité, de coordination ou ne comprennent pas l’acte d’avaler. Il existe aussi des difficultés liées à l’odeur de la nourriture proposée ou à la vision de la viande par exemple. Cela peut être une gêne résultant d’une insistance vocale de l’environnement « mange, mange ». Ce moment mal vécu par l’enfant sera associé au repas et déclenchera une frustration de l’enfant à chaque repas.
L’enfant autiste est insomniaque, surtout dans la petite enfance, comme s’il n’avait pas besoin de sommeil. Il paraît infatigable, ce qui peut être extrêmement fatigant pour son environnement. En revanche, il peut parfois s’endormir par terre, dans un couloir.

Comment l’aider ?

Toutes ces caractéristiques peuvent évoluer en fonction de l’accompagnement et de la qualité d’intervention.
Il est indispensable de comprendre les conséquences des lacunes cognitives et d'utiliser cette compréhension pour combler le fossé entre le mode de pensée de l’enfant autiste et les nécessités de la vie sociale.
En grandissant et en se développant, l’enfant va revivre, grâce à sa mémoire très puissante, des moments agréables ou pas qu’il ne pouvait comprendre avant. Toute expérience vécue n’est pas oubliée mais revécue et analysée avec sa capacité du moment. Une frustration liée à ce souvenir peut naître sans que l’entourage comprenne. C’est pourquoi les outils de communication doivent être mis en place pour permettre l’échange.

Le diagnostic, un premier
pas vers l’évolution

Au Maroc, le diagnostic d’autisme est souvent accompagné d’un sentiment de résignation et d’impuissance : «Il n’y a pas grand-chose à faire», quand on ne considère pas que l’enfant est habité par le diable… Ce fatalisme découle de la méconnaissance et de l’incompréhension de l’autisme. Il est donc nécessaire que la médecine marocaine se penche réellement sur cette maladie et acquière les outils de dépistage et de diagnostic.
Un enfant autiste est éducable, socialisable, intégrable. Il est possible de traiter l’autisme, de repousser ses limites et d’en atténuer les symptômes. Les interventions éducatives spécifiques, qui existent et peuvent être mises en place au Maroc, ont démontré leur efficacité. Elles permettent à l’enfant atteint d’autisme de comprendre son environnement social, de développer ses capacités, de diminuer les comportements incompatibles avec la vie sociale et d'augmenter au maximum son autonomie.

*Président de l’Association Léa pour Samy - La Voix de l’enfant autiste
www.leapoursamy.com


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