Zaev, un optimiste dans les Balkans


Vendredi 28 Septembre 2018

Un échec n'est pas une option. Je suis tellement convaincu d'un succès que
je n'envisage pas d'autres options


Le Premier ministre macédonien Zoran Zaev, artisan de l'accord avec la Grèce qui pourrait sortir son pays de l'isolement, a une qualité rare dans les Balkans: l'optimisme.
Il n'imagine pas que ses compatriotes voteront "Non" au référendum convoqué dimanche pour leur demander s'ils acceptent que leur pays devienne "la République de Macédoine du nord" pour se réconcilier avec la Grèce et reprendre les négociations d'adhésion à l'Union européenne. Ce choix devra ensuite être entériné par les députés.
Un échec "n'est pas une option. Je suis tellement convaincu d'un succès que je n'envisage pas d'autres options", disait-il récemment à l'AFP.
Au vu de sa carrière, il est difficile de reprocher son optimisme à Zoran Zaev.
Depuis ses débuts en politique en 2003, sa marche vers le pouvoir a longtemps semblé sans espoir face à la droite nationaliste de Nikola Gruevski, un "homme fort" comme les Balkans en produisent régulièrement.
Cet homme de 43 ans, originaire de la petite ville de province de Strumica, aux confins de la Macédoine, de la Grèce et de la Bulgarie, s'est aussi heurté au mépris des caciques de son parti social-démocrate.
Ils ont longtemps frisé du nez devant cet homme d'affaires qui affiche sa foi orthodoxe et dont la famille a fait fortune dans la production d'ajvar, condiment typique des Balkans.
Il a aussi survécu politiquement à des accusations de corruption, remontant à l'époque où il était maire de Strumica. La justice l'a blanchi en mai de soupçons qui étaient, affirme-t-il, politiquement motivés.
"Il n'est pas ce qu'on peut appeler un intellectuel ou un fin lettré, mais il a beaucoup de bon sens, il est rusé, comprend bien les gens", dit David Stephenson, un ancien diplomate américain devenu consultant politique à Skopje.
C'est dans la douleur que Zoran Zaev a fait irruption sur la scène internationale: en avril 2017, alors leader de l'opposition, il est violemment frappé par des militants nationalistes qui avaient fait irruption dans le Parlement.
Ils entendaient protester contre une alliance entre les sociaux-démocrates et les partis albanais, qui condamnait la droite à une cure d'opposition et était susceptible, selon eux, de mettre en péril l'identité nationale.
Les sociaux-démocrates ont rendu l'entourage de Nikola Gruevski responsable de ces violences, pour lesquelles plusieurs responsables politiques sont actuellement jugés.
Ce "Jeudi noir" lui a valu un visage ensanglanté mais a paradoxalement assis sa légitimité en décrédibilisant ses adversaires. il lui a ouvert les portes du pouvoir.
Aux affaires, Zoran Zaev annonce immédiatement sa volonté de conduire son pays vers l'Union européenne et l'Otan.
Il lui faut pour cela établir des relations apaisées avec ses voisins bulgare et grec, et mettre un point final aux conflits liés à des questions d'identité. C'est chose faite dès l'été 2017 avec Sofia. Avec la Grèce, la tâche s'annonce plus difficile.
Mais Zoran Zaev montre vite sa volonté d'avancer: il débaptise l'aéroport et l'autoroute "Alexandre Le Grand". Pour les Grecs, le roi antique appartient à leur patrimoine exclusif.
Il multiplie les échanges avec son homologue grec Alexis Tsipras. Le courant passe entre les deux hommes, en butte à l'hostilité des franges nationalistes de leurs populations. En juillet, ils signent un accord sur le lac Prespa, qui sépare leurs deux pays.
Zaev "est un pragmatique. Il voit ce qui peut être gagné, ce qui peut être perdu, comment tout le monde peut tirer profit de quelque chose", dit Albert Musliu, un analyste politique macédonien d'origine albanaise.
"J'ai vraiment profité de la signature de cet accord dans ce site magnifique de Prespa, l'ouverture du champagne, passer du temps avec tout le monde là-bas (...) Cela restera comme un moment inoubliable de ma vie", a-t-il dit.
Mais le rêve se poursuivra s'il obtient gain de cause. "Sa position politique est intimement liée à sa capacité à résoudre cette question du nom", dit James Ker-Lindsay, spécialiste des Balkans à la London school of Economics.


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