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Abdelilah Benkirane siffle la fin de la récréation : Le gouvernement s’essaie à la communication de la répression


Narjis Rerhaye
Samedi 25 Février 2012

Pour cet homme de com’, il n’y a pas de doute : le gouvernement Benkirane est en train de s’essayer à une communication inédite et en tout cas inattendue.  Une communication de crise? Pas vraiment. «En fait,  l’Exécutif est en train de trouver un habillage à l’ordre établi et convoque la communication pour justifier les réactions visant à faire respecter la loi. C’est ce que j’appelle la communication de la répression», indique ce communicant.  Il en veut pour preuve les deux sorties médiatiques du chef du gouvernement et de celle de son ministre de la Communication, toutes deux survenues  durant la même journée, celle du jeudi 23 février.
Au sortir du Conseil de gouvernement de jeudi, c’est Abdelilah Benkirane qui donne le traditionnel point de presse, en lieu et place du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mostafa El Khalfi. En fin de matinée, les équipes de la SNRT sont prévenues du changement de programme, le point de presse se fera non pas au ministère de la Communication mais à la Primature et que ce sera le chef de gouvernement qui fera une déclaration aux questions de journalistes sélectionnés et triés  sur le volet, mais ceci est une autre histoire.
En créant l’événement à travers l’organisation d’un point de presse que l’on n’attendait pas vraiment,   le leader du PJD aux commandes du pouvoir exécutif fait acte de communication. «Les journalistes savent qu’il a une annonce à faire et que c’est sûrement important. Forcément, il fait passer son message, quel qu’il soit puisqu’il y met la forme», explique un journaliste politique, familier des arcanes du parti islamiste. Et le message avait le mérite d’être clair. Devant une partie de la presse, et comme il l’avait fait quelques heures plus tôt  devant ses ministres réunis en conseil, Abdelilah Benkirane a sifflé la fin de la récréation.  «Le droit de manifester et d’exprimer des revendications sociales est légitime mais doit obéir aux dispositions de la loi. Des actions de protestation ont connu ces derniers temps des dépassements qui ne sauraient perdurer, comme l’occupation du domaine public. Le gouvernement reste toujours ouvert au dialogue mais assumera toutes ses obligations pour faire respecter la loi», a en effet déclaré le chef de gouvernement. Le ton est grave, le moment solennel. A l’évidence, le leader devenu patron de l’Exécutif a choisi de le dire lui-même aux médias et de s’en expliquer donc devant l’opinion publique. «L’exercice est périlleux pour un parti qui était il y a peu dans l’opposition et en tout cas toujours du côté des manifestants et protestataires.  Comment expliquer à l’opinion publique qu’au pouvoir, le PJD  a changé tout en gardant quelques unes de ses convictions? Comment expliquer que Benkirane et sa famille politique sont toujours du côté des revendications sociales mais entendent faire respecter la loi? c’est ce qu’a voulu faire le chef de gouvernement, en mouillant la chemise et ce en animant lui-même le point de presse tenu à l’issue du Conseil de gouvernement», analyse ce spécialiste de la communication politique.
Au pouvoir, la communication n’est plus tout à fait la même. Les gouvernants l’apprennent souvent à leurs dépens. «C’est ce qu’on appelle le revers de la médaille du passage de l’opposition à la majorité.
El Khalfi en communicator
C’est ce qui explique aussi pourquoi un parti perd de sa popularité une fois au pouvoir. L’exercice du pouvoir n’est jamais  simple surtout lorsqu’il s’agit de faire passer des mesures et des décisions qui ne vont pas dans le sens du poil. Il est plus facile d’être populiste quand on est dans l’opposition», soutient ce ténor de l’Union socialiste des forces populaires.
Après Benkirane et son point de presse post- Conseil de gouvernement, c’était au tour, ce même jeudi 23 février, du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement de s’adresser, en direct,  à l’opinion publique dans «90 minutes pour convaincre», une émission phare de Médi 1 TV. Là encore, le Pjdiste Mostafa El Khalfi a donné à voir ses talents de «communicator» pour faire passer la pilule amère des récentes censures de journaux étrangers et des peines privatives de liberté pour les journalistes. «Plus de peine privative de liberté dans le Code de la presse qui doit être moderne et démocratique. Elles seront contenues dans le Code pénal, Comme ça, les journalistes seront traduits devant les tribunaux en tant que citoyens et non plus en tant que journalistes!» a promis le ministre avant de lancer un nouvel appel pour la grâce du journaliste emprisonné Rachid Niny. «Il faut donner un signal fort et ouvrir une nouvelle page dans les relations avec la presse qui doit être, elle, responsable» dit le ministre de la Communication en brandissant un hadith du Prophète.
Et en attendant,  la parade est toute trouvée. «Plus personne ne pourra dire que le Code  de la presse marocain est liberticide. C’est le code pénal qui se chargera du sale boulot…», soupire une femme de média.
Quant à la censure du «Nouvel observateur», du «Pèlerin» et plus récemment du quotidien espagnol «El Pais», elle est plus que justifiée aux yeux de M. El Khalfi. «Pour la première fois, de telles décisions sont motivées et sont conformes aux textes humanitaires internationaux», a affirmé l’ancien journaliste, devenu ministre de la Communication.
Le PJD parle désormais de responsabilité comme pendant de la liberté. Cette formation politique au pouvoir évoque aussi le nécessaire respect de la loi et des institutions.  «Le langage évolue probablement sous le poids des contraintes. Visiblement, le PJD est en pleine période d’adaptation. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si Benkirane et les siens vont y perdre, ou pas leur âme,» se demande un député de l’opposition.
Perdre ou pas son âme? La question est politiquement existentielle. L’image d’un Mostafa Ramid défiant les forces de l’ordre sur l’avenue Mohammed V, à Rabat, fait-elle partie d’un passé révolu?  Il y a quelques jours, au Parlement, le même Mostafa Ramid, devenu ministre de la Justice et des Libertés tenait un discours très politiquement correct. «La culture de la manifestation pacifique a cédé la place à celle de la protestation violente. On utilise la violence pour arriver à ses fins, violence contre les autres ou contre soi-même». Pas un mot sur les dépassements commis par les forces de l’ordre, pas un mot sur les violences perpétrées par la police. Etrange Mostafa Ramid qui était si  prompt à défendre la veuve, l’orphelin et les victimes des forces de l’ordre…


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