ABC met à nu les micmacs perpétrés par certains responsables espagnols

L’affaire Benbatouche n’en finit pas de faire des vagues


Libé
Dimanche 12 Septembre 2021

’affaire Brahim Ghali n’en finit pas de révéler tous ses secrets. Les investigations dirigées par le juge d’instruction au tribunal de Saragosse, Rafael Lasala, ont permis de mettre la lumière sur une coopération étroite entre le ministère espagnol des Affaires étrangères et le département de la Défense, afin de camoufler l’accès du chef du Polisario au territoire espagnol, le 18 avril, rapporte le quotidien espagnol ABC.

Les messages WhatsApp échangés entre deux hauts fonctionnaires, à savoir Camilo Villarino, chef du cabinet de l’ex-ministre des Affaires étrangères, et le lieutenant-général Francisco Javier Fernandez Sanchez, n°2 de l'état-major de l’armée de l’air à l’époque des faits, démontrent comment le gouvernement espagnol s’est servi de l’armée de l’air pour dissimuler l’entrée en Espagne du chef des séparatistes, poursuivi  pour des crimes de guerre.

L’examen de cette séquence de messages entre les deux hauts responsables ne laissent aucun doute sur leur participation directe dans l’entrée de Brahim Ghali en Espagne sans passer par le contrôle d’usage des passeports, précise le quotidien espagnol.      
      
Le général José Luis Ortiz-Cañavate, chef de la base aérienne de Saragosse a, quant à lui, affirmé avoir «reçu le 18 avril un ordre par téléphone de l’État-major de l’armée de l’Air, de ne pas faire passer par le contrôle des passeports ou par la douane le chef des séparatistes», rapporte le site d'informations El Español. Il a dans ce sens précisé que «c’est la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Arancha Gonzalez Laya, qui a donné cet ordre au ministère de la Défense, qui l’a, à son tour, instruit». Le haut responsable militaire a également affirmé que «les noms des passagers étaient inconnus, car les passeports n’ont pas été vérifiés». «Or, conformément aux procédures en vigueur, toute personne qui atterrit dans cet aéroport en provenance d’un pays hors de la zone Schengen doit être soumise à un contrôle d’identité et de titres de voyages», a-t-il souligné. Le média espagnol a également accusé la cheffe de la diplomatie d'avoir violé le code Schengen de l'Union européenne et ses propres règles, précisant que «les diplomates sont dispensés du contrôle douanier de leurs bagages, mais ne peuvent en aucun cas se soustraire au contrôle des passeports».

Toujours d’après nos confrères de ABC, il est évident que, selon les messages WhatsApp en question, les deux hauts responsables ont participé activement au plan visant à faciliter  l’entrée de ce criminel de guerre sans le soumettre au contrôle des passeports et, ainsi, sans laisser de preuve de son entrée en Espagne.

L’analyse desdits messages a également confirmé que le diplomate et le militaire qui occupe aujourd’hui le poste de représentant militaire de l'Espagne auprès de l'UE et de l'OTAN ont suivi de très près le trajet de l’avion qui transportait le chef des séparatistes depuis Alger jusqu’à la base aérienne de Saragosse. Ils ont, par ailleurs, insisté pour qu’aucun document ne soit demandé à l’appareil lors de son atterrissage et exigé la présence d’une ambulance pour transférer Ghali à l’hôpital de Logroño.

Selon les messages en question, les deux protagonistes se sont, au terme  de l’opération, félicités de sa réussite. Le lieutenant-général Francisco Javier Fernandez Sanchez a notamment informé Camilo Villarino que tout s'était déroulé comme prévu, bien qu'il ait signalé un léger malentendu avec l'équipage algérien. «Le bon travail accompli par la base a tout résolu. Je confirme que tout a été discret», a écrit le lieutenant-général dans son message à Camilo Villarino. «Bon travail», répondit ce dernier.

Face à cette situation compromettante, l’accusation populaire (procédure pénale espagnole permettant à tout citoyen espagnol de faire partie d’une procédure pénale en tant qu’accusation, bien qu’il ne soit pas victime ou n’aura eu directement préjudice) a demandé au juge de «l'affaire Ghali» d'élargir ses investigations au sein de l'équipe de contrôle des frontières de l'aéroport civil de Saragosse, qui partage les installations avec la base aérienne. Concrètement, il a demandé au juge d'obtenir l'identité du  policier qui était chargé du contrôle des passeports ce dimanche 18 avril.

En plus des messages échangés entre Villarino et le lieutenant-général Fernández Sánchez le 18 avril, il y a également plusieurs autres messages échangés quatre jours plus tard, le 22 avril, lorsque les médias ont appris que Ghali était entré en Espagne et était soigné à l'hôpital de Logroño. Villarino transmet alors la nouvelle à Fernández Sánchez tout en lui assurant que le ministère des Affaires étrangères n’impliquera en aucun cas la Défense et qu’il n’a pas l’intention de révéler que l’entrée de Brahim Ghali en Espagne a été effectuée en coordination avec la direction de l’armée de l’air.

Pour toutes ces raisons, Camilo Villarino, qui a cessé ses fonctions de chef de cabinet de la ministre González Laya après la destitution de cette dernière, est appelé à témoigner en tant qu'accusé devant le juge de Saragosse ce lundi , pour répondre de son implication dans cette affaire.

Le lieutenant-général Fernández Sánchez est, quant à lui, convoqué par le juge en qualité de témoin. Mais l’accusation populaire a demandé qu’il soit cité à comparaître en tant qu’accusé pour violation des Règlements sur les frontières, considérant que  lesdits messages démontrent qu’il y avait «un plan préconçu et parfaitement structuré».

L’avocat Antonio Urdiales qui représente l’accusation populaire a, par ailleurs, demandé au juge d’instruction d'exiger des explications au ministère des Affaires étrangères sur les ordres donnés au ministère de la Défense pour que le Brahim Ghali soit dispensé du protocole traditionnel de contrôle de son passeport à la base de Saragosse.

 Il est enfin à rappeler que le chef des séparatistes du Polisario a été récemment évacué de l’hôpital Aïn Naâdja, à Alger, vers Cuba, où il a été admis en soins intensifs. L’Espagne aurait refusé d’accueillir à nouveau le leader de la bande séparatiste qui souffre d’un cancer de l’appareil digestif, évitant ainsi une nouvelle crise avec le Royaume du Maroc.

Mehdi Ouassat


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