La clé de la santé publique mondiale


Libé
Lundi 26 Mai 2025

La clé de la santé publique mondiale
La crise du COVID-19 a enseigné au monde l’importance fondamentale de la coopération internationale dans la lutte contre les maladies. Cette coopération est malheureusement mise à rude épreuve, tout comme les conditions nécessaires à son maintien. Le financement futur de la santé et de la science est aujourd’hui remis en question, et les coupes budgétaires dans l’aide au développement de la part de pays donateurs traditionnels sèment le doute sur notre capacité à prévenir et combattre les maladies infectieuses dans les pays les plus fragiles de la planète.

Pour garantir une résilience future face aux pandémies, il est indispensable de remédier à ces insuffisances. La clé de la réussite dans ce domaine réside dans de nouveaux partenariats innovants et solides entre les organisations multinationales, les institutions des secteurs public et privé, et la société civile. L’expérience récente nous enseigne que les grands partenariats mondiaux fonctionnent. C’est ainsi que nous sommes parvenus il y a cinq ans à surmonter le nationalisme vaccinal (l’appropriation de stocks limités) dans l’élaboration d’une réponse mondiale face au COVID-19.

L’alliance mondiale Gavi, qui réunit des entités publiques, privées et de la société civile, a travaillé en partenariat avec le Groupe de la Banque européenne d’investissement (BEI) – la branche financière de l’Union européenne, détenue par ses 27 Etats membres – pour mobiliser 600 millions € (720 millions $) de fonds de pays donateurs à l’appui de l’initiative COVAX. Sans ce financement, COVAX n’aurait pas pu avancer à la vitesse et à l’échelle qui ont permis de fournir près de deux milliards de doses de vaccin. Si plus de 100 pays (principalement) pauvres ont pu en bénéficier, c’est parce que nous avons eu la clairvoyance de répondre à la pandémie par la coopération.

Les bienfaits de cette démarche ne se sont pas limités à ces pays. Face à la pandémie, le mantra consistait à comprendre que personne ne serait à l’abri tant que tout le monde ne le serait pas. Davantage de fermetures généralisées et prolongées auraient entraîné des perturbations plus importantes encore des chaînes d’approvisionnement et de l’économie mondiale. Plus vite nous pourrions fournir un accès aux technologies de dépistage, de surveillance et de suivi des contacts, meilleure serait notre capacité à détecter de nouveaux variants du virus, et à nous adapter en conséquence. Ce sont les techniciens des laboratoires d’Afrique du Sud qui ont été les premiers à identifier et à attirer l’attention sur le fameux variant Omicron.

Conscients de l’impératif d’une préparation encore plus efficace face à la pandémie de demain, nous continuons de bâtir sur la base de cette réussite d’hier. La BEI met à disposition de Gavi 1 milliard € de liquidités pour accélérer l’accès aux vaccins contre les virus à potentiel pandémique (tel qu’Ebola), ainsi que pour soutenir la vaccination systématique contre les maladies évitables telles que la rougeole, le paludisme et le papillomavirus (HPV), qui figure parmi les principales causes de cancer du col de l’utérus. (Un nouveau vaccin contre la tuberculose pourrait également voir le jour.)

Cette approche innovante inspire par ailleurs d’autres acteurs, et les conduit à accélérer leurs propres efforts. A titre d’illustration, les institutions du G7 axées sur le financement du développement, aux côtés de la BEI, de MedAccess et de la Société financière internationale, travaillent sur un nouvel instrument de financement en cas de crise, permettant de mobiliser les vaccins, produits thérapeutiques, dispositifs de diagnostic et autres matériels médicaux dont les pays à revenu faible et intermédiaire auront besoin pour affronter les futures pandémies.

Le développement de la production régionale de vaccins constitue une priorité cruciale. L’Afrique, qui représente 20% de la population mondiale, produit seulement 0,1% de l’offre mondiale de vaccins. Toute stratégie d’amélioration du niveau de préparation global face aux pandémies doit passer par la création d’une base de production de vaccins sur le continent africain.

Ici encore, les partenariats et innovations financières de la BEI changent la donne. L’Accélérateur de la production de vaccins en Afrique – soutenu par un financement de plus de 750 millions € en provenance d’Etats européens et d’institutions telles que la BEI – a été mis en place pour lever les obstacles à la production locale de vaccins. Pour aider l’Afrique à atteindre une souveraineté vaccinale, la BEI finance par ailleurs directement plusieurs installations de production au Ghana, en Afrique du Sud et au Sénégal, par l’intermédiaire de l’Institut Pasteur de Dakar.

Combinant notre expertise respective, le partenariat BEI-Gavi permet aux Etats de bâtir des systèmes de santé plus solides, ainsi que d’améliorer leur capacité à faire face aux pandémies et à sauver des vies. En tant que dirigeantes d’organisations axées sur des missions, nous savons que la protection de la santé publique mondiale exige une action audacieuse. En investissant dans l’innovation et en veillant à ce que les ressources parviennent jusqu’à ceux qui en ont le plus besoin, nous pouvons réduire le risque d’épidémies futures, protéger les communautés, et créer un monde dans lequel les crises ne dévasteront plus la vie humaine et les moyens de subsistance.

Les virus ne comprennent pas la politique, les visas, les droits de douane et les guerres. Ils ne comprennent que les systèmes immunitaires résistants et les vaccins efficaces. Si nous échouons à faire en sorte que tous les pays disposent des ressources dont ils ont besoin pour détecter les nouvelles épidémies et réagir rapidement, nous serons tous en danger. Nous ne pouvons pas nous protéger – nous, nos proches et nos économies – sans une coopération mondiale. L’investissement dans des partenariats innovants en matière de santé mondiale constitue notre meilleure défense contre la prochaine grande épidémie, et implique d’importantes retombées positives en termes de stabilité et de sécurité au niveau planétaire.

Par Nadia Calviño
Présidente de la Banque européenne d’investissement
Et Sania Nishtar, PDG de Gavi, l’Alliance du vaccin


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