Afrique : une démocratie en dents de scie


Par Marie Joannidis (MFI)
Vendredi 19 Décembre 2008

Afrique : une démocratie en dents de scie

Malgré son engagement dans des processus électoraux pluralistes, l’Afrique continue à connaître des soubresauts politiques violents qui mettent à mal la démocratie et les droits de l’Homme même si de « bons élèves » comme le Ghana entendent montrer l’exemple et que des dirigeants africains multiplient les missions de médiation pour ramener la paix civile à travers le continent.
Après une transition démocratique réussie, en 2000, le Ghana a franchi sans écueil en décembre 2008 le premier tour de l’élection présidentielle. Le président sortant, John Kufuor, quitte le pouvoir après deux mandats de quatre ans comme le prévoyait la Constitution. Une bonne note politique et économique malgré les soupçons de corruption qui pèsent sur les élites du pays. Le Ghana tenait dans tous les cas à effacer l’image détestable projetée par le Kenya et le Zimbabwe où les élections ont conduit à un déchaînement de violences de la part du parti au pouvoir.
Au Zimbabwe, le pays est paralysé depuis la victoire historique de l’opposition au premier tour des élections en mars 2008.
Et les pressions internationales sur le président Robert Mugabe (84 ans) pour qu’il démissionne restent vaines. Le dirigeant du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Morgan Tsvangirai, avait dû se retirer de la compétition fin juin, après une campagne de violences orchestrée par le Zanu-PF, le parti de Mugabe qui est resté seul candidat en lice au second tour.
Après de longues négociations, et la médiation notamment de l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, les deux hommes ont fini par signer un accord de partage du pouvoir en septembre mais n’ont pas pu s’entendre sur la répartition des principaux ministères. Une situation d’autant plus grave que la crise politique va de pair avec un désastre économique et qu’une tragédie humanitaire - la dernière en date étant une épidémie de choléra - dévaste la population.
Au Kenya, en revanche, l’accord de paix signé en février 2008 tient toujours. Il a permis de mettre fin à une sanglante crise post-électorale qui a ébranlé le pays, pourtant considéré par certains, notamment les Etats-Unis, comme un îlot de stabilité non loin d’une Corne de l’Afrique toujours en ébullition. L’accord, qui a permis la formation d’un gouvernement de coalition, a été conclu grâce aux bons offices de l’ancien secrétaire général des Nations unies, le Ghanéen Kofi Annan.
Deux autres grands pays d’Afrique subsaharienne ont connu des soubresauts politiques sans toutefois enregistrer de violences ouvertes. Ainsi, le président sud-africain Thabo Mbeki, qui a succédé au « sage de l’Afrique », Nelson Mandela, emblème charismatique de tout un continent, a été démis en septembre par son propre parti, après la victoire de son rival Jacob Zuma à la tête de l’ANC, au pouvoir. La prochaine présidentielle pourrait avoir lieu entre mars et mai 2009 où l’ANC, majoritaire, devrait faire face au Congrès du peuple, un parti dissident regroupant des proches de Thabo Mbeki.Au Nigeria, la Cour suprême a finalement confirmé la validité de l’élection d’Umaru Yar’Adua à la présidentielle d’avril 2007, contestée par ses deux principaux adversaires, mettant fin à vingt mois d’incertitude politique. De nombreux observateurs aux élections avaient fait état d’incidents et de fraudes. Le nouveau président s’est engagé à travailler avec toutes les parties « pour des réformes électorales générales afin d’accélérer la marche de la nation vers une consolidation de la démocratie ».
En Algérie, un projet de révision constitutionnelle a été adopté par le Parlement. Il laisse la voie libre à un possible troisième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, qui n’a toutefois pas encore dévoilé ses plans futurs. L’actuelle Constitution fixait à deux les mandats présidentiels. Cette révision consacre parallèlement le renforcement de la représentation des femmes dans les assemblées élues et la transformation de la fonction de chef de gouvernement en celle de « premier ministre ».
En Mauritanie, la junte militaire qui a pris le pouvoir le 6 août dernier semble avoir perdu de son intransigeance face aux pressions et aux menaces de sanctions économiques. Ainsi, des Etats généraux de la démocratie, préparant le retour de la Mauritanie à l’ordre institutionnel, devraient être organisés le 27 décembre 2008, tandis que le président mauritanien élu démocratiquement, Sidi Ould Cheikh Abdellahi, toujours incarcéré, devrait être libéré sans condition le 24 décembre.
Enfin la Côte d’Ivoire, qui a retardé les élections ne s’estimant pas encore prête, poursuit le processus de sortie de crise. Selon des responsables de l’ONU, des progrès tangibles ont été réalisés au niveau de l’identification des populations et de l’enregistrement des électeurs. Ce qui devrait permettre, à leurs yeux, d’organiser les élections en 2009, afin de remplacer, à l’issue de ce vote, le gouvernement intérimaire mis en place après l’accord de Ouagadougou, signé en mars 2007 entre le président Laurent Gbagbo et le Premier ministre, Guillaume Soro, leader des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion), qui a mis fin à cinq ans de guerre civile et la partition en deux du pays.



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