Dans un monde arabe encore marqué par la séparation stricte des rôles, la femme marocaine affirmait déjà sa place dans la construction de la nationA l’époque, la société marocaine vivait une profonde mutation. Le pays, encore jeune dans son indépendance, avançait entre tradition et modernité, entre structures sociales héritées et aspirations nouvelles. Les femmes, longtemps cantonnées à un rôle domestique ou communautaire, commençaient à s’affirmer dans l’espace public. L’éducation des filles se développait, les premières diplômées universitaires apparaissaient, et une génération montante portait déjà les prémices d’un engagement civique. C’est dans ce contexte que la Marche Verte est survenue — et elle a révélé, au grand jour, la force tranquille des femmes marocaines.
Elles ont été parmi les premières à se mobiliser. Dans les quartiers, les villages, les associations et les douars, elles ont préparé la marche avec un zèle exemplaire. Certaines cousaient les drapeaux, d’autres préparaient la nourriture pour les volontaires, d’autres encore s'occupaient de la mise en commun des ressources. Loin d’être des spectatrices, elles furent des actrices de la mobilisation nationale. Beaucoup d’entre elles décidèrent de prendre part à la marche elle-même, défiant les habitudes et les distances, motivées par la foi et l’amour de la patrie. Dans les colonnes qui s’étiraient vers le Sahara marocain, leurs voix s’élevaient aux côtés de celles des hommes, chantant l’hymne national, récitant des versets du Coran, portant le message de paix et d’unité.
Leur engagement n’était pas seulement symbolique. Il traduisait une conviction profonde : que la défense du Sahara marocain relevait du devoir de chaque citoyen, homme ou femme. Pour beaucoup d’entre elles, participer à la Marche Verte, c’était répondre à un appel sacré, celui de leur Roi, Commandeur des croyants, garant de la continuité nationale.
Cette loyauté, enracinée dans la foi et l’histoire, leur donnait une force que rien n’a pu ébranler. On voyait des mères qui portaient leurs enfants sur le dos, des jeunes femmes qui marchaient des heures durant sans faiblir, des épouses qui encourageaient leurs maris à partir, conscientes que cette épopée allait changer le destin du pays.
Elles ont incarné, ce jour-là, une autre image du Maroc : celle d’un pays où la femme n’est pas seulement gardienne des traditions, mais actrice du changement. Leur présence dans la Marche Verte a bouleversé les représentations et ouvert la voie à une nouvelle conscience féminine. Elles ont prouvé que le patriotisme n’a pas de genre, que le courage n’a pas de frontière et que la foi n’a pas de limite.
Dans un monde arabe encore marqué par la séparation stricte des rôles, la femme marocaine affirmait déjà sa place dans la construction de la nation.
Cinquante ans plus tard, cet esprit ne s’est pas éteint. Il s’est transformé, transmis, amplifié.
Les femmes qui ont marché en 1975 ont légué à leurs filles et petites-filles un sens du devoir et de la responsabilité qui irrigue aujourd’hui toute la société. Dans les écoles, les entreprises, les universités, les administrations, dans les conseils communaux ou au Parlement, on retrouve la même énergie, la même foi en la patrie, la même volonté de servir. Le Maroc moderne, celui du développement humain, de la régionalisation avancée et de la parité progressive, porte encore l’empreinte de ces femmes de la Marche Verte.
Dans les provinces du Sud, leur héritage est particulièrement visible. Les femmes, longtemps pilier des familles et gardiennes de la mémoire tribale, participent désormais pleinement à la vie économique et politique locale. Elles dirigent des coopératives, fondent des associations, siègent dans les conseils régionaux, contribuent à la transformation du tissu social. Leur engagement prolonge, à sa manière, la marche de 1975 : celle d’un Maroc qui avance, porté par ses femmes autant que par ses hommes.
L’esprit de la Marche Verte, pour elles, n’est pas un souvenir figé mais une promesse vivante. Il rappelle que la force du Maroc réside dans son unité, sa foi et la participation de tous à l’œuvre nationale. Si les hommes ont marché vers le Sud, les femmes ont marché vers l’avenir — ouvrant la voie à une société où la fidélité à la patrie se conjugue avec l’émancipation et la responsabilité.
Aujourd’hui encore, à chaque commémoration, les visages de ces femmes réapparaissent dans la mémoire collective : simples, dignes, fières, anonymes souvent, mais héroïnes toujours. Leur courage a accompagné la marche du pays, et leur esprit continue d’accompagner celle de la nation. Dans les dunes du Sahara comme dans les avenues de Casablanca, dans les écoles rurales comme dans les sièges ministériels, se perpétue le même message : le Maroc avance parce que ses femmes marchent avec lui.







