Le poète Saïd Ahid publie, aux éditions de « La Maison de la poésie au Maroc », son quatrième recueil de poèmes intitulé Reniements, dont la couverture est auréolée par une œuvre picturale de l’artiste peintre Abdallah Belabbès. La lecture de ce recueil se fait dans l’aisance, l’émerveillement et le plaisir.
Une lecture rendue aisée grâce à un lexique d’une grande teneur poétique et d’une simplicité prenante. Grâce aussi à une syntaxe épurée et sans fioriture. Rien «qui pèse ou qui pose». L’émerveillement se fait sentir dès les épigraphes et les titres des poèmes. Chaque mot est en lui-même un programme, une promesse d’étonnement.
Du point de vue thématique, Saïd Ahid met en jeu un « Je » à la fois prépondérant et renié en tant que tel. Dans un mouvement de va-et-vient entre soi et soi, entre soi et la tribu, entre soi et un passé instable, entre soi et un présent tantôt à vomir, tantôt à applaudir, entre un soi existentiel et un soi hautement spirituel. A peine un autoportrait est esquissé à grands traits ou avec de toutes petites touches évocatrices de lieux et de moments privilégiés (enfance, adolescence; J’dida dans tous ses états), qu’il est vite renié. Autoportrait que chaque Jdidi de la génération du poète reconnaît comme sien. Le travail du poète consiste à construire une «identité» qui dépasse le «moi» subjectif, pour englober les congénères, voire tous les humains. L’humaine condition est évoquée sans gravité, sans ostentation. Le sacré et le profane bifurquent et convergent dans un mouvement de confirmation et d’effacement poétiquement souple.
Sur le plan esthétique, les poèmes sont à première vue autonomes. Ils peuvent être lus séparément sans rien perdre de leur teneur et de leur poéticité. Mais, une fois le lecteur saisi par la cadence et par l’élan envoûtant des fragments, il finira par s’apercevoir du lien ténu qui relie presque tous les poèmes. A l’instar de Pénélope, le poète tisse un canevas et quelques fragments plus loin, il le défait, obligeant ainsi le lecteur de revenir sur ses pas, relire et relier les morceaux entre eux. Palimpseste, texte sur texte, texte qui s’efface, texte qui se réécrit dans une lancée sinusoïdale, mettant le lecteur dans une posture dialectique.
Délicate posture qui oblige à tout remettre en question. Ebloui par la verve du phrasé et par le caractère rebelle du même phrasé. Entre le dit et le dire, l’affirmation et la négation, l’enchantement et le désenchantement, la limite est imperceptible.
Le titre Reniements, coiffant ce recueil, connote ce ravissement que produisent les phosphènes (autre titre – interne – très révélateur). On ne renie que ce qui existe déjà comme croyance, comme conviction, comme représentation, comme identité, comme fait plus ou moins avéré. Grande source de lucidité et de plaisir !
L’œuvre poétique de Saïd Ahid mérite d’être lue et relue à haute voix, à être enseignée et analysée car elle est originale, bien informée, s’inspirant des grands mythes et de l’histoire régionale, nationale et universelle. L’histoire personnelle, celle du poète et de l’homme engagé dans la vie de son époque, est manifeste dans chacune des composantes du recueil.
Dans le long poème Nuit j’didie, on lit notamment :
« (…) Éreinté, / ton souffle l’est/ J’dida.
Offusquée, / ton essence l’est/ El Brija.
Ruinés, / les amas de ta suavité le sont/ Al Mahdouma.
Faussées, / tes éternelles éternités le sont/ Rusibis.
Non seulement à cause des rapaces/ qui muent/ ton souffle, / ton essence, / ta suavité, / tes éternités/ en viles proies.
Mais en raison, / de même, / des spectres/ ayant l’air de spectres/
qui écorchent…/ le convive de ta matrice. (…) »
Par Mohammed Ait Rami
Professeur de l’enseignement supérieur.
Une lecture rendue aisée grâce à un lexique d’une grande teneur poétique et d’une simplicité prenante. Grâce aussi à une syntaxe épurée et sans fioriture. Rien «qui pèse ou qui pose». L’émerveillement se fait sentir dès les épigraphes et les titres des poèmes. Chaque mot est en lui-même un programme, une promesse d’étonnement.
Du point de vue thématique, Saïd Ahid met en jeu un « Je » à la fois prépondérant et renié en tant que tel. Dans un mouvement de va-et-vient entre soi et soi, entre soi et la tribu, entre soi et un passé instable, entre soi et un présent tantôt à vomir, tantôt à applaudir, entre un soi existentiel et un soi hautement spirituel. A peine un autoportrait est esquissé à grands traits ou avec de toutes petites touches évocatrices de lieux et de moments privilégiés (enfance, adolescence; J’dida dans tous ses états), qu’il est vite renié. Autoportrait que chaque Jdidi de la génération du poète reconnaît comme sien. Le travail du poète consiste à construire une «identité» qui dépasse le «moi» subjectif, pour englober les congénères, voire tous les humains. L’humaine condition est évoquée sans gravité, sans ostentation. Le sacré et le profane bifurquent et convergent dans un mouvement de confirmation et d’effacement poétiquement souple.
Sur le plan esthétique, les poèmes sont à première vue autonomes. Ils peuvent être lus séparément sans rien perdre de leur teneur et de leur poéticité. Mais, une fois le lecteur saisi par la cadence et par l’élan envoûtant des fragments, il finira par s’apercevoir du lien ténu qui relie presque tous les poèmes. A l’instar de Pénélope, le poète tisse un canevas et quelques fragments plus loin, il le défait, obligeant ainsi le lecteur de revenir sur ses pas, relire et relier les morceaux entre eux. Palimpseste, texte sur texte, texte qui s’efface, texte qui se réécrit dans une lancée sinusoïdale, mettant le lecteur dans une posture dialectique.
Délicate posture qui oblige à tout remettre en question. Ebloui par la verve du phrasé et par le caractère rebelle du même phrasé. Entre le dit et le dire, l’affirmation et la négation, l’enchantement et le désenchantement, la limite est imperceptible.
Le titre Reniements, coiffant ce recueil, connote ce ravissement que produisent les phosphènes (autre titre – interne – très révélateur). On ne renie que ce qui existe déjà comme croyance, comme conviction, comme représentation, comme identité, comme fait plus ou moins avéré. Grande source de lucidité et de plaisir !
L’œuvre poétique de Saïd Ahid mérite d’être lue et relue à haute voix, à être enseignée et analysée car elle est originale, bien informée, s’inspirant des grands mythes et de l’histoire régionale, nationale et universelle. L’histoire personnelle, celle du poète et de l’homme engagé dans la vie de son époque, est manifeste dans chacune des composantes du recueil.
Dans le long poème Nuit j’didie, on lit notamment :
« (…) Éreinté, / ton souffle l’est/ J’dida.
Offusquée, / ton essence l’est/ El Brija.
Ruinés, / les amas de ta suavité le sont/ Al Mahdouma.
Faussées, / tes éternelles éternités le sont/ Rusibis.
Non seulement à cause des rapaces/ qui muent/ ton souffle, / ton essence, / ta suavité, / tes éternités/ en viles proies.
Mais en raison, / de même, / des spectres/ ayant l’air de spectres/
qui écorchent…/ le convive de ta matrice. (…) »
Par Mohammed Ait Rami
Professeur de l’enseignement supérieur.